Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 15 avril 2018

La France est-elle encore crédible avec ses "preuves" provenant des réseaux sociaux ?


Peinant à convaincre, Le Drian s'appuie sur... les réseaux sociaux

Alors que le gouvernement français est sur le pied de guerre pour défendre son opération conjointe avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni en Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril, les sources utilisées pour justifier les frappes semblent fragiles.

Lors de son intervention télévisée au micro de Jean-Pierre Pernaut le 12 avril, Emmanuel Macron assurait détenir les «preuves» de l'utilisation d'armes chimiques par le gouvernement syrien. Mais le rapport publié le 14 avril par le ministère des Armées est «un peu plus nuancé», selon France Info.

De «preuves», on est passé à un «haut degré de confiance»

En seulement deux jours, les «preuves» se sont en effet transformées en «haut degré de confiance» dans le rapport du ministère des Armées sur les frappes qui s'appuie sur des «renseignements fiables».

Or, après l'intervention du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur le plateau de TF1 dans la soirée du 14 avril, il semblerait que les témoignages sur lesquels s'est appuyée la France pour décider de frapper la Syrie sont en partie issus... des réseaux sociaux. Ces mêmes réseaux sociaux qui suscitaient pourtant la plus grande méfiance du gouvernement français quelques semaines auparavant, qui voulait les surveiller au plus près afin d'empêcher que toute fausse nouvelle n'y soit relayée. Les services secrets français se seraient-ils contentés de cette source pour qu'en bout de ligne une frappe de grande ampleur soit appliquée à l'étranger ? Dans le document officiel du 14 avril, on apprend : «Les services français ont procédé à l’analyse des témoignages, photos et vidéos apparus spontanément sur les sites spécialisés, dans la presse et les réseaux sociaux dans les heures et jours qui ont suivi l’attaque.»

Ce paradoxe suscitait justement une interrogation de Xavier Moreau, directeur de Stratpol, au micro de RT France le 14 avril : «Mais quels services secrets ? La direction du renseignement militaire ? La DGSE ? Là, en plus, on apprend que ce sont des renseignements issus des réseaux sociaux. Bien sûr que ce ne sont pas des services de renseignement. Ni la DGSE, ni la DRM [la Direction du renseignement militaire] ne se commettraient dans des choses pareilles.»

Depuis l'Elysée, le reporter de RT France Jonathan Moadab livre son analyse.



Des preuves fabriquées par les rebelles djihadistes ? Ils n'en ont «pas les moyens» selon la France
Les autorités françaises auraient par ailleurs tout simplement balayé le scénario selon lequel des rebelles djihadistes syriens auraient pu se livrer à une manipulation en utilisant eux-mêmes des armes chimiques à Douma, afin de provoquer une intervention contre Assad. Les services français ne disposeraient d'«aucune information» allant dans ce sens.

Et si les images analysées par les services français étaient de vulgaires montages ? Visiblement, le gouvernement a déjà la réponse et réfute : «Les groupes présents dans la Ghouta n'ont pas les moyens de mener une manœuvre de communication d'une telle ampleur.»

Les frappes françaises en Syrie ont coûté un peu plus de 16 millions d'euros aux contribuables français

Décriées par une partie conséquente de l'opposition, les frappes réalisées par la France en Syrie ont en outre un coût non anecdotique. Celui-ci peut être calculé en tenant compte des chiffres fournis par le projet de loi de finances 2015.

La France, au côté des Etats-Unis et du Royaume-Uni, a frappé la Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril, dans le but affiché de punir Damas pour l'emploi supposé d'armes chimiques à la Ghouta orientale le 7 avril – en dépit du manque de preuves validant à ce jour ces allégations occidentales. Une action vigoureusement condamnée sur la scène internationale, outre par la Syrie, par la Russie, l'Iran ou encore la Bolivie.

En France, l'opération n'a pas manqué de susciter une vague d'indignation au sein de l'opposition politique – de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Laurent Wauquiez –, contestant son bien-fondé et sa légalité internationale. Un autre argument pourrait être invoqué par l'opposition : le coût, sonnant et trébuchant, de l'opération.

Car même si celle-ci s'est avérée relativement limitée, se concentrant sur quelques cibles au sol appartenant aux autorités syriennes sans faire de morts, son coût s'élève, selon un calcul notamment réalisé par le site de LCI, à quelque 16 millions d'euros. Le site de la chaîne détaille : «Dans la nuit de vendredi à samedi, l'armée française a utilisé 6 navires, 17 avions et 12 missiles de croisière. Le tir de ces missiles, dont 3 tirés depuis un navire – une première pour la France – auront coûté un peu plus de 16 millions d'euros.»

Sur les 12 missiles tirés par la France, 9 – des missiles Scalp – l'ont été depuis des avions Rafale tandis que 3 autres, des missiles de croisière navals MdCn, l'ont été depuis la frégate Aquitaine, en Méditerranée orientale. Le tir de chaque missile Scalp a coûté 850 000 euros et celui d'un missile de croisière 2,86 millions d'euros, d'après le projet de loi de finances 2015 cité par plusieurs médias.