L'affaire du Mali est au centre des préoccupations de la diplomatie française, comme l'expliquera aujourd'hui le président de la République devant l'Assemblée générale des Nations Unies. A la veille de cette session annuelle - et ce n'est pas un hasard de calendrier - on apprenait que le gouvernement malien se prononçait en faveur d'une intervention militaire internationale pour l'aider à reprendre la contrôle de la partie nord du pays, aujourd'hui livrée à plusieurs groupes islamistes radicaux (Aqmi, Mujao, Ansar Dine).
Quel rôle la France va-t-elle jouer dans son ancienne colonie ? Celui de "facilitateur" selon le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius qui exclut que la France soit "en première ligne". "On n'ira qu'en soutien" ajoute de son côté le ministre de la Défense Jean-yves Le Drian. Au plan militaire, l'affaire pourrait prendre, au mieux, plusieurs semaines, voire quelques mois... Il s'agit de faire intervenir une force armée africaine, issue des pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), avant le soutien de quelques grands cousins... dont la France.
D'une manière très étrange, Laurent Fabius a démenti hier la présence de forces spéciales françaises dans la région. C'est absurde, car cette présence, discrète, est publique ! N'a-t-on pas vu les hommes du COS intervenir depuis Ouagadougou, en janvier 2011, pour tenter de libérer deux Français enlevés à Niamey ?
La présence du COS dans la région du Sahel porte le nom d'opération Sabre. Elle se fait avec l'accord explicite des autorités de ces pays. La capitale du Burkina (Ouagadougou) est le centre de cette opération. Pour la petite histoire, l'ambassadeur de France dans ce pays est le général Emmanuel Beth, frère du général Frédéric Beth, ancien patron du COS et actuel numéro deux de la DGSE. Et pour la plus petite histoire encore, l'ambassadeur s'est récemment cassé le pied en sautant en parachute avec les forces spéciales françaises... Le commandement des opérations spéciales - avec ses avions et hélicoptères - est également présentes en Mauritanie, et de manière plus faible, au Niger et sans doute au Mali.
Quel rôle pour l'armée française ? De la formation et du soutien. Si une force d'intervention africaine voit le jour, il faudra l'entrainer et, en partie, l'équiper. Puis la soutenir, en la transportant et en la renseignant. Des moyens de renseignements sont - ou seront prochainement- déployés dans la région, notamment des avions de patrouille maritime Atlantique 2 à Niamey (Niger). D'autres moyens aériens sont à l'étude. Récemment la presse algérienne a fait état de la présence de militaires français dans le sud de la Libye : il s'agit d'une équipe de l'armée de l'air et du génie de l'air, chargée d'une mission d'évaluation de la dépollution des pistes d'aviation bombardées durant Harmattan...
La France joue une partie délicate, car les islamistes radicaux détiennent six otages français et ils menacent de les exécuter en cas d'intervention française. Autre épine dans le pied : l'Algérie, le grand voisin des Etats de la région, qui ne regarde pas la France avec des yeux de Chimène et qui pourrait lui réserver quelques coups tordus. Dans le même temps, la communauté internationale comprend bien qu'il n'est pas acceptable qu'une zone hors contrôle, comme l'Afghanistan des talibans ou la Somalie d'aujourd'hui, s'installe durablement au coeur de l'Afrique...
Y-a-t-il d'autres opérations françaises en cours ? C'est probable, mais celles-ci relèvent de la DGSE et sont donc clandestines. Rien à voir avec celles du COS, qui sont, elles, des opérations militaires discrètes, revendiquées par les autorités politiques, même si elles ne les commentent pas. C'est toute la différence, de nature, entre le COS et la DGSE.
Jean-Dominique Merchet