mardi 9 décembre 2025

Les services secrets russes accusent la France d’envoyer des mercenaires en Ukraine

 

La direction du SVR, l’équivalent de la DGSE en Russie, a accusé Paris d’orchestrer la venue de mercenaires français en Ukraine. Le service de renseignement fonde ses informations sur... une publication dans le journal officiel.

La France aurait autorisé par décret «le recours à des sociétés militaires privées» en Ukraine pour combattre la Russie. Cette accusation ne provient pas de comptes proches du Kremlin sur les réseaux sociaux, mais des services secrets russes dans un communiqué publié le 2 décembre sur le site internet du SVR, le «service de renseignement extérieur de la Fédération de Russie».

L’assertion est aussi étonnante qu’elle provient d’un service traditionnellement peu bavard : le SVR, héritier en ligne directe de la première direction générale du KGB à l’époque soviétique et chargé d’infiltrer les pays étrangers, ne communique que très rarement, note à cet effet Le Point

Cibles «principales et légitimes» des forces armées russes

L’organisme, mis en cause ces dernières années pour avoir traqué et assassiné des opposants à Vladimir Poutine, tire en tout cas à boulets rouges sur l’implication de la France dans le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine. Quitte à affirmer savoir que «la France continue d’étudier la possibilité d’une implication directe dans le conflit ukrainien».

Selon le service de renseignement, Kiev, dans l’incapacité «d’intercepter les cibles aériennes russes», aura besoin de «sociétés militaires privées étrangères équipées d’armements occidentaux modernes, principalement français». SVR met néanmoins en garde le supposé entrisme de Paris dans la guerre en Ukraine : «la présence de ces sociétés [...] sera perçue par Moscou comme une participation directe de la France aux opérations militaires contre la Russie», et ces dernières seront donc la cible «principale et légitime» des forces armées russes.

Pour fonder ses accusations, le service cite à profusion un décret paru au Journal officiel français en octobre dernier : ce dernier rend possible le recours par l’armée à des entreprises privées dites «opérateurs économiques (...) de référence» pour des missions de formations de soldats, de sécurité ou de conseil à l’étranger.

Faire douter l’opinion française

Concrètement, il s’agit pour l’armée de désengorger les missions traitées par son personnel, en transmettant ces prérogatives à des entreprises privées sous-traitantes, explique encore Le Point. Ces opérateurs de référence, qui ont la confiance de l’armée, ne sont en revanche pas des combattants et ne seront pas envoyés sur des terrains de guerre - contrairement à ce qu’affirme le communiqué du SVR. Par ailleurs, le mercenariat est strictement interdit par une loi française datée de 2003. En revanche, le recours aux entreprises privées par l’armée française date de bien avant la guerre en Ukraine.

Le tempo de la publication du communiqué du SVR n’est en revanche pas anodin : cette mise en garde s’inscrit dans un contexte plus large de débats accrus en France autour de l’implication du pays dans la guerre qui fait rage en Ukraine depuis près de quatre ans. Le chef d’état-major des armées Fabien Mandon a récemment déclaré que le pays devait être prêt à «accepter de perdre des enfants» face à l’exacerbation de la menace russe en Europe, s’attirant les foudres d’une partie des Français qui disent refuser tout net d’envoyer leurs enfants mourir sur le front ukrainien. Comme l’indique encore Le Point, en condamnant vivement une fausse information, il s’agit donc désormais pour le service de renseignement de faire monter la tension - et à instiller le doute dans l’opinion.

Jeanne Durieux

lefigaro.fr