Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 11 avril 2018

Jean-Philippe Gaudin prend les rênes du SRC : la bonne personne à la bonne place


Un «vrai patriote», droit, loyal, courageux, et authentique chef, qui sait faire passer et concrétiser ses visions. 

Jean-Philippe Gaudin est le nouveau chef du Service de renseignement de la Confédération
© Keystone/Ueli Liechti




L'ex-chef du renseignement militaire Jean-Philippe Gaudin, 55 ans, prendra la tête du Service de renseignement de la Confédération (SRC) dès le 1er juillet. Le Conseil fédéral l'a nommé mercredi pour succéder à Markus Seiler, désormais secrétaire général du DFAE.

Avec la nomination du chef du SRC issu du même canton que lui, le ministre de la défense Guy Parmelin disposera de deux Romands à des postes clés de son département. Le Valaisan Philippe Rebord a repris les rênes de l'armée le 1er janvier 2017.

Expérience militaire

Le brigadier vaudois, qui va quitter professionnellement son uniforme, est depuis 2016 attaché de défense à Paris. Après avoir travaillé à l'office du tourisme de Montreux, Jean-Philippe Gaudin est entré en 1987 dans le corps des instructeurs des troupes mécanisées et légères.

En 2003, Jean-Philippe Gaudin a effectué un séjour d'étude au Collège de défense de l'OTAN à Rome avant d'occuper diverses fonctions de conduite dans le Service de renseignement militaire. Il a été nommé remplaçant du chef en 2005 avant de diriger lui-même le service dès 2008.

Parallèlement, il a poursuivi son perfectionnement en suivant des cours en Grande-Bretagne, en France et auprès de l'OTAN.

Le Vaudois bénéficie de la confiance totale du ministre de la Défense. Il est décrit comme un «vrai patriote», droit, loyal, courageux, et comme un authentique chef, qui sait faire passer et concrétiser ses visions. Sous son aspect extérieur rond, c'est un grand sportif, excellent nageur, adepte du water-polo, ancien des troupes cyclistes, discipliné et dur avec lui-même.

A l’étranger, il est apprécié notamment des militaires français qui le considèrent comme un «vrai soldat», selon la source précitée.

Militaire de carrière, ayant suivi des formations à l’OTAN et en Grande-Bretagne, commandant de troupes de soutien à l’OSCE en Bosnie en 2000, son principal fait d’arme est la modernisation du service de renseignement militaire suisse qu’il a dirigé entre 2008 et 2016.

Avant son arrivée, cette petite unité faisait peu de travail de renseignement, et compilait surtout les ordres de bataille des armées étrangères. Elle a évolué vers un service doté d’officiers de renseignement formés, de centres modernes d’analyse de l’imagerie satellitaire et d’écoute électronique.

«Nous sommes montés en puissance dans le domaine de l’analyse, du renseignement intégré (coopération à l’étranger avec les services partenaires et collaboration en Suisse avec les autres administrations fédérales et cantonales), de l’informatique, dans le domaine cyber et de la contre-ingérence», c’est-à-dire la lutte contre le recrutement de soldats suisses par des espions ou des ennemis idéologiques, expliquait Jean-Philippe Gaudin en 2016 dans une interview à Sept. info.



Le militaire expliquait avoir été soutenu dans ses efforts par le parlement, à gauche comme à droite. «J’ai toujours eu des oreilles attentives, des hommes et femmes politiques», expliquait-il dans son interview.

Ce que les parlementaires de tous bords ont apprécié chez lui: le franc-parler. Jean-Philippe Gaudin n'a jamais eu peur de dire son fait à la hiérarchie militaire, notamment sur le besoin de réformer l'armée et de coopérer davantage avec les voisins européens.

Cette franchise l'a fait mal voir de l'ancien chef de l'armée, André Blattmann, qui a fini par l'écarter en le nommant à Paris. «Mais c'est justement cette capacité à dire ce qu'il croit être juste qui est demandée d'un chef des services de renseignement», explique une source bien informée.

Comme beaucoup d’officiers d’Etat-major, il a une vraie capacité à écouter et à donner l’impression de savoir plus de choses que son interlocuteur.»

Zimmerwald, une station d'écoute utilisée par le Service de renseignement militaire.
PETER SCHNEIDER


Compétences élargies

Le SRC dispose de compétences plus larges depuis septembre. Avec la nouvelle loi sur le renseignement, ses agents peuvent surveiller des communications (courrier, téléphone, courriel), observer des faits dans des lieux privés, si nécessaire en installant micros ou caméras, ou perquisitionner secrètement des systèmes informatiques et y installer des "chevaux de Troie".

Le SRC peut aussi faire enregistrer des communications sur Internet. Ces recherches sont toutefois soumises à une procédure d'autorisation en cascade, impliquant le Tribunal administratif fédéral (TAF) et des membres du gouvernement.

La menace cyber

Martial, le nouveau chef du renseignement suisse a signalé d'entrée de jeu qu'il serait un homme de l'ombre: «On ne me verra pas souvent sur les plateaux de télévision, ni dans la presse.» Mais plus tard, il a insisté sur l'importance de «mieux communiquer avec la population» pour revaloriser son service aux yeux du grand public.

En fin de conférence, le militaire de carrière a par ailleurs laissé poindre un certain émoi à l'idée de ranger son treillis: «Ca me fait un peu mal, mais c'est la règle du jeu et je la respecterai. Je suis d'abord un défenseur de la Suisse, a-t-il dit. Je le ferai sans uniforme». Il a ajouté «l'honneur et le privilège» qu'une telle fonction représentait pour «un patriote comme lui».

Concernant les menaces qui pèsent sur la Suisse, le brigadier a signalé en première ligne le terrorisme islamique. A celui-ci s'ajoutent «le retour des états-puissances, la militarisation, l'explosion des budgets militaires et, bien-sûr, tout ce qui est de la menace numérique», a indiqué le quinquagénaire.
Dans son interview à Sept. info, Jean-Philippe Gaudin avait laissé transparaître sa vision du monde: carrée et réaliste. Il critiquait une Europe qui a globalement «baissé la garde» sur le plan militaire. Il montrait de la compréhension pour l’intervention russe en Syrie. Il plaidait pour une armée suisse «plus petite, mais robuste, prête rapidement à l’engagement». Il mettait l’accent sur l’importance, pour la Suisse, de la coopération au niveau européen, face aux menaces russe, islamiste ou migratoire.

La cybersécurité semblait l’inquiéter particulièrement. «Nous constatons que des pays testent quotidiennement nos capacités de défense dans ce domaine», expliquait-il. Dans le domaine du renseignement, «il s’agira de prendre en compte les nouvelles sphères d’opération que sont les domaines cyber et la guerre de l’information», ajoutait-il.

C’est désormais à lui de relever ce défi, et je sais qu'il en est particulièrement capable, ayant servi sous ses ordres. C'est pour moi, le meilleur chef d'unité que j'ai rencontré, et ce fût pour moi, un honneur de servir sous ses ordres.


Philippe Egger