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mercredi 9 mai 2018

L'Iran reste dans l'accord nucléaire et veut dialoguer avec les Européens, les Russes et les Chinois


Etat-Unis, Israël et l'Arabie saoudite se retrouvent-ils isolés sur la scène internationale ?



Quelques instants après l'annonce du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien par Donald Trump, le président iranien Hassan Rohani a réagi, évoquant une «guerre psychologique» menée par Washington.

Le soir du 8 mai, le président de la République islamique d'Iran, Hassan Rohani, a fait savoir que Téhéran resterait dans l'accord sur le nucléaire, même sans les Etats-Unis, qui avaient annoncé qu'ils s'en retiraient quelques instants plus tôt par la voix de Donald Trump.

Estimant, lors d'une intervention télévisée, que le dirigeant américain avait une longue histoire de destruction des traités internationaux, Hassan Rohani a ajouté : «J'ai ordonné au ministre des Affaires étrangères de négocier avec les pays européens, la Chine et la Russie dans les semaines à venir. Si à la fin de cette courte période, nous concluons, avec la coopération des cinq pays, que les intérêts du peuple iranien sont assurés malgré les Etats-Unis et le régime sioniste [...] l'accord sera maintenu.»

«Nous disons et répétons depuis quarante ans [...] que l'Iran respecte ses engagements et que les Etats-Unis ne respectent jamais leurs engagements. L'histoire de ces quarante dernières années et même avant montre que les Etats-Unis ont toujours eu un comportement hostile à l'égard de l'Iran et des autres peuples de la région», a encore déclaré le président iranien, qui a dénoncé une «guerre psychologique» menée par Washington.

Il a en outre prévenu que son pays pourrait mettre un terme aux restrictions qu'il a acceptées sur ses activités d'enrichissement d'uranium, ajoutant toutefois que Téhéran attendrait «quelques semaines avant d'appliquer cette décision», en fonction du résultat des discussions entre Téhéran et les autres partenaires de l'accord.

Parmi les premières réactions, la décision de Donald Trump a recueilli le soutien d'Israël et de l'Arabie saoudite. Les Européens se sont montrés plus mesurés, réaffirmant leur soutien à l'accord et appelant à ouvrir des discussions en vue d'un texte plus englobant. Comme Téhéran, Moscou s'était dit opposé à une renégociation.

En plus du retrait de l'accord, Washington a annoncé de lourdes sanctions contre Téhéran.

Washington isolé sur la scène internationale ?

Si l'Arabie saoudite et Israël saluent la décision américaine de sortir de l'accord sur le nucléaire iranien, de nombreuses voix à l'nternational, de Moscou à Paris en passant par Damas et évidemment Téhéran, déplorent l'annonce de Donald Trump.

«J'annonce aujourd'hui que les Etats-Unis vont se retirer de l'accord nucléaire iranien» : comme le laissaient présager ses nombreuses déclarations, le 8 mai, Donald Trump a finalement fait sortir les Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, conclu en 2015 au terme de 21 mois acharnés de négociations entre l'Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni), plus l'Allemagne.

De par le monde, les réactions n'ont pas tardé à affluer, relevant généralement d'une désapprobation plus ou moins mesurée.

Violation grossière du droit international, selon Moscou

Dans un communiqué publié le soir du 8 mai, le ministère russe des Affaires étrangères a vivement critiqué l'annonce du dirigeant étasunien : «Nous sommes profondément déçus par la décision du président américain de sortir unilatéralement [de l'accord et de] rétablir les sanctions américaines envers l'Iran.»

Moscou a ajouté : «Nous sommes extrêmement inquiets que les Etats-Unis agissent contre l'avis de la plupart des Etats [...] en violant grossièrement les normes du droit international.»

Damas dénonce une «agression»

Allié de Moscou et de Téhéran dans la région, la Syrie a vivement condamné la décision de Washington «qui montre une nouvelle fois que les Etats-Unis ne respectent pas leurs engagements et les accords internationaux».

Cité par l'agence de presse syrienne Sana, le ministère des Affaires étrangères a affirmé son soutien à Téhéran «et sa confiance dans sa capacité à surmonter l'impact de la position agressive de l'administration américaine qui affecte la sécurité et la stabilité de la région et du monde».

Pourtant pas sur la même ligne que Téhéran en Syrie, Ankara a également condamné le retrait unilatéral de Washington. Un porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a estimé que cette attitude causerait «de l'instabilité et de nouveaux conflits».

Les Européens «regrettent» la décision et appliqueront l'accord sans Washington

Dans un communiqué commun, Paris, Londres et Berlin ont fait savoir qu'ils regrettaient la décision américaine. Les gouvernement de ces pays se sont toutefois dits déterminés à assurer, même sans Washington, «la mise en oeuvre de l’accord [...] avec les autres parties qui resteront engagées».

Emmanuel Macron a en outre promis que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne travailleraient «collectivement à un cadre plus large, couvrant l’activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Yémen et en Irak».

L'ONU préocuppée

L’enthousiasme n'était pas non plus de mise à l'Organisation des Nations unies (ONU). Dans un communiqué, le secrétaire général de l'organisation, Antonio Guterres, a appelé les autres signataires de l'accord de 2015 «à respecter pleinement leurs engagements». «Je suis profondément préoccupé par l'annonce du retrait des Etats-Unis de l'accord et de la reprise de sanctions américaines», a-t-il également souligné.

Riyad et Tel-Aviv saluent le retrait américain

Principaux rivaux régionaux de l'Iran, l'Arabie saoudite et Israël ont en revanche apporté leur soutien à la décision de Donald Trump.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a ainsi affirmé «soutenir totalement» cette annonce qu'il a jugée «historique» et «courageuse».

«Le royaume [saoudien] soutient et salue les démarches annoncées par le président américain en vue d'un retrait de l'accord nucléaire», ont de leur côté fait savoir les autorités saoudiennes dans un communiqué diffusé par la chaîne de télévision étatique Al-Ekhbariya.

Téhéran pour le dialogue... avec les Russes, les Chinois et les Européens

Enfin, principal intéressé, le président iranien Hassan Rohani a souligné que l'Iran avait toujours respecté ses engagements dans le cadre de l'accord, sous la supervision de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Il a pointé du doigt le «comportement hostile [des Etats-Unis] à l'égard de l'Iran et des autres peuples de la région».

Il a par ailleurs affirmé que son pays resterait pour l'instant dans l'accord, sans les Etats-Unis, afin de laisser le temps à de nouvelles discussions avec les pays européens, la Chine et la Russie.

«Si à la fin de cette courte période, nous concluons, avec la coopération [de ces pays], que les intérêts du peuple iranien sont assurés malgré les Etats-Unis et le régime sioniste [...] l'accord sera maintenu», a conclu le président iranien.