Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 18 janvier 2018

La Tsar bomba: 3'125 fois plus puissante qu'Hiroshima


Le 30 octobre 1961, la Tsar Bomba explosait au-dessus de l’archipel de la Nouvelle-Zemble situé dans l’extrême nord de la Russie. Il s’agissait de la bombe à hydrogène la plus puissante jamais créée par l’homme. Retour sur cet événement historique marquant.

La course à l’armement nucléaire bat son plein en 1960. Après deux ans d’un arrêt commun avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, la Russie, alors dirigée par Nikita Khrouchtchev, a en effet décidé de reprendre les tests nucléaires.

Nikita Khrouchtchev dirige l’URSS de 1958 à 1964


En pleine Guerre Froide, l’URSS prévoit de démontrer sa puissance de frappe à l’occasion du 22e anniversaire du Congrès du Parti Communiste. Pour Khrouchtchev, il s’agit avant tout de « montrer aux capitalistes ce dont l’URSS est capable ».

Depuis trois ans, les Soviétiques travaillent sur de nouveaux concepts dans le plus grand secret, et la conception de la bombe surpuissante débute en juillet 1961. Celle-ci possède une puissance potentielle de 100 mégatonnes, mais les dirigeants soviétiques décident finalement de la limiter à 57 mégatonnes, afin de limiter les retombées radioactives.

À titre de comparaison, « Little Boy », la bombe A larguée par les Américains dans le ciel d’Hiroshima en 1945, possédait une puissance de 15 kilotonnes. Elle était donc 3 125 fois moins puissante que le monstre russe.

Les Soviétiques baptisent la bombe à hydrogène surpuissante « Ivan », mais les Américains ne tardent pas à la surnommer « Tsar Bomba ». Le monstre mesure 8 mètres de long pour 2 de diamètre et pèse pas moins de 27 tonnes. Un parachute de 800 kilos sera utilisé pour freiner sa chute et permettre aux pilotes de s’éloigner avant qu’elle n’explose.

En raison des dimensions hors-normes de la bombe, le Tupolev Tu-95 qui la transporte doit être modifié


Le 30 octobre 1961, la bombe est fixée sous un bombardier Tupolev-95 largement modifié pour l’occasion. En raison du poids de la Tsar Bomba, les réservoirs extérieurs du Tupolev ont dû être retirés, et l’appareil a reçu une couche de peinture semi-réfléchissante afin de limiter les dommages causés par la chaleur de l’explosion.

Accompagné par un Tu-16 chargé d’immortaliser l’événement, le Tupolev décolle dans la matinée depuis une piste située dans la péninsule de Kola. La bombe doit être larguée au-dessus de l’archipel de la Nouvelle-Zemble. Les chances de survie de l’équipage sont évaluées à 50 %.

La Tsar Bomba est larguée au dessus de la Nouvelle-Zemble (point rouge)


À 11h32, heure de Moscou, la Tsar Bomba explose à une altitude de 4 000 m. La détonation développe instantanément une boule de feu de plus de 7 km de diamètre. L’éclair de l’explosion est visible à plus de 1 000 km du point d’impact et le champignon atomique en résultant parvient à une altitude de 64 km avec un diamètre de 30 à 40 km.

Le village abandonné de Severny, situé à 55 km de là, est entièrement détruit, et toutes les installations dans un rayon de 120 km sont soufflées par l’explosion. Alors que la bombe a explosé dans l’atmosphère à assez haute altitude, l’US Geological Survey enregistre un signal sismique d’une magnitude de 5. Des vitres sont brisées jusqu’à 900 km du lieu de l’explosion.



Les pilotes s’en sortent finalement indemnes, et l’un des caméramen témoigne de la violence de l’explosion :

« Les nuages situés sous l’avion et au loin furent illuminés par le puissant flash. La mer de lumière se propagea sous la carlingue et même les nuages commencèrent à luire et devinrent transparents. À ce moment, notre appareil émergea d’entre deux couches de nuages et en bas, dans l’interstice, émergeait une énorme boule brillante et orange. Cette boule était puissante et arrogante comme Jupiter. Elle grimpait doucement et en silence… Après avoir transpercé l’épaisse couche de nuages, elle continua de grossir. On aurait dit qu’elle allait aspirer la Terre entière. Le spectacle était invraisemblable, irréel, surnaturel. »

L’impact de la Tsar Bomba si elle était larguée sur Paris


Réplique de la Tsar Bomba présentée dans le Musée de la bombe atomique à Sarov


Pour Victor Adamsky et Youri Smirnov, deux des scientifiques ayant participé au développement de la Tsar Bomba, cette dernière ne fut jamais envisagée comme une arme de destruction massive, mais plutôt comme un moyen efficace de démontrer la puissance militaire et technologique de l’URSS durant la Guerre Froide.

Yann Contegat