dimanche 14 octobre 2012

"Hollande est désormais en danger"


Oumar Ould Hamaha est réputé proche de Mokhtar Belmokhtar dit «Le Borgne», un des principaux chefs d'Aqmi. 



Oumar Ould Hamaha, dit «le barbu rouge» ou «Hakka», est l’un des acteurs clés de la crise qui sévit au Nord-Mali depuis le mois d’avril. Son aisance orale et la radicalité de ses propos l’ont récemment propulsé à la tête des groupes islamistes qui dirigent aujourd’hui l’Azawad, et y font régner une forme de terreur religieuse. Né le 5 juillet 1963 à Kidal selon ses dires (Radio Nièta le 1er octobre 2012), il fait partie de la communauté bérabiche (d’origine arabe) présente au Nord-Mali. Il a participé à la prise de Tombouctou le 1er avril 2012 au sein du groupe islamiste Ansar Dine (les défenseurs de la foi) avant de s’illustrer lors de la bataille de Gao contre le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) les 26 et 27 juin 2012. Il est désormais Chef d’Etat-major duMujao (Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest).


Proche d’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi), Oumar Ould Hamaha préconise l’application stricte de la charia (la loi islamique) dans tous les territoires sous la coupe des islamistes. Il a le sentiment d’être chargé d’une mission sacrée justifiant tous les actes du Mujao,  une «bénédiction divine qui nous dirige et nous encourage» selon ses propres termes, lors d’une interview donnée à la Radio libre Nièta de Koutiala au su-est du pays le 1er octobre.

La reconnaissance de la charia est pour lui le seul préalable acceptable à des négociations politiques, auxquelles il se dit ouvert. Se voulant unificateur, il a en outre insisté à maintes reprises sur la nécessité de conserver l’unicité du Mali. «Pas de partition du Mali qui demeure et demeurera indivisible» a-t-il ainsi réaffirmé lors d’une interview donnée à la radio Nièta de Koutiala.

Ce positionnement explique en partie les affrontements qui ont eu lieu entre les mouvements Ansar Dine et Mujao contre le MNLA ouvertement sécessionniste lors de la bataille de Gao au mois de juin 2012. Il a d’ailleurs accusé ses anciens alliés du Mouvement National de Libération de l’Azawad de «prôner la désunion», quand lui préfère dire qu’ «il s’agit en fait que tout le monde soit uni sous le couvert de la religion».

A l’image du Mujao, Oumar Ould Hamaha préconise le Jihad (guerre sainte) partout où il lui sera possible d’aller, «sur toute la planète, s’il plaît à Dieu».

Un mystérieux personnage

Charismatique, Oumar Ould Hamaha parle parfaitement le français. Il dit lui-même avoir obtenu son baccalauréat en 1984 à Tombouctou. Sa barbe teinte au henné lui a valu d’être surnommé «le barbu rouge», ses hommes le surnommant aussi «Hakka» pour sa dextérité à utiliser le fusil d’assaut Kalachnikov AK 47 selon l’Express.

Toujours selon l’hebdomadaire français, le «barbu rouge» aurait pris contact dans les années 2000 avec l’Algérien Mokhtar Bel Mokhtar « l'insaisissable », l’émir de la katibat Al Moulathamine (les cagoulés), alias «Belaouar» (le borgne) alias Khaled Abou Al-Abass, l’une des principales têtes pensantes d’Al Qaida au Maghreb Islamique, qui l’aurait ensuite poussé à prendre la tête du Mujao. De nombreuses incertitudes demeurent pourtant quant à son parcours. MBM n’est pas réellement le chef d’AQMI au Sahel, mais son ancienneté une vingtaine d’année au Sahara et au Mali, ses alliances avec les tribus locales, le rendent incontournable pour AQMI. Natif de Ghardaïa, ancien combattant d’Afghanistan, émir du GIA dès 1992, puis du GSPC, à partir de 1998, MBM joui d’une certaine autonomie au Sahel, qui lui permet d’être opérationnel sans seréférer à sa hiérarchie. Les fiefs qu’ils s’est achetés au Mali et au Niger, les alliances qu’il a tisséesavec des tribus au nord du Mali et du Niger, en y prenant lui et ses hommes, femmes, ainsi que lesallégeances qu’il s’est payées avec l’argent des rançons payés par les capitales occidentales, font delui pratiquement le n°1 d’AQMI dans la vaste bande saharo-sahélienne.


Il menace directement Hollande

«La vie des otages français est désormais en danger à cause des déclarations du président français qui veut nous faire la guerre. Lui-même, sa vie est désormais en danger. Il faut qu'il le sache», a déclaré à l'AFP Oumar Ould Hamaha, membre du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), joint par téléphone depuis Bamako.

À Kinshasa où il participe au sommet de la Francophonie, le président Hollande a réagi en affirmant sa «grande détermination» à tenir la «ligne» fixée par la France sur la lutte contre le terrorisme, et il a appelé les ravisseurs des otages français encore retenus au Sahel à les libérer «avant qu'il ne soit trop tard».

Six Français retenus

Neuf Européens, dont six Français, sont aux mains d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui contrôle le vaste nord du Mali avec deux autres groupes islamistes armés: Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et le Mujao. Tous prônent la charia (loi islamique) et commettent en son nom diverses exactions.

«C'est en montrant une grande détermination pour tenir notre ligne, qui est celle de la lutte contre le terrorisme, que nous pouvons convaincre les ravisseurs qu'il est temps, maintenant, de libérer nos otages», a déclaré François Hollande lors d'une conférence de presse.

«Libérez-les avant qu'il ne soit trop tard»

S'exprimant ensuite lors d'une rencontre avec la communauté française à l'ambassade de France, il a affirmé: «En disant ce que je dis sur l'intégrité du Mali, (...) c'est aussi un message que j'adresse aux ravisseurs: libérez-les avant qu'il ne soit trop tard». Il n'a pas fourni de précisions. En septembre devant l'ONU, M. Hollande avait indiqué que «la nécessité de libérer» les otages français ne devait «pas passer par un renoncement à assurer l'intégrité du Mali».

Vendredi, il a affirmé que son pays appuiera «matériellement, logistiquement» une résolution proposée notamment par la France et votée le même jour par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui presse l'Afrique de l'Ouest de préciser sous 45 jours ses plans en vue d'une intervention militaire pour reconquérir le nord du Mali. «Mais nous n'aurons pas de soldats qui participeront à cette opération» militaire, avait-il précisé.

Hollande directement menacé

La prochaine présidente de la Commission de l'Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, s'est déclarée samedi favorable à une intervention militaire dans le nord du Mali «tant que cela se déroule de manière à ne pas provoquer, créer plus de problèmes qu'il n'y en a».

Selon Oumar Ould Hamaha, «Hollande est désormais en danger». «Il veut ouvrir la porte de l'enfer aux otages français, nous sommes prêts à toutes les éventualités. (...) Si on veut enlever des otages français en Afrique de l'Ouest ou même en France, on peut le faire facilement», a assuré ce jihadiste malien originaire de la région de Tombouctou (nord-ouest), et initialement connu comme membre d'Ansar Dine.

Un coup de bluff?

Il a accusé le président français de mener «une politique de terreur, alors que son pays finance le terrorisme en payant les rançons» réclamées par les preneurs d'otages. «Si on fait un calcul, on se rend compte que c'est comme si la France paie tous les six mois des dizaines de millions d'euros», a-t-il ajouté, en refusant de «dévoiler des secrets pour le moment».

Selon une source sécuritaire africaine, Oumar Ould Hamaha est réputé proche de Mokhtar Belmokhtar dit «Le Borgne», un des principaux chefs d'Aqmi. «Or, tout le monde sait que Belmokhtar ne détient pas aujourd'hui d'otages européens. Sa déclaration (d'Ould Hamaha, NDLR), même si elle est à prendre au sérieux, peut relever d'une stratégie de communication», a estimé cette source.