Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 19 avril 2018

Affaire Skripal : dernières nouvelles


Londres admet les conclusions de l'OIAC qui se dit incapable d'incriminer la Russie

Le 12 avril dernier, l'OIAC s'était dite incapable de déterminer l'origine de l'agent innervant. Un mois après les accusations de Theresa May et de Boris Johnson, Londres n'a toujours pas prouvé l'implication de la Russie dans l'affaire Skripal.

Ce 18 avril, la délégation britannique a admis les conclusions de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) sur l'empoisonnement à Salisbury de l'ancien agent-double Sergueï Skripal, le 4 mars dernier. «Certes, bien que l'identification de l'agent innervant utilisé constitue un élément de preuve essentiel, ni l'analyse de [Porton Down], ni le rapport de l'OIAC n'identifient le pays ou le laboratoire à l'origine de l'agent utilisé dans l'attaque», a reconnu le représentant britannique à l'OIAC, Peter Wilson.

Dans une déclaration faite à l'occasion de la réunion du Conseil exécutif de l'OIAC, mise en ligne sur le site du gouvernement britannique, Peter Wilson a d'ailleurs affirmé sa confiance totale dans les méthodes mises en œuvre par l'OIAC, qui compte 41 Etats membres.

L'organisation basée à La Haye avait rendu le 12 avril dernier des conclusions de nature à fragiliser la version avancée par le Royaume-Uni. L'OIAC avait certes confirmé qu'un produit innervant avait été mis en œuvre dans l'empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, le 4 mars dernier. Mais l'OIAC, qui n'avait à aucun moment utilisé le terme de Novitchok (du nom de ce poison développé du temps de l'Union soviétique), s'était également déclarée dans l'incapacité de démontrer que le produit neurotoxique avait été fabriqué en Russie.

Sur ce point, l'OIAC avait d'ailleurs confirmé les conclusions du laboratoire et centre de recherches militaires britannique de Porton Down, situé à une quinzaine de kilomètres de Salisbury.

Pourtant, le 19 mars, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, déclarait à la chaîne de télévision allemande Deutsche Welle que les scientifiques du laboratoire de Porton Down étaient «catégoriques» quant à l'origine russe de la substance utilisée dans l'attaque de Salisbury. Les déclarations du bouillonnant chef de la diplomatie britannique, faisant suite aux accusations de Theresa May cinq jours plus tôt, le 14 mars, avaient déclenché une grave crise entre certains pays occidentaux, dont la France et la Russie.

Moscou dénonce la «destruction systématique» par Londres des preuves

Devant le conseil de sécurité des Nations unies, Moscou a accusé Londres de dissimuler et de détruire des preuves dans l'affaire Skripal, notant l'absence d'éléments matériels mettant en cause la Russie en dépit des accusations britanniques.

Mis en cause par Londres dans l'empoisonnement de l'ancien agent-double Sergueï Skripal à Salisbury, la Russie a contre-attaqué devant le Conseil de sécurité de l'ONU, dénonçant les manquements flagrants des autorités britanniques dans l'enquête et ses incohérences.

«Les autorités britanniques sont engagées dans la destruction systématique des preuves», a ainsi accusé le représentant permanent de la Russie à l'ONU Vassili Nebenzia à l'occasion d'une réunion du conseil de sécurité consacrée au sujet le 18 avril. «Les animaux domestiques des Skripal ont été tués. Aucun prélèvement n'a évidemment été fait», a-t-il notamment relevé.

«Les endroits où se sont rendus les Skripal – un bar, un restaurant, un banc, un parc – ont tous été rouverts», a en outre noté le diplomate, soulignant qu'en dépit des déclarations britanniques sur une supposée contamination de la zone, les gens continuaient de vivre à Salisbury, «comme si rien ne s'était passé».

Retraçant le cours des évènements, Vassili Nebenzia a rappelé que Sergueï et Ioulia Skripal n'avaient pas fait d'apparition publique depuis l'incident le 4 mars dernier, et s'est demandé pour quelle raison ils demeuraient cachés aux yeux du public. L'ambassadeur russe en a profité pour souligner que Londres refusait catégoriquement de donner un quelconque accès à Moscou à l'enquête, et que jusqu'à présent, 45 des 47 questions adressées par la Russie aux autorités britanniques sur l'affaire restaient sans réponse.

Un mutisme qui s'explique par l'absence de preuves matérielles contre la Russie en dépit des discours accusateurs, selon le diplomate. Il n'a ainsi pas manqué de rappeler que, dans les conclusions de son rapport, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) n'avait pas été en mesure d'identifier l'origine du produit innervant utilisé lors de l'attaque. «La principale chose qu'il manque dans ce rapport et que les Britanniques étaient si impatients de voir, est la conclusion que la substance utilisée à Salisbury a été produite en Russie», a-t-il fait remarquer.

Le contexte accuse Moscou, selon Londres

Une absence de preuves techniques qui n'a cependant pas érodé les certitudes de Londres. Le Royaume-Uni a fait son possible pour convaincre les membres du Conseil de sécurité du bien-fondé de sa position.

Dans cette optique, la représentante permanente du Royaume-Uni à l'ONU Karen Pierce a enjoint ses collègues à regarder «le contexte plus large qui a poussé le Royaume-Uni à juger qu'il n'y avait pas d'autre explication plausible que la responsabilité de la Russie dans les événements de Salisbury».

Usant et abusant de l'expression «hautement probable», la diplomate britannique a estimé que seule la Russie avait «les moyens techniques, l'expérience opérationnelle et un mobile pour s'en prendre aux Skripal». Avant d'aller encore au-delà et d'accuser indirectement le président russe en personne : «Le président [Vladimir] Poutine lui-même a été étroitement impliqué dans le programme russe d'armes chimiques.»

Une accusation que l'ambassadeur russe n'a pas laissé passer, se demandant si les Britanniques étaient véritablement conscients de leurs dérives diplomatiques : «Londres pense apparemment que le président russe a pour passe-temps de diriger un programme d'armes chimiques dans son temps libre. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que vous avez dépassé toutes les bornes possibles.»