vendredi 8 septembre 2023

Bound for Taïwan : comment ravitailler une île assiégée ?

 

La guerre en Ukraine est marquée par la fourniture d’armes à cette dernière. Outre la stratégie déclaratoire qui se cache derrière, l’OTAN et ses alliés « traditionnels » extraeuropéens (1) l’assurant ainsi de leur soutien, le rôle militaire n’est pas négligeable. Certes, il n’est pas le plus important : l’armée ukrainienne dispose d’armes ex-soviétiques (artillerie, DCA), de conception nationale (missiles antinavires Neptune) et étrangère acquises avant la guerre (missiles Javelin, drones Barayktar TB2). Mais l’importance du soutien se renforce avec le temps et la transformation du conflit d’un combat de manœuvres en une guerre d’attrition. Aussi, nombre de déclarations en 2022 font-elles des analogies géopolitiques avec la situation de la République de Chine (Taïwan).

L’ancien secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen déclairait ainsi : « Les parallèles avec la Russie et l’Ukraine ne peuvent être ignorés. […] Le monde libre a montré une impressionnante unité en réponse à la guerre en Ukraine. Nous pouvons être sûrs que Xi Jinping regarde cela de près. (2) » Or Taïwan aurait, dans le cas d’un conflit, un besoin d’approvisionnement en armes au moins équivalent à celui de l’Ukraine. Son industrie nationale de défense est certes développée et produit des engins avancés (missiles antinavires, drones), mais Taïwan fait face en temps de paix à la pression de la République populaire de Chine (RPC) contre l’achat d’armes (bien que cette pression s’exerce surtout sur les ventes d’armes « lourdes » et visibles telles que les frégates ou les avions). En cas de conflit avec la Chine, toute ingérence tierce en faveur de Taïwan passera par la mer. Se pose alors la question de la ligne logistique maritime, des capacités pouvant l’emprunter et la maintenir ouverte. Après la destruction du plus gros avion du monde sur un aérodrome ukrainien, verra-t‑on le plus gros navire du monde couler au large de Taïwan ?

Pour étudier les conditions de cette lutte, il faut préalablement fixer un cadre géopolitique, le plus simple et le plus probable : un conflit ouvert oppose la RPC à Taïwan, le territoire complet de cette dernière étant potentiellement soumis aux attaques adverses (3). Au moins un pays tiers, les États-Unis, s’engagent dans le ravitaillement, notamment en armes, de Taïwan. Pour cet article, trois situations sont possibles :

• la fourniture d’armes en territoire américain, à charge de Taïwan de les transporter et de protéger le transport ;

• la fourniture d’armes en territoire taïwanais, les États – Unis protégeant le transport en tant que force dissuasive avec efficacité ;

• la fourniture d’armes en territoire taïwanais, les États – Unis protégeant le transport, mais sans parvenir à dissuader la RPC de porter des attaques contre ce transport.

Que nous dit l’histoire ?

Usuellement, l’histoire est source de nombreux enseignements et il est plus difficile de faire le tri dans les analogies plus ou moins pertinentes que d’en trouver. Si la guerre des convois est courante dans l’histoire, elle concerne le plus souvent des ports de départ et d’arrivée relativement sécurisés contre les attaques adverses (comme durant la bataille de l’Atlantique). Il est plus rare que les navires doivent atteindre des ports sur un territoire soumis aux attaques ennemies, avec un crescendo de danger ininterrompu au fur et à mesure de l’avancée. Un exemple correspondant à cette situation est celui de Malte. Durant la Deuxième Guerre mondiale, l’île fut confrontée à une situation rare dans les annales de l’histoire : de 1940 à 1943, des convois alliés durent forcer le blocus de l’Axe pour alimenter et armer l’île.

Pour entretenir les forces basées sur l’île durant la guerre, les Alliés, Britanniques en tête, durent mener des convois à bon port face à deux menaces principales, et à deux menaces secondaires : les flottes aériennes de l’Axe en provenance de Sicile, de Crète et de Libye, et la flotte de surface italienne, qui ont conduit des attaques particulièrement efficaces lorsqu’elles étaient coordonnées. À plusieurs reprises, des convois firent demi – tour, ou furent entièrement annihilés sur le trajet ou peu après l’arrivée des cargos au port (4). Menaces secondaires, les submersibles et les attaques spéciales de la flottille italienne Decima causèrent aussi des dégâts aux navires de commerce, et surtout à leur escorte. Le fait est pourtant que ces menaces ne sont pas parvenues à dissuader sur le long terme l’envoi de convois, en regard de la nécessité stratégique de tenir le canal de Suez, car elles ne pouvaient rendre leur passage suffisamment coûteux. Les raisons de ce succès allié, face à une géographie très défavorable, peuvent être résumées ainsi :

• d’abord, l’acquisition d’un ascendant moral de la Royal Navy sur la flotte italienne : cet ascendant, basé notamment sur la présence de porte – avions dans ses rangs, eut pour conséquence tactique que la Regia Marina refusa régulièrement d’engager ou de pousser le combat. Lorsqu’elle le fit, elle rencontra des difficultés tactiques. La première menace fut ainsi contrée ;

• ensuite, la montée en puissance des moyens antiaériens des navires et l’alignement de porte-avions et de chasseurs à long rayon d’action (Beaufighter, P‑40 Kittyhawk) permirent de contrer l’aviation de l’Axe, du moins dans une certaine mesure ;

• enfin, après une période difficile, les Alliés firent monter en puissance les forces de Malte en amenant sur place des avions et des navires immédiatement opérationnels.

Comme souvent, il est difficile de tirer un enseignement direct de ces exemples en raison de l’évolution des sociétés, des armées et des techniques. Mais l’histoire a au moins le mérite de montrer que même la situation difficile d’une île enserrée dans le rayon d’action des forces adverses n’est pas nécessairement désespérée.

Enjeux politiques

Pour la mission spécifique du ravitaillement de Taïwan par un pays tiers, les enjeux politiques mobilisent deux pays en particulier : les Philippines et le Japon. Tous deux étant proches de Taïwan sur ses approches sud et nord, leur posture déterminera les routes disponibles pour ravitailler l’île. Examinons-en les conséquences. La neutralité des deux pays ne laisse qu’une route par la mer des Philippines, qui connecte la côte est de Taïwan à Guam sur 2 650 kilomètres. Cette route présente l’avantage de n’avoir « que » 25 kilomètres dans les eaux territoriales taïwanaises, plus de 25 kilomètres dans le périmètre de sécurité. Cela implique, dans la deuxième hypothèse d’une escorte dissuasive, qu’un convoi américano – taïwanais peut se rapprocher à 50 kilomètres de la côte (mais pas du port, cf. supra) avant d’être en situation de se faire attaquer. Dans les première et troisième hypothèses, ces 2 650 kilomètres deviennent très difficiles à protéger.

L’ajout dans l’arène de Philippines favorables au camp taïwanais ouvre une marge de manœuvre par le sud, mais elle laisse encore 350 kilomètres de mer à franchir entre les deux territoires, exposés aux attaques chinoises en raison de la portée des moyens employés (avions, missiles et sous-marins). De plus, les capacités nationales des Philippines pour la défense de convois ne représentent pas un gain important : la marine manque de capacités de lutte antiaérienne sur ses navires et l’aviation de combat est largement inférieure à celles des États – Unis, de la Chine et de Taïwan, et pèsera donc moins dans la balance par ses moyens que par sa position géographique.

En comparaison, l’engagement du Japon apporte bien plus à la situation stratégique globale, et à celle des convois en particulier. La chaîne des îles Ryu-Kyu permet de s’approcher à 200 kilomètres de la côte est de Taïwan, et fournit des bases idéalement placées pour couvrir les convois par la DCA et la chasse. Les moyens japonais dans ces domaines constituent cette fois un apport appréciable. Par comparaison avec la guerre en Ukraine telle qu’elle se déroule actuellement, et dans l’hypothèse de cet article, le scénario le plus probable est le premier, avec une approche par l’est à travers la mer des Philippines.

Les capacités portuaires

Mais, et l’exemple de Malte ne contestera pas ce point, faire parvenir un navire jusqu’à l’île n’est pas la fin des ennuis : il faut encore le décharger. Si un navire militaire destiné aux opérations amphibies offre des solutions « tout – terrain », c’est moins le cas des navires civils. Taïwan dispose de nombreuses infrastructures portuaires, dont huit grands ports. Ils cumulent une capacité d’accueil annuelle de plus de 20 000 navires et une capacité de traitement de 214,6 millions de tonnes, tous types de marchandises confondus, soit trois fois celle du port du Havre. Mais seulement deux d’entre eux, offrant 23 millions de tonnes de capacité annuelle, se trouvent sur la côte est, et sont donc susceptibles d’être disponibles pour l’accueil de convois dans une situation de guerre contre la RPC.

Moins exposés, ils ne sont pas exempts de menaces : à supposer que leurs approches maritimes soient sécurisées lors du passage du convoi, il reste l’option des bombardements par avion et par missiles de croisière ou balistiques touchant le port lui – même. Malgré la préparation de Taïwan au conflit, les infrastructures portuaires (grues de déchargement de conteneurs, voies ferrées, routes d’accès) restent par nature ouvertes en plein air, donc vulnérables. Les défendre nécessitera de mobiliser la défense antiaérienne, précieuse et sollicitée pour d’autres opérations. Les « bonnes nouvelles » sont que la posture défensive sur la côte est de Taïwan, certainement adoptée par les frégates et destroyers taïwanais, leur permettra de contribuer à cette défense contre les missiles, tandis que l’aviation chinoise subira une attrition assez forte en devant traverser d’ouest en est l’île pour frapper les ports. Cette situation – la vulnérabilité des infrastructures de transport – est déjà observée en Ukraine, avec des frappes russes régulières contre les villes et les bases de l’ouest du pays qui visent à empêcher l’acheminement des matériels et, dans une moindre mesure, des volontaires étrangers.

La « dialectique » qui oppose les belligérants se situe alors au niveau de la guerre aérienne stratégique – guerre des villes, guerre des ports, guerre de l’énergie – et de la priorisation des cibles. Il y a tout de même quelques options tactiques : contourner l’île de Taïwan pour atteindre les ports de la côte ouest sera initialement avantageux en termes de capacités de déchargement. Mais outre que les navires s’exposeront à des attaques beaucoup plus intenses, cette option deviendra de moins en moins intéressante, les ports de l’ouest, du fait de leur orientation et de leur proximité avec le continent, pouvant être attaqués par des missiles antinavires lourds ciblant directement les navires à quai. À terme, ils seront aussi la cible d’attaques terrestres directes (débarquements) ou indirectes (encerclements). Argument en faveur de la côte est : il est possible de défendre un port avec des contre – mesures physiquement imposantes, mais peu coûteuses (quais flottants, navires épaves jouant le rôle de leurres, réflecteurs radars, camouflage fumigène…). Utilisées par l’Iran pour protéger ses terminaux pétroliers des attaques irakiennes dans les années 1980, ces mesures n’ont pas rendu l’attaque plus dangereuse, mais ont obligé les appareils irakiens à emporter et à dépenser plus de munitions pour obtenir des résultats. L’ensemble de ces facteurs fait qu’en dépit de la répartition actuelle des infrastructures portuaires, la destination la plus pertinente pour les convois de renforts et de ravitaillement sera la côte est de Taïwan.

Attaque des convois

Mais pour l’atteindre, il faut franchir la mer des Philippines. Quelles sont les menaces ? La flotte sous – marine s’impose dans l’imaginaire militaire comme populaire. La furtivité du submersible lui permet de se placer discrètement à pied d’œuvre pour attaquer. Aujourd’hui cependant, l’existence de moyens rapides, à longue portée et sans équipage permet de mener d’autres types d’attaques dans des eaux éloignées et hostiles. Ces moyens sont les missiles de croisière ou balistiques, et les drones. Les premiers ont fait leurs preuves au combat contre des convois, notamment dans le Golfe de 1980 à 1990, les deux autres pas encore, mais ont un potentiel certain.

L’aviation, engagée à Malte et à Guadalcanal, jouera aussi un rôle. Aujourd’hui, la DCA basée sur des systèmes de missiles peut assurer une défense de zone à longue portée, tâche réservée à la chasse par le passé. Cela implique qu’un raid aérien chinois visant un convoi en mer des Philippines ne pourrait survoler Taïwan sans s’exposer à une lourde attrition. Le passage nord est bloqué par les îles Ryu-Kyu qui procurent au Japon un vaste espace aérien. Reste le sud et le passage entre Taïwan et les Philippines. Seul accessible sans voler au – dessus d’une zone neutre ou hostile, il présente le désavantage de devoir baser les avions sur les terrains du sud de la Chine déjà sollicités par les opérations visant l’île de Taïwan elle – même. Outre l’attrition subie par le raid, son trajet implique qu’il sera certainement détecté en avance et permettra au convoi de préparer sa défense : mise en l’air d’avions, déploiement de leurres… De plus, l’aviation aura déjà nombre de missions à réaliser pour l’attaque de Taïwan : obtention de la supériorité aérienne, attaques d’infrastructures critiques et potentiellement soutien rapproché aux opérations amphibies. Pour toutes ces missions, l’aviation chinoise dispose d’appareils adaptés et d’un panel de munitions guidées. Pour l’attaque antinavire, elle dispose de 176 H‑6 en service, dont 40 en version antinavire H6‑J. Ces bombardiers permettront de tirer des salves importantes de missiles antinavires, en comparaison des appareils de chasse ou d’attaque qui emportent au mieux un seul missile de ce type. Les convois seraient donc la cible d’une attaque de bombardiers de l’aviation chinoise, escortés par des chasseurs et tirant à la portée maximale possible pour limiter les risques d’interception. Ce schéma d’attaque n’est pas récent : envisagé depuis près de 50 ans maintenant par les puissances américaine et soviétique, il n’a jamais connu de mise en œuvre au combat. Quoi qu’il en soit, il se résout par l’opposition tactico – technologique entre la saturation et les contre – contre – mesures des missiles attaquants, et la capacité de la défense à les brouiller, à les leurrer et à les intercepter.

La menace sous – marine est différente. Le renseignement préalable au conflit déterminera combien de submersibles sont susceptibles d’être positionnés à l’est de Taïwan. En revanche, le suivi de leurs opérations sera plus difficile au fur et à mesure que les navires effectueront leur rotation : de multiples méthodes (départs nocturnes, adaptation aux trajectoires des satellites) permettent de camoufler les départs des navires. Du côté taïwanais, 18 hélicoptères Seahawk et 12 P‑3C Orion offrent une solide capacité ASM, avec le support de 7 hélicoptères légers Hughes 500MD Defender. Mais trois facteurs viennent limiter leur action : la multiplicité des tâches pour les hélicoptères, d’une part, et des cibles pour les avions de patrouille maritime, d’autre part, fragiliseront la lutte ASM. De plus, la patrouille maritime devra être menée depuis des bases neutres (5) en majorité, en raison de la difficulté à maintenir les bases de Taïwan opérationnelles pour de si gros – et donc vulnérables – appareils. Cela pose deux difficultés. La première est d’ordre opérationnel. Peu de territoires américains ou taïwanais sont disponibles pour patrouiller en mer des Philippines, sauf à utiliser les îles philippines et japonaises. La deuxième est d’ordre politique, puisqu’elle implique que des militaires taïwanais opèrent des patrouilles anti – sous – marines pouvant mener à des attaques depuis des bases de pays neutres. Les soutiens du camp taïwanais sont-ils prêts à prendre ce risque ? Probablement oui, car la menace des submersibles chinois est, sur le papier, pléthorique : neuf sous – marins nucléaires d’attaque et 57 à propulsion conventionnelle, dont 43 à capacité de lancement de missiles antinavires. Un convoi peut sécuriser ses abords de lancements de torpilles grâce aux sonars embarqués sur les navires d’escorte, et surtout grâce aux hélicoptères ASM. Mais la menace des missiles à changement de milieu, à longue portée, est plus difficile à contrer. Si Taïwan dispose de bâtiments avec des capacités antiaériennes – quatre destroyers Kee Lung (62 RIM-66 Standard) et 10 frégates (RIM‑116 RAM, Sea Chapparal, RIM‑66) (6) –, ce nombre est insuffisant pour lutter dans le détroit de Taïwan, couvrir les approches de la côte et assurer une escorte de convois. Un choix devra être fait entre ces différentes tâches.

Enfin, reste la menace des missiles balistiques, voire des missiles hypersoniques. Le caractère récent et peu nombreux des deuxièmes fait qu’ils seront certainement limités à l’attaque de cibles de haute valeur, et ce d’autant plus qu’ils sont soumis à l’incertitude sur leur charge militaire (nucléaire ou conventionnelle). Ce problème s’applique aussi au missile balistique, mais la large communication autour des missiles balistiques spécialisés dans l’attaque conventionnelle, tels que le DF‑21 dans l’attaque antinavire, offre la possibilité de les tirer sans déclencher de méprise fatale. Reste la question du prix. Comme l’Irak et l’Iran l’ont appris à leurs dépens lors de la première guerre du Golfe, interrompre un flux de navires marchands déterminés dans leur mission s’avère difficile, car il s’agit d’une guerre d’attrition utilisant des armes d’attaque modernes et chères contre des navires moins chers que les cibles militaires. Les convois pour Taïwan échapperont donc peut-être à ce type de frappes lorsque la guerre l’opposant à la RPC laissera penser à cette dernière qu’elle peut l’emporter rapidement, avant que le renfort apporté par les convois ne puisse influer. Mais une telle appréciation ne pourra durer dans les états – majors. Contre les missiles balistiques, Taïwan ne peut offrir aucune défense active en mer. Tout reposera sur les capacités à leurrer le guidage terminal des missiles balistiques, un guidage terminal qui dépend du côté chinois de deux éléments : la capacité à connaître la composition du convoi avant la frappe, et les contre – contre-mesures utilisées lors du guidage terminal.

Enfin, une menace a priori peu susceptible de se concrétiser est constituée par la flotte de surface chinoise. Ses navires de grande taille (le destroyer Type‑055 est qualifié de croiseur) dotés de capacités antiaériennes et antinavires sont idéaux pour s’approcher d’un convoi, coordonner des frappes contre lui et son escorte, et se replier. Ils ont la capacité de poursuivre et d’achever un convoi disloqué. Ils seraient donc une arme idéale si, comme pour l’aviation, la géographie ne créait pas des passages obligés, et donc dangereux, que la flotte devra emprunter pour attaquer les convois. De plus, la marine de surface sera probablement la force la plus sollicitée pour escorter des forces amphibies. Pour ces deux raisons, la menace est peu susceptible de se concrétiser, du moins au début du conflit, tant que les capacités antinavires taïwanaises seront actives. Dans l’ordre, les convois seront donc probablement ciblés par les sous – marins, puis par les missiles balistiques (7), l’aviation et enfin la flotte de surface.

Une question avant tout politique

Mener un convoi à bon port n’est pas une tâche aisée. C’est encore pire quand le « bon port » n’est qu’une zone temporaire de déchargement non sécurisée. Et la difficulté est probablement à son paroxysme à notre époque, en raison des capacités de détection avancée qui rendent illusoire de maintenir la discrétion du convoi. L’évolution technologique redevient un avantage lorsqu’il s’agit de contrer les attaques elles – mêmes, avec des défenses antiaériennes et anti – sous – marines plus avancées que durant la guerre froide. Mais la principale contrainte est politique : Taïwan manque de moyens pour assurer une escorte suffisante du convoi, tout en devant sécuriser le port pendant le temps du déchargement et assurer la défense de l’île en général. L’organisation de convois de matériel à destination de Taïwan en cas d’attaque par la RPC, une action vitale pour la résistance sur le long terme de l’île, sera donc avant tout une question politique. Plus les pays envoyant ces convois s’investiront dans leur protection, plus ils rendront possible leur existence. Et ce d’autant plus que la marine taïwanaise serait aujourd’hui en passe de se tourner vers une stratégie des moyens privilégiant les petites embarcations d’attaque (8), au détriment des unités (frégates, destroyers) plus lourdes capables de persistance – et donc capables d’assurer des tâches d’escorte. La question des convois fait donc ressortir une difficulté de la stratégie des moyens taïwanaise : le choix optimal en matière d’armement dépend grandement du scénario politique envisagé. 

Notes

(1) Corée du Sud, Taïwan, Australie.

(2) https://​eurasiantimes​.com/​e​d​i​t​e​d​-​e​x​-​n​a​t​o​-​c​h​i​e​f​-​c​a​l​l​s​-​f​o​r​-​e​c​o​n​o​m​i​c​a​l​l​y​-​h​i​t​t​i​n​g​-​c​h​i​n​a​-​t​o​-​p​r​e​v​e​nt/

(3) Dans le scénario le plus probable, même si le niveau politique ne limite pas les attaques sur le territoire de la RPC, celles-ci resteraient ponctuelles par manque de moyens adéquats et en quantité suffisante dans l’arsenal taïwanais.

(4) Par exemple durant la deuxième bataille de Syrte.

(5) Dans le scénario « simplifié » que nous étudions ici, ces bases neutres seraient essentiellement des bases américaines. Il en existe d’importantes au Japon, en Corée du Sud, dans la baie de Subic aux Philippines, à Guam et à Hawaï. Les plus petites (moins de 10 000 hommes) et éloignées, à Singapour et en Australie, serviront moins.

(6) Certaines unités sont en cours de mise à niveau avec le remplacement des vieux Sea Chapparal par des systèmes VLS capables de tirer des RIM‑66/67/161 Standard ou des RIM‑7/162 Sea Sparrow.

(7) Probablement aussi par des drones HALE.

(8) Roland Doise, « La modernisation de la marine taïwanaise », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 86, octobre-novembre 2022.

Simon Le Bouché

areion24.news