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jeudi 25 avril 2019

Portrait du djihadiste en Suisse


A l’occasion de son inventaire 2018, Fedpol révèle quelques statistiques sur les «voyageurs du djihad» de Suisse. La police fédérale dévoile aussi la facilité de se procurer des produits explosifs dans le pays.

Qui sont les djihadistes de Suisse partis faire la guerre en Syrie? Si les informations disponibles sur ces individus sont souvent peu fiables, la police fédérale a pu dégager quelques tendances au fil de ses investigations. Elle les révèle dans son rapport 2018. Portrait-robot.

Un homme d’une trentaine d’années au passé difficile

Les «voyageurs du djihad» de Suisse sont répartis de manière relativement homogène entre les différentes régions linguistiques helvétiques: environ deux tiers d’entre eux sont Alémaniques, plus d’un tiers sont Romands et un faible pourcentage est Suisse italien. Leur profil est avant tout masculin (plus de 80%), urbain et trentenaire (32 ans d’âge moyen). La moitié des individus analysés disposent en outre d’un passeport suisse, dont 50% sont double-nationaux. Environ deux tiers des djihadistes domiciliés en Suisse sont nés à l’étranger. C’est toutefois en Suisse que la plupart d’entre eux se sont radicalisés, indique Fedpol, qui ajoute que la «grande majorité» de ces derniers fréquentait une mosquée en Suisse. La plupart étaient musulmans d’origine.

Leur parcours de vie est souvent chaotique. La moitié des cas analysés ont vécu un «événement traumatique» durant leur vie (problèmes de santé, grave accident, guerre dans leur pays d’origine), et un tiers a un passé criminel (stupéfiants, violence conjugale, brigandage). Les deux tiers ont commencé un apprentissage ou une école spécialisée, la moitié sans aller au bout. Un cinquième d’entre eux n’a suivi que l’école obligatoire, sans toujours la terminer. Quelques-uns ont fréquenté l’université. Quel que soit leur niveau de formation, 50% des individus étudiés n’avaient ni emploi ni formation au moment de partir.

Des produits en vente libre en Suisse

Dans le même rapport, Fedpol souligne que, contrairement à l’Union européenne qui a réglementé ces produits depuis 2014, la Suisse n’interdit pas la vente de substances permettant la fabrication d’explosifs présentes dans des produits du quotidien. Le peroxyde d’hydrogène, qui peut être utilisé comme agent de blanchiment, antiseptique, mais également pour la propulsion de fusées – ou pour fabriquer des bombes – est ainsi en vente libre dans les pharmacies helvétiques.

Or, dit Fedpol, le risque que des terroristes – suisses ou étrangers – profitent de cette faille est «réel». Conscient du problème, le Conseil fédéral devrait proposer une réforme législative au parlement cette année pour mieux réglementer la vente de ce type de produit.

Fedpol mobilisé notamment avec les attentats de Strasbourg

La lutte contre le terrorisme a continué d'occuper fedpol l'année dernière. L'auteur des attentats de Strasbourg en décembre dernier était connu des services de police en Suisse, mais pour des cas de délinquance. L'identification des individus radicalisés reste difficile, reconnaît la police fédérale.

Le parcours du terroriste de Strasbourg est emblématique du parcours des individus radicalisés, écrit fedpol dans son rapport annuel publié jeudi. Les facteurs déclencheurs de la radicalisation sont difficiles à déterminer, même si la Suisse a mis en place un paquet d'instruments à disposition des autorités cantonales et fédérales.

Chaque cas est unique, mais pour trouver des réponses, la police fédérale a notamment analysé le profil des personnes parties de la Suisse pour faire le djihad. Selon les chiffres du Service du renseignement de la Confédération, elles sont un peu moins d'une centaine.

L'âge moyen des djihadistes qui se sont rendus dans une zone de conflit entre 2012 et 2018 est de 32 ans. Près de la moitié sont Suisses et la moitié de ceux-ci ont une double nationalité. Au moins un tiers des cas analysés montre un passé criminel (atteintes à la propriété, histoires de moeurs, stupéfiants, ou crimes violents).

Moins d'expulsions

Avec l'augmentation de la menace djihadiste, la police fédérale a ordonné cinq expulsions l'année dernière, rappelle fedpol. En 2017, 13 expulsions avaient été ordonnées. Sur les cinq expulsions sollicitées l'année dernière, deux n'ont pas pu être mises en oeuvre. Il s'agit de personnes menacées de torture ou de mort dans leur pays à leur retour, explique la police fédérale. Au total, cinq Irakiens ayant fait l'objet d'une demande d'expulsion depuis 2016 se trouvent dans cette situation en Suisse. Fedpol a en outre prononcé 106 interdictions d'entrées. Parmi ces cas, 78 étaient motivés par des activités liées au terrorisme contre 140 en 2017.

Faux billets

Le rapport présente aussi les activités de fedpol en matière de criminalité économique, de crime organisé, de lutte contre le hooliganisme ou de faux monnayage. On y apprend que le montant annuel des faux billets découverts en Suisse, toutes devises confondues, s'est élevé entre 4 et 5 millions de francs entre 2006 et 2018. Un chiffre stable, selon fedpol.

Les contrefaçons en francs ont atteint un demi-million de francs. Un résultat peu important selon fedpol en regard des 72 milliards de francs en circulation. La monnaie helvétique est particulièrement difficile à falsifier, relève le rapport.


Rapport Fedpol 2018


Boris Busslinger