Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 11 octobre 2018

Jamal Khashoggi: le film des événements


Voici le film des événements depuis la disparition du journaliste Jamal Khashoggi après son entrée au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre. M. Khashoggi s'était exilé aux Etats-Unis l'année dernière, redoutant une arrestation après avoir critiqué certaines décisions du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

2 octobre: entre au consulat

A 13H14 heure locale (10H14 GMT) Jamal Khashoggi entre au consulat saoudien à Istanbul, selon une image de caméra de surveillance publiée par le quotidien américain Washington Post, avec lequel il collabore.

Il a rendez-vous pour obtenir «un document saoudien certifiant qu'il n'était pas déjà marié», selon sa fiancée turque, Hatice Cengiz. Depuis, il n'a pas donné signe de vie. «Ses amis l'avaient mis en garde», raconte son ami Yasin Aktay, également conseiller du président Recep Tayyip Erdogan. «Mais lui disait que (les autorités saoudiennes) ne pouvaient rien lui faire en Turquie».

3 octobre: porté disparu

Le rédacteur en chef de la rubrique opinion du Washington Post, Eli Lopez, indique être dans «l'incapacité de joindre Jamal (...) nous sommes très inquiets». Sa fiancée campe devant le consulat en quête de nouvelles. «Selon les informations dont nous disposons» il «se trouve au consulat», indique la présidence turque.

4-5 octobre: dénégations saoudiennes

Ryad affirme que Jamal Khashoggi a disparu après avoir quitté le consulat. L'ambassadeur saoudien est convoqué par le ministère turc des Affaires étrangères. «D'après ce que j'ai compris, il est entré et est ressorti après quelques minutes ou une heure. Je ne suis pas sûr», déclare à l'agence Bloomberg le prince héritier saoudien, invitant les autorités turques à «fouiller» le consulat.

Dès que l'affaire éclate, des comptes Twitter pro-saoudiens accusent pêle-mêle le Qatar, rival régional de Ryad et allié d'Ankara, la Turquie, les Frères musulmans ou encore la fiancée de mener une machination pour discréditer l'Arabie saoudite.

6 octobre: tué dans le consulat?

Des responsables turcs affirment que selon les premiers éléments de l'enquête, M. Khashoggi a été tué à l'intérieur du consulat par une équipe de Saoudiens arrivés à Istanbul par avion et repartis le jour même. Ryad dément fermement.

7 octobre : Erdogan attend

Les autorités turques demandent à l'ambassadeur saoudien de pouvoir fouiller le consulat, selon la chaîne privée NTV. Le président turc Recep Tayyip Erdogan dit attendre le résultat de l'enquête avant de se prononcer. «Le corps de Khashoggi a été probablement découpé et mis dans des caisses avant d'être transféré par avion hors du pays» affirme le Washington Post, citant un responsable américain briefé par ses homologues turcs.

8 octobre: pressions sur Ryad

Recep Tayyip Erdogan met les autorités saoudiennes au défi de «prouver» que le journaliste avait quitté le consulat.

Le président américain Donald Trump se dit «préoccupé» par sa disparition. Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo appelle Ryad à «soutenir une enquête approfondie» et à la transparence.

9 octobre: le consulat sera fouillé

L'Arabie saoudite a donné son feu vert pour une fouille du consulat par les services de sécurité turcs, selon la diplomatie turque. La chaîne publique turque en langue anglaise TRT World rapporte que les autorités soupçonnent des Saoudiens d'être repartis avec les images de vidéosurveillance du consulat.

10 octobre: enlèvement?

Des images de vidéo-surveillance, diffusées par des médias turcs montrent l'arrivée à Istanbul de Saoudiens soupçonnés d'avoir conduit l'opération contre le journaliste. Elles montrent aussi un van entrer dans le consulat le 2 octobre puis se rendre à la résidence du consul toute proche. La veille, certains médias avaient évoqué la possibilité que le journaliste ait été enlevé et amené en Arabie saoudite.

Le Washington Post affirme que les services de renseignement américains avaient connaissance d'un projet saoudien, impliquant le prince héritier, consistant à attirer le journaliste dans un piège pour l'arrêter.

«Nous n'étions pas informés à l'avance de la possible disparition de M. Khashoggi», affirme le département d'Etat. Donald Trump réclame des explications à l'Arabie saoudite sur le sort du journaliste. Il dit être en contact avec la fiancée de M. Khashoggi, qui a demandé son aide.

11 octobre: Erdogan s'impatiente, Trump s'en mêle(un peu)

Le président turc réclame de nouveau des images de surveillance du consulat prouvant que le journaliste est ressorti, alors que les Saoudiens affirment que leurs caméras ne fonctionnaient pas ce jour-là. La fouille du consulat n'a toujours pas eu lieu.

Donald Trump a réclamé mercredi des explications à l'Arabie saoudite sur le sort d'un journaliste saoudien disparu depuis plus d'une semaine à Istanbul, après la révélation d'éléments accréditant la thèse de sa capture ou de son assassinat par des agents de son pays.

Le président des États-Unis a déclaré mercredi à la presse à Washington s'être entretenu «au plus haut niveau» avec les Saoudiens, et ce «plus d'une fois», au sujet de Jamal Khashoggi, qui n'a plus donné signe de vie depuis qu'il est entré dans le consulat saoudien d'Istanbul le 2 octobre.

«Nous sommes très déçus de voir ce qui se passe. Nous n'aimons pas ça» et «nous voulons savoir ce qu'il se passe là-bas», a-t-il assuré. «Ce ne serait pas une bonne chose du tout» si une implication des Saoudiens s'avérait, a-t-il dit tard dans la soirée à la chaîne Fox News.

La Maison Blanche a précisé que deux des plus proches conseillers du président, son gendre Jared Kushner et le responsable du conseil de Sécurité nationale John Bolton, avaient parlé mardi au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, avant un nouvel appel du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo pour «réitérer» les demandes de Washington: «des détails» sur la disparition et «la transparence du gouvernement saoudien concernant l'enquête».

Interrogé sur la réponse de Ryad à ces requêtes, le département d'Etat américain s'est réfugié derrière des «conversations diplomatiques privées», prenant soin de ne pas condamner frontalement les autorités saoudiennes à ce stade. Donald Trump a également dit être en contact avec la fiancée du journaliste, Hatice Cengiz, qui avait demandé son aide et celle de son épouse Melania pour «faire la lumière» sur cette affaire. Le royaume wahhabite est l'un des plus proches alliés des Etats-Unis.

En parallèle, des sénateurs américains, républicains et démocrates, ont activé une loi qui oblige Donald Trump à rendre des conclusions sur ces faits au Congrès américain d'ici 120 jours. S'il établit qu'un ressortissant étranger s'est rendu coupable d'une exécution sommaire, de torture ou d'autres atteintes aux droits de M. Khashoggi, alors Washington pourra imposer des sanctions contre cette ou ces personnes.

Selon le «Washington Post», les services de renseignement américains avaient intercepté, avant sa disparition, des communications entre responsables saoudiens évoquant son enlèvement.

Le journaliste de 59 ans, qui avait choisi de vivre aux Etats-Unis, avait fait part à plusieurs de ses amis de sa méfiance à l'égard de propositions qui lui auraient été faites par des responsables saoudiens. Il se serait vu offrir une protection ou même un emploi de haut niveau.

Le journal souligne qu'une implication personnelle de Mohammed Ben Salmane, homme fort du régime saoudien, pourrait se révéler embarrassante pour l'administration Trump si elle était confirmée. Le prince héritier entretient des liens étroits avec de hauts responsables américains, au premier rang desquels Jared Kushner, gendre et conseiller du président américain Donald Trump.

Interrogé par les journalistes, le porte-parole adjoint du département d'Etat Robert Palladino a affirmé mercredi que les Etats-Unis n'étaient pas informés de menaces pesant sur Jamal Khashoggi. «Bien que je ne puisse pas m'exprimer sur les questions de renseignement, je peux catégoriquement dire que nous n'étions pas informés à l'avance de la possible disparition de M. Khashoggi», a-t-il dit.

Déplorant une réaction américaine timorée, Sarah Margon, de l'organisation Human Rights Watch, estime que Washington «dispose des outils pour répondre rapidement, c'est une question de volonté politique». Reporters sans frontières appelle de son côté à une «enquête internationale indépendante», soulignant que plus de 15 journalistes et blogueurs saoudiens ont été arrêtés «dans la plus grande opacité» depuis un an.

AFP