samedi 20 novembre 2010

Ce que l'on sait sur Ben Laden et Al Qaeda

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Alors qu'Aqmi demande à la France de négocier avec Ben Laden pour libérer les otages retenus au Mali, L'Express.fr fait le point sur la mouvance Al Qaeda.

Où est Ben Laden ?

Selon un haut responsable de l'Otan cité par la chaîne CNN en octobre, le dirigeant islamiste et le numéro deux du mouvement se trouvent probablement dans les zones tribales du nord ouest du Pakistan, proches de l'Afghanistan. Ce que dément Islamabad. Oussama Ben Laden serait "sous la protection des habitants et de certains membres des services de renseignement pakistanais". L'Egyptien Ayman al-Zawahiri se trouverait lui aussi dans la même région, mais pas au même endroit. Les dirigeants d'Al Qaeda vivent dans de bonnes conditions - et non dans des grottes - souligne ce responsable de l'Otan

Le chef d'Al Qaeda et le numéro deux du réseau seraient sous la protection de certains agents des services de renseignements locaux, selon l'Otan.

Le chef d'Al Qaeda Oussama ben Laden et le numéro deux du réseau, Ayman al-Zawahiri, vivraient dans le nord-ouest du Pakistan. Et ce sous la protection de certains agents des services de renseignement locaux, selon un haut responsable de l'Otan cité lundi par la chaîne CNN.

Selon cette source, le chef saoudien d'Al Qaeda, recherché par les Etats-Unis pour avoir commandité les attentats du 11 septembre 2001, vit dans une des zones tribales frontalières de l'Afghanistan, "sous la protection des habitants et de certains membres des services de renseignement pakistanais".

D'autre part, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri se trouve dans la même région, mais pas au même endroit, ajoute ce responsable. Il souligne aussi que "personne - parmi les dirigeants d'Al Qaeda - ne vit dans une grotte". Une manière de dire que les deux chefs d'Al Qaeda vivent dans de bonnes conditions.

Islamabad dément

Le Pakistan a aussitôt "catégoriquement démenti" cette affirmation, par la voix de son ministre de l'Intérieur Rehman Malik. "Nous avons toujours dit que si quelqu'un avait quelque information à nous donner, nous prendrions des mesures. Oussama ben Laden, Hakimullah Mehsud -le chef des taliban pakistanais-, Ilyas Kashmiri -le chef rebelle islamiste- et tous les autres terroristes sont des agents anti-islam et anti-Pakistan et des mercenaires assassins. Si nous avons des informations, nous agirons contre eux. Oussama ben Laden n'est pas au Pakistan", a-t-il enfin conclu.

Introuvable depuis 2001

Plusieurs responsables américains, dont récemment la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, ont affirmé ces dernières années qu'Oussama ben Laden se situait dans les zones tribales isolées du nord-ouest pakistanais.

Un certain nombre d'experts d'Al Qaeda ont estimé qu'il se trouvait au Waziristan du Nord. Il s'agit d'un district montagneux considéré comme l'un des principaux refuges des taliban afghans et pakistanais et de leurs alliés d'Al Qaeda. Mais aucune preuve n'est venue étayer ces différentes allégations, la trace d'Oussama ben Laden ayant été perdue après les attaques du 11 septembre 2001.

Selon le responsable de l'Otan, dont le nom n'est pas cité, le chef des taliban afghans, le mollah Omar, s'est déplacé ces derniers mois entre les villes pakistanaises de Quetta, dans le sud-ouest et Karachi.

Al Qaeda, qu'est-ce que c'est ?

L'organisation, élitiste et donc très sélective, compterait entre 1000 et 2000 hommes, selon Jean-Pierre Filiu, auteur des "Neuf vies d'Al-Qaida", dont une centaine en Afghanistan. Le principal bastion est maintenant situé dans les zones tribales du Pakistan.
(Lire à ce sujet "Al-Qaeda lutte pour sa survie")

L'organisation a le mode de fonctionnement d'une secte dont Ben Laden est le gourou et Ayman al Zawahiri le maître d'oeuvre, explique Jean-Pierre Filiu (Lire "L'étau se resserre autour de Ben Laden"). L'organisation ne survivrait probablement pas à son élimination, estime le chercheur, en raison de l'allégeance absolue au chef sur laquelle elle est construite.

Pour d'autres analystes, Al Qaeda est plutôt une sorte de franchise qui ne contrôle que moyennement ses troupes. Ainsi, en Irak, explique le journaliste spécialisé Patrick Cockburn, l'organisation met beaucoup plus d'énergie à tuer des chrétiens ou des chiites que des Américains, l'ennemi initial. Il en va de même au Pakistan.

Quel but ultime poursuit Al Qaeda ?

Le discours de Ben Laden, déconnecté de tout combat territorial, est exclusivement politique: "il est question des croisés, du pénitencier de Guantanamo ou de la prison irakienne d'Abou Ghraib" analyse Jean-Pierre Filiu. "A cela s'ajoute la citation de quelques sourates du Coran, toujours les mêmes. Il s'agit, en réalité, d'une religion de substitution, dont le credo est simplissime: le djihad comme fin en soi (...) alors que dans la religion musulmane, le djihad est un moyen, un effort que le croyant accomplit pour parvenir à un but" souligne le chercheur. Parrallèlement, depuis les années 1980, Ben Laden et Zawahiri ont fait de l'arme médiatique un des outils majeurs de leur action. Zawahiri a d'ailleurs proclamé que le djihad est à 50% un combat médiatique.

Quelle est actuellement la tactique d' Al Qaeda?

Al Qaeda a connu de nombreux échecs récemment dans le cadre de cette stratégie, notamment dans la tentative d'envoi de colis piégés du Yémen vers les Etats-Unis. "Depuis un an, aucun non-musulman n'a trouvé la mort dans l'une de ses actions", explique Jean-Pierre Filiu. L'organisation tente donc de "gagner du temps en montrant qu'elle reste une menace pour l'Occident" (Lire l'entretien avec Jean-Pierre Filiu). Al Qaeda espère une percée au Pakistan. Le Sahel et le Yémen ne sont que des pis-aller pour l'organisation qui souhaite desserrer l'étau au Pakistan.

Pourquoi Aqmi demande-t-elle à la France de négocier avec ben Laden?

Voic les hypothèses émises par Jean Pierre Filiu à ce sujet:

- soit ce message est à prendre au pied de la lettre, il traduit alors un transfert d'autorité de Droukdal vers Ben Laden et l'échelon central d'Al-Qaeda, transfert dont ne peut que bénéficier Abou Zeid, le plus "global" des commandants d'AQMI, et le détenteur des sept otages kidnappés à Arlit le 15 septembre.

- soit ce message est une manoeuvre par laquelle Droukdal cherche à "couvrir" des tractations en cours, tout en donnant le change auprès de Ben Laden et de ses partisans les plus inconditionnels au sein d'AQMI.


- soit ce message, en posant publiquement une exigence inacceptable et en se "défaussant" sur Ben Laden de la relation avec la France, vise juste à gagner du temps de la part d'AQMI qui estime que le moment n'est pas venu pour des négociations sérieuses sur le sort des otages.

Comment lutter contre Al Qaeda ?

Pour Jean-Pierre Filiu, "l'une des clefs de la lutte contre Al-Qaeda tient à la "déglobalisation" de conflits dont les enjeux fondamentaux sont locaux et dont il faut désamorcer la charge djihadiste."

En Irak, en Afghanistan, au Maghreb, l'organisation terroriste peut encore frapper, mais elle a échoué dans sa tentative de généraliser le djihad. L'un des meilleurs connaisseurs de cette mouvance, Jean-Pierre Filiu, analyse sa stratégie et ses revers.

La forte participation des sunnites lors des récentes élections en Irak, malgré les appels au boycott, serait-elle le dernier signe en date de l'affaiblissement de l'organisation d'Oussama ben Laden? A en croire Jean-Pierre Filiu, auteur d'un ouvrage de référence sur Les Neuf Vies d'Al-Qaida (Fayard), le groupe responsable des attentats du 11 septembre 2001 est, quoi qu'il arrive, en mauvaise posture et menacé de disparition, victime de sa vacuité idéologique et de son organisation sectaire. Il faut écouter Filiu. Professeur associé à la chaire de "Moyen-Orient - Méditerranée" de Sciences po Paris, où il enseigne en français, en anglais et en arabe, il incarne, avec quelques autres, ce que la recherche française produit de meilleur. Outre la rigueur et l'originalité de ses analyses, c'est un esprit libre: arabisant et diplômé de chinois, il pré-pare la biographie d'un chanteur de flamenco.

Al-Qaeda, aujourd'hui, c'est combien de divisions?

Entre 1000 et 2000 hommes. C'est une organisation très sélective, voire élitiste, qui se conçoit comme une avant-garde, une phalange ultra-minoritaire, gardienne de la vérité face à un monde musulman plongé dans les ténèbres de l'ignorance et du péché.

Quelles sont ses racines idéologiques?

C'est, avant tout, une secte. Oussama ben Laden est son gourou, tandis que son numéro 2, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, est son maître d'oeuvre. Internet, enfin, joue le rôle de vecteur. Le message d'Al-Qaeda ne passe jamais par le collectif, la tenue de meetings ou de rassemblements. L'organisation est formatée pour Internet ; elle s'adresse à des individus déjà isolés, qu'elle va s'efforcer de désocialiser complètement en les amenant à couper avec leurs proches, en même temps qu'elle va les radicaliser. Son discours est exclusivement politique: il est question des croisés, du pénitencier de Guantanamo ou de la prison irakienne d'Abou Ghraib. A cela s'ajoute la citation de quelques sourates du Coran, toujours les mêmes. Il s'agit, en réalité, d'une religion de substitution, dont le credo est simplissime : le djihad comme fin en soi. Et la nouveauté est là.

Pourquoi?

Le djihad, tel que la religion musulmane le prescrit, est un moyen: c'est un effort que le croyant accomplit pour parvenir à un but. Avant Al-Qaeda, les seuls à avoir fait du djihad un pilier de la foi étaient les kharidjites, une secte qui a fait sécession dès les premières années de l'islam, au viie siècle. Considérer, comme le prétend Al-Qaeda, que celui qui fait le djihad est en relation avec le créateur est une hérésie et une aberration. Je tue, donc je crois... Avec cette fétichisation du djihad, on est bien dans la secte. Du reste, certains aspects du fonctionnement d'Al-Qaeda rappellent ceux de groupuscules d'extrême gauche des années 1970, comme l'Armée rouge japonaise.

Dans l'esprit d'Al-Qaeda, le djihad vise à régénérer la nation musulmane, à la ramener dans le droit chemin...

Oui, exactement. C'est l'idée fondamentale. Les musulmans sont perdus, il faut les soumettre, les purifier... C'est tout le discours de Zawahiri.

N'est-il pas hérité de Sayyed Qotb (1906-1966), le "père" de l'islamisme politique?

La filiation avec Sayyed Qotb est présente à travers l'idée du "takfir", quand des musulmans sont stigmatisés comme des "infidèles" à abattre. Ben Laden, dont l'enfance a été nourrie par le wahhabisme saoudien, a suivi les cours du frère de Qotb et a initialement intégré les Frères musulmans. A cela s'est ajoutée l'influence d'Abdallah Azzam, son mentor et l'inventeur du concept du djihad global. Dans les années 1980, Ben Laden cherche à convaincre les Arabes de venir se battre contre les Soviétiques en Afghanistan; il en fait, par pure casuistique, une obligation religieuse et individuelle. A l'époque, Azzam estime qu'à la fin du djihad les Arabes devront laisser le dernier mot aux Afghans et rentrer chez eux.

Mais Ben Laden et Zawahiri vont plus loin en développant, après le retrait de l'Armée rouge, l'idée d'un djihad abstrait, déconnecté de tout combat territorial. C'est à ce moment-là qu'Al-Qaeda devient vraiment une secte. Le basculement s'accentue après le retour de Ben Laden en Afghanistan en 1996 et la création, en février 1998, d'un "Front islamique mondial pour le djihad contre les juifs et les croisés". Le djihad devient global et Zawahiri n'hésite pas à proclamer que ce djihad est, pour 50%, un combat médiatique. L'un des personnages clefs de ce passage d'Al-Qaeda au djihad virtuel sur Internet est Youssef el-Ayyiri, un ancien garde du corps de Ben Laden qui acquiert, au service de la cause tchétchène, une vraie compétence de webmestre. Il sera tué dès 2003, mais laissera à Al-Qaeda les moyens de donner l'illusion de sa puissance, grâce à la Toile.

A quelles fins?

Internet sert à la fois de vecteur de la doctrine et d'organisation. Al-Qaeda est la base de données d'une communauté virtuelle d'élus et de combattants ; celle-ci est composée de jihadistes en chambre, qui dialoguent par ordinateurs interposés. C'est à la fois très efficace en termes de propagande, et largement vain sur le terrain.

Au-delà des internautes, que pèse Al-Qaeda dans les pays où elle est implantée?

Beaucoup moins qu'avant. L'organisation lutte désormais pour sa survie. Elle a perdu ses bases en Irak, où elle a échoué à compromettre les récentes élections, marquées par une forte participation de la population sunnite. En Afghanistan, à en croire les Américains, ses membres sont moins d'une centaine. Reste le Pakistan avec ses zones tribales. C'est le foyer le plus inquiétant. Lorsque les taliban afghans étaient au pouvoir à Kaboul, le commandant Ahmad Shah Massoud, leur ennemi juré, disait qu'Al-Qaeda était la "colle qui les tenait ensemble". Aujourd'hui, c'est auprès des taliban pakistanais qu'elle joue ce rôle. Elle leur fournit un prêt-à-penser idéologique et religieux qui facilite leur rapprochement avec d'autres groupes djihadistes dans le pays, situés au Pendjab ou au Cachemire.

Le Yémen peut-il devenir le nouveau sanctuaire d'Al-Qaeda?

Le Yémen est un joker. Al-Qaeda veut gagner du temps pour desserrer l'étau au Pakistan. Pour cela, il lui faut mobiliser l'adversaire ailleurs, créer des fronts secondaires, susciter une agitation médiatique. C'est un chiffon rouge, le Yémen, agité avec l'espoir que les Américains tomberont dans le piège et enverront des troupes sur place. Heureusement, ceux-ci l'ont compris. Le vrai changement, avec l'accession au pouvoir de Barack Obama est là. Les Américains sont conscients qu'ils ont besoin des autres et qu'ils ne parviendront pas à leurs fins s'ils ne travaillent pas en étroite liaison avec la coalition et avec les forces armées locales, qu'elles soient pakistanaises ou yéménites.

George W. Bush a-t-il servi les intérêts d'Al-Qaeda?

Incontestablement. Il lui a rendu un fier service en laissant l'organisation quitter l'Afghanistan, en décembre 2001. A l'époque, la direction de la centrale terroriste, réfugiée dans les montagnes de Tora Bora, était prenable. Il aurait fallu envoyer plus de troupes au sol et accepter davantage de pertes. Mais le secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld, ne l'a pas souhaité. Ensuite, le discours de Bush sur la "guerre planétaire contre la terreur" s'est emboîté parfaitement dans celui de Ben Laden sur le djihad global.

Puis, bien sûr, la guerre d'Irak. En 2003, lorsque les Américains envahissent l'Irak, Al-Qaeda n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'invasion va lui donner un nouveau souffle. Elle permet à des réseaux qui étaient en charpie de renaître et entraîne un nouveau flux militant. La naissance d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) est inconcevable sans l'Irak. Or, c'est cette organisation qui permettra la transformation d'un groupe de djihadistes algériens de Kabylie, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), en une organisation mondialisée!

Dans les années qui suivent l'intervention américaine en Irak, Al-Qaeda ne parle plus la langue d'Al-Qaeda mais un discours de résistance qu'elle détourne comme elle détourne tous les combats et tous les conflits auxquels elle s'agrège. Sans l'intervention des nationalistes irakiens, qui, après s'être tactiquement alliés à Al-Qaeda, ont fini par se rebeller contre elle, nous aurions assisté à la naissance d'un "Djihadistan" au coeur du Moyen-Orient. Avec tous les risques que cela impliquait pour la sécurité de l'Europe, sans parler d'une possible confrontation avec Israël.

Que pèse aujourd'hui AQMI dans la galaxie de la centrale terroriste?

Pour Al-Qaeda, AQMI reste périphérique. D'autant que cette branche locale n'a pas été à la hauteur des ambitions affichées. Ni au Maghreb, où elle a échoué à unifier les différents mouvements djihadistes, ni en Europe, alors que c'était aussi l'un des espoirs nourris par Zawahiri quand il a accepté de les labelliser. L'histoire aurait été sans doute différente si l'Irak avait continué à servir de motrice. L'effondrement de la centrale terroriste en Irak, et sa rétraction au Maghreb, qui en est la conséquence, ont permis à l'Europe d'être relativement à l'abri. Pour autant, Internet reste plus que jamais le vecteur majeur de recrutement dans nos pays.

Al-Qaeda est-elle un symptôme, l'expression d'un malaise social ou politique?

Pour moi, elle est d'abord une aberration. C'est un phénomène sectaire et une agression contre l'islam, dont elle détourne les valeurs. On ne peut pas parler d'un "terreau" qui aurait favorisé son émergence. Il y a en revanche des conflits qui lui sont extérieurs et qu'elle a vampirisés. C'est pourquoi l'une des clefs de la lutte contre Al-Qaeda tient à la "déglobalisation" de conflits dont les enjeux fondamentaux sont locaux et dont il faut désamorcer la charge djihadiste.

Vous écrivez qu'Al-Qaeda ne peut que renaître une nouvelle fois, ou disparaître. Par où passerait une éventuelle renaissance?

Par la pakistanisation, sans doute. Cela impliquerait qu'Al-Qaeda retrouve des marges de manoeuvre géographiques en desserrant une fois pour toutes l'étau sur les zones tribales. C'est le sens de la campagne terroriste menée au Pakistan et c'est le risque le plus sérieux.

Que se passerait-il si Ben Laden était tué par un drone américain?

Je ne pense pas qu'Al-Qaeda y survivrait. L'organisation est fondée sur la bay'a, l'allégeance absolue et à la personne de Ben Laden. Cette relation n'est pas transférable. La succession n'irait pas de soi, même au bénéfice de Zawahiri. Le fait qu'il soit égyptien ne manquerait pas de susciter de fortes antipathies. Même après vingt ans d'existence, Al-Qaeda n'a pas réussi à surmonter les rivalités entre les ressortissants des différentes nations !

Comment un historien de formation devient-il spécialiste d'Al-Qaeda?

Ma thèse portait sur l'ORTF en mai 1968. On était bien loin d'Al-Qaeda, en effet. Mais, après mes études, je suis parti comme humanitaire, au Liban d'abord, puis en Afghanistan. Mon équipe était dans la Kunar (au nord-est) et participait au développement rural. Comme j'étais arabisant, on me signalait souvent les Arabes de passage. C'est ainsi que j'ai rencontré Gulbuddin Hekmatyar (chef du Hezb-e Islami, l'un des partis jihadistes afghans) et quelques autres. Devenu diplomate, j'ai continué à m'intéresser à cette mouvance. Puis, lorsque j'ai renoué avec la recherche et l'enseignement, le sujet s'est imposé naturellement.

Jean-Pierre Filiu