jeudi 24 août 2023

Le même jour: le général Sergueï Sourovikine «général Armageddon» et Evgueni Prigojine disparaissent du champ médiatique

 

Adulé par les va-t-en-guerre russes, Sergueï Sourovikine a commandé le contingent en Ukraine avant d’être rétrogradé, puis renvoyé de ses fonctions mercredi. L’homme semble payer sa proximité avec le chef de Wagner.

C’est devenu officiel mercredi matin: Sergueï Sourovikine, le célèbre «général Armageddon» de l’armée russe, a été «libéré de ses fonctions» à la tête des forces aérospatiales (VKS). Il occupait également le poste beaucoup plus sensible de commandant adjoint du contingent russe en Ukraine. Mais l’agence de presse officielle Ria Novostise borne à annoncer le nom de son remplaçant par intérim au VKS: un certain général Viktor Afzalov, dont on n’avait jamais vraiment entendu parler.

Vladimir Poutine continue apparemment de faire le ménage. Le maître au Kremlin aurait désormais refroidi l'éminent général Sergueï Sourovikine. C'est ce que rapportent unanimement les médias ukrainiens et les blogueurs militaires russes. Il y aurait même déjà un décret présidentiel, mais celui-ci n'aurait pas encore été rendu public.

En juillet déjà, peu après la tentative de soulèvement des mercenaires de Wagner dirigés par l'oligarque Evgueni Prigojine, des spéculations avaient circulé sur une destitution de Sourovikine. Ce militaire de haut rang s'était fait surnommer le «général Armageddon» en raison de ses actions brutales, notamment en Tchétchénie puis en Syrie, où il avait fait intervenir les troupes russes avec une dureté particulière contre l'opposition locale.

Jusqu'en janvier 2023, Sourovikine était en grande partie responsable de la construction des massives installations de défense sur lesquelles les forces armées ukrainiennes se cassent les dents depuis des mois. C'est pourquoi les militaires russes appellent ces trois rangées de remparts les «lignes Sourovikine».

Le général de 56 ans était le commandant en chef des unités russes en Ukraine d'octobre 2022 à janvier 2023. Sourovikine, parfois également appelé «le cannibale de Poutine» sera destitué, mais restera sous l'autorité du ministère de la Défense, a écrit mardi Alexeï Venediktov, ex-rédacteur en chef de la radio libérale dissoute Echo Moskvy, sur son canal Telegram.

L'officialisation de la destitution de Sourovikine n'est pas le fruit du hasard. Cette décision s'inscrit dans une série d'autres décisions prises par le dirigeant russe.

Ainsi, le maître du Kremlin a rencontré, samedi, ses deux principaux pions, comme l'ont d'ailleurs montré les images de la télévision d'Etat russe: le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d'état-major général Valeri Guerassimov.

Le lieu de la rencontre a été révélateur, car elle s'est déroulée à Rostov-sur-le-Don, à l'endroit même où la mutinerie de Wagner, dont on pense qu'elle a été initiée par Prigojine, a commencé fin juin 2023.

Deux jours plus tard, une vidéo de Prigojine est apparue, montrant ce dernier non plus en Biélorussie, où il s'était réfugié après l'échec de la tentative de putsch, mais dans un pays africain.

La vidéo aurait été enregistrée au Mali. Dans ce clip d'à peine une minute, Prigojine assure, sur un ton humble et inhabituel, vouloir accomplir sa mission en Afrique et a sollicité pour cela d'autres combattants pour son unité de mercenaires. La mission est très probablement soutenue par le Kremlin, car Poutine ne cesse depuis des années d'accroître son soutien aux Etats africains importants sur le plan géopolitique et économique. Avec l'aide de la troupe Wagner.

Le signal que l'ancien agent du KGB Poutine est supposé envoyer avec la destitution de Sourovikine ne pourrait pas être plus clair: il renforce ses hauts responsables militaires controversés: Choïgou et Guerassimov.

Choïgou, le confident de longue date de Poutine, devrait notamment se frotter les mains face à cette évolution. Il sort nettement renforcé du conflit avec Prigojine et la fraction Wagner.

Le remplacement de Sourovikine à la tête des troupes n'a donc pas été une surprise, comme le constate le blog militaire russe Rybar, en général toujours bien informé. Mais cette décision de Poutine ne plaît apparemment pas à tout le monde. Une grande partie des troupes russes appréciait Sourovikine.

Le groupe de mercenaires Wagner lutterait également pour sa survie. Comme l'indique le groupe de réflexion américain Institute for the study of war (ISW) dans son dernier rapport de situation, des canaux proches de l'organisation tentent de propager une image d'importance du groupe de mercenaires sur le continent africain qui veut étendre son influence au Niger.

Depuis la tentative de coup d'Etat fin juin, l'armée privée de Prigojine semble en outre rencontrer d'importantes difficultés de financement, le Kremlin ayant officiellement suspendu ses fonds pour les mercenaires en juillet. Poutine et ses généraux tentent à la place d'intégrer les combattants de Wagner dans l'armée régulière russe, ce que ces derniers ont toutefois refusé avec véhémence jusqu'à présent.

Selon des initiés russes, c'est surtout le ministre de la Défense Choïgou qui préparerait un coup final contre Wagner. 

Chiara Lecca

watson.ch