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mardi 7 décembre 2021

Munitions : les forces françaises ne disposent que du « strict nécessaire »

 

Cela fait maintenant des années que les rapports et les auditions parlementaires se succèdent pour dire la même chose : la Marine nationale manque de munitions dites « complexes » [missiles de croisière, missiles surface-air, torpilles] alors que, selon son plan stratégique Mercator, ses équipages doivent s’exercer à en tirer régulièrement au titre de leur préparation opérationnelle.

Ce sujet a été une nouvelle fois abordé lors d’une récente réunion de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, dans le cadre des débats relatifs au projet de loi de finances initiales 2022. Ainsi, selon le sénateur Cédric Perrin, l’important exercice naval Polaris 21, qui devait alors se tenir en Méditerranée, allait être un révélateur.

Devant simuler plusieurs jours de combat dans un contexte de « haute intensité », il devait en effet servir, d’après M. Perrin, à « estimer » la « consommation potentielle de munitions », chaque navire censé en être dépouvu devant se retirer de l’exercice. « Très rapidement, l’on se rendra compte que notre manque de munitions nous pénalise dans l’exercice de nos missions », a-t-il dit.

Maintenant que Polaris 21 est terminé, qu’en a-t-il vraiment été? Sans doute le saura-t-on dans les prochains semaines… Cela étant, et même si cette question a été prise en compte dans la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, il faudra du temps pour que la Marine nationale puisse disposer de stocks suffisants de munitions.

« Nous atteindrons les objectifs en 2025 pour l’artillerie. Il faudra plus de temps pour les munitions complexes, pour lesquelles nous atteindrons l’objectif en 2030. Ces missiles coûtent cher, leur temps de construction se compte en années et ils ont une durée de vie limitée. L’entretien du stock est donc coûteux », avait précédemment expliqué l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM]. Et d’ajouter : « Cette question est donc sensible et devra être abordée dans la LPM future », d’autant plus que depuis l’opération Hamilton [frappes contre le programme chimique syrien, en avril 2018, ndlr], « j’ai demandé à ce que chaque tir soit ‘le tir du grand soir' ».

Cela étant, la Marine nationale n’est pas la seule concernée. Lors d’une visite au 2e Régiment d’Infanterie de Marine [RIMa], les membres de la commission ont constaté que les « munitions complexes constituaient un vrai point d’attention », alors que « leur prix, notamment, tend à augmenter », a relevé la sénatrice Catherine Dumas. « Notre déplacement au Mans nous a permis d’illustrer cette problématique de l’investissement et de la préparation à la haute intensité. Les munitions, en particulier les munitions complexes sont en nombre insuffisant », a confirmé son collègue Olivier Cigolotti.

Mais les stocks de munitions de petit calibre seraient également insuffisants. C’est ce qu’a laissé entendre la sénatrir Hélène Conway-Mouret. « Sont concernées les munitions pour l’entraînement et aussi pour le combat. La gamme s’étend des balles aux missiles. Nous sommes sur un fil de crête, nous disposons du strict nécessaire. Or, nous devrions disposer de stocks supplémentaires, si d’aventure le besoin s’imposait un jour », a-t-elle expliqué.

« Des équipements neufs sont parfois livrés sans les munitions pour les faire fonctionner… La situation est ubuesque! Pour l’entraînement, des systèmes de substitution sont mis en place. Mais, des questions se posent. C’est comme si l’on achetait une voiture sans essence », a, de son côté, dénoncé la sénatrice Gisèle Jourda.

Cela étant, que ce soit pour les munitions de petit calibre ou pour les corps de bombes [mais la situation est moins problématique pour ces derniers, grâce au groupe français Rafaut, ndlr], le ministère des Armées a jusqu’à présent régulièrement fait valoir qu’il était toujours possible de s’approvisionner auprès des pays alliés. Un point contesté par M. Perrin. « Nous savons que les alliés d’aujourd’hui ne sont pas forcément ceux de demain. Même nos alliés américains, à certaines occasions, ont eu des priorités différentes des nôtres. On peut tout imaginer et, sur ces questions, il s’agit surtout de disposer d’une autonomie stratégique et capacitaire », a-t-il conclu.

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