Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 6 décembre 2017

« El Chapo » et les avions 16


Nous voici arrivés à la fin de cette longue sage sur El Chapo.  Celle de sa capture, alors qu’il était reparti encore une fois se cacher dans son fief, dans les lieux de son enfance.  La fin du jeu du chat et de la souris, la fin d’une traque restée à bien des égards assez floue, étant donné les contacts qu’il avait continué à avoir à l’extérieur, y compris lors de la rocambolesque visite de l’acteur Sean Penn dans sa tanière de Durango (sans parler de ses contacts avec le FBI…). 

Capturé au final en ville, celle où il est né, dans une maison disposant d’une échappatoire… en forme de tunnel, El Chapo étant plus que prévisible en la matière.  Mais l’histoire n’est pas totalement terminée…  puisqu’il reste un pilote qui semblait avoir échappé à la description des « assistants » du maître du Triangle d’Or du Sinaloa.  Et celui-là nous réserve une autre surprise, que nous étudierons bientôt, rassurez-vous !

Le jeu du chat et de la souris; pendant des années

Guzman, à l’évidence a souvent  joué avec les gens qui le recherchaient et les a longuement nargués. Selon Wikipédia, voici les lieux où il aurait été croisé en cavale :  on remarquera qu’il s’agît pour la plupart d’entre eux de son fief de Sinaloa !!!  En 2006, des caméras de sécurité cachées le repèrent dans un SUV dans les zones rurales de Durango (déjà là !!). 

Le temps que l’armée se déplace, il a déjà fui. Il arrivera même à se marier (son troisième mariage) durant sa fuite à cet endroit :  le 2 juillet 2007, Guzmán épouse Emma Coronel Aispuro, une ancienne gagnante du concours de beauté, à La Angostura, Canelas, dans le Durango.


Il est alors en fuite depuis 6 années.  Des photos mises en ligne de la fête le confirmeront peu de temps après.  Emma Coronel Aispuro, originaire de La Angostura, dans le Durango, est en fait  la nièce de son ancien compagnon de route et trafiquant, Ignacio Nacho Coronel, abattu en 2010 lors d’une opération militaire à Zapopan, dans le Jalisco.  Avec elle il aura deux filles jumelles, Maria Joaquina et Emali Guadalupe, nées en août 2011 à… Los Angeles, en Californie !!!


En cavale, El Chapo enverra le cliché au nouveau gouvernement de Nieto.  La police et l’armée débarquées le lendemain découvrent une salle de fête vide.  Le 25 mars 2008, une fusillade au Salvador entre trafiquants de drogue s’entre-tuant au sujet d’une grosse livraison de coke est décrite par les journaux mexicains comme ayant eu Guzman comme participant et qu’il aurait même été tué à cette occasion.  Les autorités confirment dans un premier temps qu’il y avait bien un citoyen mexicain parmi les victimes, ce qui renforce l’espoir de l’avoir vu abattu. 

Des analyses sur les corps retrouvés calcinés ne donnent rien.  On pense que la drogue disputée est alors déjà partie au Honduras !!!  Notre fugitif adore provoquer tout le monde, la police comme ses rivaux.


Le 17 mai 2008 aux soir, des habitués du restaurant Aroma à Ciudad Juarez, Chihuahua voient débouler de grosses voitures noires aux vitres opaques, et en voient sortir des malfrats qui leur enjoignent d’arrêter leurs téléphones portables, et les confisquent même.  C’est Guzman en personne qui s’est invité, avec plusieurs malfrats restés jusqu’ici inconnus. 

Grand seigneur, au sortir de table, il fait rendre les appareils téléphoniques et règle la note de tout le monde !!!  La police apprécie peu; mais pire encore avec un gang rival, qui le lendemain mettra le feu au restaurant (photo ci-dessus).  Sa quête continue :  le 20 mai 2008, on fera fouiller en vain les villes de San Miguel de Allende, et Dolores Hidalgo, Guanajuato, parce qu’on annonçait l’y avoir vu.  Nouveau chou blanc pour le pouvoir mexicain, et un El Chapo ravi du tour qu’il vient de lui jouer.  Début septembre 2008, Guzman est vu en revanche en train de déjeuner à l’hôtel-restaurant Barrokas à Piedras Negras, dans le Coahuila avec un homme non identifié appelé « le fils » (ici à gauche l’intérieur actuel du restaurant).


Le 15 septembre 2008, il se serait offert un petit tour en hélicoptère (ah tiens, il n’utilisait donc pas que des Cessna !) au dessus de Badiraguato (cf la vue ci -dessus) dans le Sinaloa pour aller vérifier ses  plantations de marijuana et même visiter deux laboratoires de drogue à Tamazula et à Durango (à droite un des hélicoptères disponibles à Badiraguato, on peut le voir évoluer ici en vidéo).


Sa façon à lui de fêter le jour de l’Indépendance du Mexique, sans doute !  Le 26 janvier 2009, selon la DEA, il aurait tenu une réunion entre responsables du trafic à Sonoyta, dans le Sonora.  Le 17 avril, l’archevêque Héctor González  plutôt bavard, déclare dans une interview que « tout le monde [sait] » que Guzman vit à Guanaceví, dans l’Etat de Durango ».  Il confirme ainsi la rumeur de l’existence d’une propriété d’El Chapo dans la communauté rurale de San Andrés del Teul, à Jiménez del Teul, exactement, dans le Zacatecas (ci-dessous la demeure) .


En 2010, on estime également qu’il s’est envolé jusqu’en Argentine, à Buenos Aires, avant de repartir sous un faux nom jusqu’au Paraguay, et ensuite en Colombie, il serait même allé ainsi jusqu’en Europe (dans quel jet ???) !  Le 24 Février 2010, les rapports de renseignement du Honduras font foi de sa présence « sporadique » à El Paraiso, dans le Copan.  Parfois, derrière lui, on retrouve des voitures :  soit incendiées, soit, c’est plus rare, parfois intactes ; d’énormes SUV blindés, lourds comme des tanks, comme ici cet exemplaire saisi lors de sa traque (à droite).


En avril 2011, un haut responsable anonyme travaillant pour la DEA a déclaré à la presse que « Guzman vivait à Durango, et se cachait dans une zone montagneuse «comme le fait Oussama ben Laden».  A Durango, pourtant, El Chapo n’a pas que des amis.  Le 21 novembre 2016, par exemple, on y a retrouvé encore au volant de sa voiture, le corps criblé de balles de Dámaso López Núñez, alias « El Licenciado ».  On ne lui a laissé aucune chance :  des tueurs à gages dans au moins deux véhicules, avaient fermé le boulevard Guadiana, en pleine ville de Durango, devant et derrière lui. Sa voiture a été criblée de balles.  López Núñez était tout sauf un inconnu :  c’est lui qui aurait été l’architecte de l’évasion d’El Chapo de la prison de haute sécurité de Puente Grande, à Jalisco, en 2001, sa toute première évasion !


En 2011, les autorités guatémaltèques ont confirmé que Guzman aurait été vu à Puerto Barrios, au Guatemala, et a admis qu’il avait fréquenté le pays et le Honduras.  Plus grave encore en 2014 avec les propos de l’avocat américain Donald Feith qui déclarera qu’en avril 2014, le FBI aurait rencontré Guzman dans un endroit reculé d’une région montagneuse du Mexique.  Une réunion initiée par Jesús Manuel Gutiérrez Guzmán (cousin de Guzmán), dans lequel un informateur du FBI se serait glissée.  Mais au contraire des habitudes de la maison, la région n’aurait pas été filmée… (pourquoi donc est-on fort tenté de dire, car cette rencontre ressemble fort à celle, par exemple, d’un El Pollo (Hugo Armando Carvajal Barrios désormais appelé Peck) le proche de Maduro qui a été de la même façon en discussion avec le FBI dans l’île d’Aruba… sous influence néerlandaise, ce qui lui avait évité d’être kidnappé. 

Reddition, négociation, statut de repenti protégé, etc… on n’a jamais su le fini mot de cette étrange expédition.  El Chapo craignait comme la peste d’être incarcéré aux USA, ça, on le sait.  Et on sait aussi pourquoi :  au Mexique, lors de sa première incarcération (et certain disent aussi pendant la seconde) il avait pu bénéficier des « services » de prostituées à l’intérieur même de l’établissement !

Le petit vieux qui mène à El Chapo


Alors comment a-t-on fait en définitive pour le serrer ? L’histoire est plutôt tordue, mais elle montre aussi qu’il faut de la patience, beaucoup de patience parfois pour remonter toute une filière complète.  Ça commence en octobre 2011 sur une nationale près de Kalamazoo, dans le Michigan, avec l’arrestation d’un vieillard ne payant pas de mine.  On lui donnerait le bon dieu sans confession (il est ici à droite).  Il s’appelle Leo Earl Sharp, il est âgé de 87 ans et il vient de se faire arrêter avec 288 livres de coke (130 kilos) cachées dans son pick-up.  Les policiers n’en reviennent pas :  c’est leur plus vieux narco-trafiquant, à coup sûr !!!

Les policiers intrigués par des notes éparses dans le pick-up avec des noms mexicains remonteront jusque Delgado Sánchez, un commerçant de Miami, spécialisé dans les tacos avec sa compagnie « El Rinconcito Mexican Catering », c’est en fait le fournisseur en coke de Leo.  En mettant tout le monde sur écoute, ils découvrent deux autres lascars José Roberto Lucero-Bustamante et Armando Dias-Lucero, qui appartiennent en fait au Cartel de Sinaloa.  En réalité des sous-fifres de Guzman !  Bonne pêche !!! 

Le vieillard avoue en même temps aux policiers « qu’il avait possédé dans le temps une compagnie aérienne dans les années 1970 » et qu’il avait vécu en Floride, à Hawaii, en Indiana et en Iowa.  En fait, il possédait jadis une agence de voyages qui a fait faillite et il semble qu’il doive continuer depuis à rembourser ceux qui lui avaient acheté des billets.  Son agence conduisait les touristes à Cancun, comme destination.  C’est là qu’il a dû prendre contact, sans doute… il avait en tout cas importé de 2008 à 2011 environ 660 livres de coke (300 kilos) chaque mois, direction le Michigan et Detroit selon les policiers.  C’est en écoutant les discussions en novembre 2012 de Leo Earl Sharp que les policiers tombent alors sur les discussions avec lui des propres fils d’El Chapo, qui géraient la boutique pendant que leur père était en cavale, comme on le sait, entre deux selfies de voitures de sport, de Kalachnikovs dorées, de filles à gros seins ou de montres luxueuses (ce sont des intellectuels, pour sûr !).


Ils tombent alors sur un dénommé “Roco Loco » dont ils découvrent qu’il est le pseudonyme de Jorge Martin Torres, celui qui a financé l’avion des deux fils, entre autres.  En décembre 2012, l’histoire se précise :  les deux fils envisagent d’amener directement à Detroit pour 300 000 dollars de coke en avion, un Cessna 206, celui décrit à l’épisode 10, le fameux Cessna XB-NKY.  Mais ils apprennent aussi que les deux fils souhaitent acheter un autre avion, bien plus confortable.  Oh, pas un jet, non, un avion à hélices, mais à turbo-propulseurs, qui possède une particularité rare: grâce à son aile haute et son train robuste, il peut aussi se poser sur des pistes en terre, ce que des trafiquants on fait avec depuis des années (voir ci-dessous un atterrissage au Honduras, sous une fausse immatriculation, c’est en fait celui-là).


Le temps de trouver l’appareil disponible chez un broker et la commande est passée pour un Rockwell International Commander 690B de 1978 en parfait état, disponible « début 2014 » chez un broker près de Detroit, Rick Swick, de Lambertville, le gérant de Swick & Associates.  Mais à ce moment là les « feds » et le FBI sont déjà sur la piste du Cessna acheté par une société mexicaine fictive appelée Gasoestacion Ecologica, dont Jorge Martin Torres est le responsable.  Or le Commander 690B a été commandé par la même firme.


Ils ont déjà remonté la filière des paiements fractionnés (sinon éparpillés !) de Torres… et savent donc que le Commander à toutes les chances d’être un avion destiné à El Chapo.  L’avion immatriculé N690WT est néanmoins acheté au tout début du mois de mai 2014 (au tarif de 940 000 dollars) par le financier de Guzman.  L’avion est à coup sûr pour El Chapo !  Les gens du FBI et du Homeland Sécurity en sont maintenant persuadés.  Leur réaction ne se fait pas tarder.  Le 12, ayant accumulé assez de preuves, sûrs d’eux, ils saisissent l’appareil juste avant qu’il ne soit livré !  Et remboursent intégralement le broker, ce qui est plutôt rare paraît-il.  El Chapo devra se contenter de ses inconfortables Cessna pour continuer à circuler comme il veut… et survoler le Sinaloa qu’il n’a en fait presque jamais quitté !!!  Sa volonté de se munir d’un tel appareil alors qu’il était toujours en cavale laisse entendre surtout qu’il s’imaginait toujours être le roi du ciel, comme son mentor Amado Carrillo Fuentes, !!!

Une traque qui aurait échoué de peu en octobre 2015


Avant de le capturer, les autorités mexicaines semblaient bien avoir raté de peu El Chapo.  C’est le magazine Policia qui le dit dans un article bien documenté paru le 19 octobre 2015.  Selon le même magazine, El Chapo aurait même été blessé par balle à la jambe lors de cette opération visant à le capturer (ce que l’intéressé avouera plus tard semble-t-il dans l’interview de Sean Penn). L’endroit décrit comme lieu de refuge les environs d’El Verano et d’El Limón, en révélant la photo d’un minuscule chemin situé en haut d’une colline comme étant la présumée piste d’atterrissage du Cessna qui avait amené El Chapo directement de San Juan del Rio, à Querétaro et notre fameuse piste de parachutistes.


Des échanges de tirs ont été entendus dans le secteur, une vidéo en faisant écouter un, sans que l’on sache très bien si c’étaient des tirs des « Marines » mexicains ou de groupes de trafiquants en train de s’entretuer comme c’est plutôt coutume là-bas.  Selon le reportage, cette violence journalière avait même provoqué l’exode d’une population de la municipalité de Tamazula, à Durango, qui avait dû trouver refuge dans le village de Cosalá.


Selon le magazine toujours, la zone est quasiment devenue déserte.  Et pour s’y rendre, on ne peut y aller qu’à pied ou en 4×4 (pour se rendre de  Cosalá et El Verano, il faut 5 heures indique-t-il).  Le problème du cliché de la piste c’est que celle-ci fait beaucoup penser à celle d’El Guamuchil à Durango, où sur une vidéo on avait pu apercevoir le Cessna XA-TIN se poser… accompagné rapidement d’hommes en armes (à noter que c’est le même avion qui s’écrasera à l’endroit dont on parle, à Cosalá, entre Sinaloa et Durango le 8 mars 2016, tuant son pilote de 30 ans et blessant son passager de 20.  Voler dans cette région demeure excessivement dangereux !).  Celle de la Sierra Comedero étant tout aussi impressionnante,  Le décollage de la même piste -ici du XA-TNK étant tout aussi impressionnante (ici son atterrissage).  A Cieneguita cela paraît déjà plus simple…  Ci-dessous l’arrivée à  Sierra Comedero :



A Durango, quand on vole, on ne porte pas nécessairement d’immatriculation visible : un comble !  A croire que la zone de non droit existe bien à cet endroit !  A Durango et plus exactement à Tayoltita, sur un plateau montagneux, on trouve des avions plus imposants, comme ici ce Twin Otter filmé en train d’y atterrir.  Un Britten Norman Islander le fait aussi ici (cf photo, un Aero-Commander aurait donc pu faire la même chose !!!).  On peut admirer ici un Cessna y atterrir pour prendre des passagers au passage.  Tayoltita étant aussi un site touristique que l’on peut apercevoir ici en diapositives… avec l’inévitable Cessna du coin comme transporteur de touristes.  On notera son équipement « spécial » à gros pneus (image ci-dessous).  Ici son décollage.  Et ici le trajet de Tayoltita à Durango avec un Cessna a bruit de tracteur…  Et là encore un atterrissage suivi de loin à Morelos du Cessna 206 XB-XQE, à la roue droite en mauvais état…. ou à plat (on notera que le train principal porte de petits garde-boue !!).


Selon la télévision mexicaine, on avait raté de peu El Chapo dans une de ses cachettes (ci-dessous) dans cet endroit montagneux, justement.  Pour preuve, on nous la fera visiter, en montrant une pièce de pisé où traînait encore un présentoir à chemises, dont une comme celle qu’il arborait lors de la rencontre avec Sean Penn.


On le sait, l’acteur Sean Penn est intervenu pendant la traque d’El Chapo (1) qui à vrai dire était aussi attiré par le physique de l’actrice Kate Del Castillo qui l’accompagnait.  El Castillo (de son nom complet Del Castillo Negrete), la star de la série télévisée La Reina del Sur, qui ne pouvait que plaire à El Chapo : c’est l’héroïne d’une histoire – fictive – (produite par la chaîne américaine Telemundo), celle de « Teresa Mendoza », la petite amie d’un baron de la drogue qui terminera à la tête de son propre groupe de narco-trafiquants !!!  A noter qu’en 2011,  l’année où a été lancée La Reina del Sur, la guerre contre la drogue avait atteint au Mexique un taux record de 24 homicides pour 100 000 habitants !!!


L’intermédiaire oublié

Derrière l’étonnante rencontre, il y a aussi un autre homme, un producteur : Fernando Sulichin, qui a vécu en Europe (et affirme avoir bien connu Sarkozy) qui est aussi celui d’Oliver Stone, et qui est aussi très ami avec Nicolás Maduro, Evo Morales, Cristina Kirchner et l’était même Fidel Castro  du temps de son vivant, comme il avait pu l’être avec Hugo Chavez (cf la photo).  Le second négociateur étant l’hispano-argentin Ibanez Martin Pira.  Sulichin s’était déjà embarqué dans une aventure de la sorte, avec déjà à ses côtés Oliver Stone.


En décembre 2007, Hugo Chávez avait en effet invité l’ancien président argentin Néstor Kirchner et Oliver Stone à participer en direct au sauvetage et la libération de Clara Rojas, de son fils Emmanuel et de l’ex-parlementaire colombienne Consuelo Gonzalez.  Tout était prêt et Chavez n’avait plus qu’à savourer son triomphe. Baptisée « Opération Emmanuel », elle allait s’avérer être en définitive un fiasco total.  Le 18 décembre, la guérilla colombienne des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) avait en effet auparavant annoncé par surprise au monde entier la «libération» de ses trois otages parmi les 45 qu’elle détenait.



Le 8 novembre, dans cette optique, Chavez avait reçu à Caracas même, devant les caméras du monde entier, Yvan Marquez, l’un des sept dignitaires de l’état-major général des Farc, une première qui reconnaissait aussi l’existence du mouvement d’opposition à Uribe. 

L’opération prévue et médiatisée devait redorer en même temps l’image de Chavez.  Le 26 décembre, des hélicoptères et des avions étaient prêts  sur l’aéroport de Villavicencio en Colombie pour aller les chercher, placés en attente, en accord avec Uribe.  Quatre hélicos et quatre avions Falcon vénézuéliens, portant des auto-collants du CICR, du Comité international de la Croix Rouge, voilà qui n’est pas sans en rappeler d’autres (à Uribe, qui copiera le principe lors de l’Opération Jaque).


Or le sauvetage n’aura pas eu lieu alors que les caméras et les journalistes n’attendaient plus que ça !  Pour des tas de raisons, le torpillage d’Uribe, comme les prétentions des Farc revues à la hausse, et un Chavez bien trop impatient de réussir, etc… Le grand gagnant avait été Alvaro Uribe qui recommencera un scénario assez semblable, mais en le réussissant avec l’aide il est vrai de la CIA (c’est l‘Opération Jaque, qui veut dire jeu d’échecs).  Pour cette fois-là, c’est très certainement Sulichin qui a réglé la note d’avion pour se rendre de Californie au Mexique dans le jet affrété par Clay Lacy Aviation :  34 854 dollars dans un Hawker 900 immatriculé N288MB et piloté par Jon Sloan et Daniel Pratt.


Pour rencontrer El Chapo, Penn et Castillo s’étaient rendus en petit Cessna dans le Sinaloa (on a montré comme tel le XB-MXM comme appareil utilisé), et exactement à Durango, là où Ivan Archivaldo Guzman, les attendait avec un groupe d’hommes puissamment armés.


C’est lui qui les a amenés chez son père, « pour une entrevue de sept heures », selon le journal mexicain Eje Central.  Selon la presse, l’entrevue aurait eu lieu entre Tamaluza de Victoria et à Durango.  El Chapo n’avait donc pas quitté le Mexique et était même retourné dans son coin d’enfance !!!  Pour ce qui est de Tamaluza de Durango, aucun problème pour lui pour y atterrir.  A peine à 800 mètres du centre du bourg, il existe une piste de terre de 800 mètres de long, munie de hangars, où Google Earth décelait en 2015 pas moins de 5 avions dont au moins 4 Cessna !!!  En bordure de route en prime !!!  On se moque un peu du monde là en affirmant qu’on ne savait pas où étaient les avions d’El Chapo !!!  A Cosala, on a même droit à une piste en macadam le long de la ville !!!  De qui se moque-t-on là ?



La presse conclut : « atterrissages improbables sur des pistes de terre battue, complaisance suspecte de postes de police, milices armées jusqu’aux dents, tout semble littéralement tiré d’une œuvre cinématographique. »  On publiera après la capture les images d’une ferme, celle d’un Cessna bleu et blanc censé emporter les deux acteurs.. et leur producteur.  Selon la presse les liens du trafiquant avec l’actrice avaient été relayés par ses avocats Óscar Manuel Gómez Nuñez, (emprisonné depuis pour l’avoir aidé à s’échapper le 11 juillet 2015) et Andrés Granados Flores.  Selon le travail de renseignement du gouvernement mexicain, c’est l’actrice qui avait mis en contact les avocats d’El Chapo avec Fernando Sulichin et Ibanez Martin Pira.  El Chapo, lui, désirant avant tout que sa biographie finisse à Hollywood ! Le voilà désormais servi, car ça ne devrait pas tarder !!!

La Piedrosa, son dernier refuge dans le Durango



Parmi les caches de El Chapo, outre celle décrite à Jiménez del Teul, il y a aussi La Piedrosa, dans l’Etat de Durango assemblage de cabanes de construction fort récente qui l’a hébergé, très certainement là où Penn l’aurait rencontré écrit ici « Columnatamaulipas » :  « La Piedrosa est un ensemble de cinq chalets en pierre et en bois couvert feuille, à l’exception du principal, ou s’est caché Joaquin « El Chapo » Guzman, qui a été construit seulement le 21 juin dernier (une inscription à la main le ciment le révèle), avec une cloison recouverte de ciment et un toit en tôle.  Le trafiquant de drogue est arrivé ici le 16 septembre, selon les renseignements de la marine.  Via une piste d’atterrissage illégale d’un kilomètre, l’une des nombreuses pistes dans la région du Triangle d’Or (la confluence des Etats de Sinaloa, Chihuahua et Durango et où on a trouvé le plus de produits marihuana et de pavot dans le pays).



La Piedrosa occupe un espace d’environ 170 mètres de longueur et presque la moitié de la largeur.  La propriété est située pratiquement sur une petite montagne et ses voisins les plus proches sont à plusieurs kilomètres. 

L’endroit peut seulement être atteint par avion, dans un ATV ou via une camionnette 4 × 4.  Cette propriété avait plus de commodités que la cabane en bois qui est celle présumée qu’El Chapo a utilisée quelques semaines à Bastantitas, car bien que la salle de bain et la douche soient à l’extérieur de la chambre, la construction et l’équipement de l’endroit sont bien meilleurs ».  On notera que jusqu’au dernier moment, c’est par Cessna qu’il se déplaçait.

The End, façon Hollywood



Finalement, donc, le 8 janvier 2016, El Chapo finit par se faire pincer, après 6 mois de cavale dans une maison d’apparence ordinaire à Los Mochis, son lieu de naissance… lors d’un assaut très violent où un bon nombre des hommes censés protéger le trafiquant sont abattus.


L’arsenal découvert à l’intérieur de la bâtisse est impressionnant, puisqu’on découvre deux fusils de calibre .50 et même un lance-roquettes RPG d’origine russe (ci-dessus).  El Chapo s’était réfugié dans une villa d’allure ordinaire… mais comportant une sortie dissimulée vers… un tunnel, débouchant dans la rue adjacente. On ne se refait décidément pas chez El Chapo !  C’est là où il est né en fait, près de La Tuna de Badiraguato, de là aussi d’où décollent le maximum de Cessna bourrés de coke dans le pays !!!


La boucle était bouclée… pour lui (il lui en restait une encore à faire :  l’extradition annoncée, faite en janvier 2017).  Selon le Point « l’évasion spectaculaire d’El Chapo, en infligeant un sérieux camouflet aux autorités, convaincra le président Enrique Peña Nieto d’accepter l’extradition du narcotrafiquant vers les États-Unis.  Jusqu’alors, Enrique Peña Nieto s’était toujours opposé à cette extradition, souhaitant voir El Chapo jugé par la justice mexicaine.


Le narcotrafiquant, qui rêvait de voir sa vie portée à l’écran, avait rencontré dans la jungle, durant sa cavale, l’actrice de telenovela américano-mexicaine Kate del Castillo et l’acteur américain Sean Penn.  C’est grâce aux messages échangés avec l’actrice que les autorités seraient parvenues à retrouver la trace du narcotrafiquant le plus puissant de la planète ».  Le vrai narco piégé par La Reina del Sur d’opérette (ici en photo) !  Un vrai film, que la vie d’El Chapo, vous disais-je !  D’où l’intérêt d’Hollywood… qui permet aussi de gommer tout le travail de la CIA (quand Hollywood s’empare d’un sujet historique où elle a joué un rôle, regardez ce que ça devient : Zero Dark Thirty ou American Traffic : quelle pitié !).

Une dernière tentative de vol qui aurait échoué ?


Mais un fait continue d’intriguer, et pas qu’un peu comme on va le voir dans une autre prochaine série.  Avant de se faire pincer, El Chapo a peut-être bien été tenté d’aller voir ailleurs.  On songe notamment… au Honduras, et à Roatan, bien sûr. 

Ça s’est passé de façon bien étrange, mais aussi bien classique avec tout ce qu’on vient de lire, par un abandon d’avion, encore un.  Un abandon bien dans les habitudes aussi de la carrière d’El Chapo puisqu’il s’agit d’un Learjet, l’avion de ses débuts dans les livraison de cocaïne.  Arrivé le 16 juillet 2015, découvert à 8h du matin sur l’aéroport Juan Manuel Gálvez de Roatán, Islas de la Bahía, l’appareil, était immatriculé XB-LTD.  En étaient descendus trois hommes : le pilote Carlos Rafael Ramírez, le co-pilote Enrique Gaona et un passager appelé Víctor Alberto Calderón Cortés (passeport 07190114260).



L’avion venait directement de… Toluca (décidément, c’est bien l’un des nœuds de toute l’affaire !).  De nuit pour certains, au petit matin pour d’autres, les avis divergent.  « La chose étrange à propos de l’affaire est que les lumières de l’aéroport se sont éteintes au moment où le navire a atterri, ce qui fait l’objet d’une enquête », avait ajouté le lendemain le porte-parole du ministère public laissant entrevoir une arrivée nocturne… et des complicités sur place ! 

Les trois personnes descendues, voici qu’elles quittent l’aéroport, leur passeport en règle… et laissent l’avion sur le tarmac.  Si les deux pilotes reprennent assez vite un vol classique, dès le jour même, direction le Panama tout d’abord, le troisième homme, resté sur place, est rapidement sommé d’expliquer ce qu’il va en devenir du jet.  Il affirme tranquillement que c’est un avion qui attend-là un futur acheteur… sans le nommer, bien sûr.  Voilà une pratique qui rappelle celle des « cadeaux » en forme de Gulfstream !


Et comme à ce moment-là El Chapo est toujours en liberté, on craint fort que cet avion ne soit cette fois pour lui !!!  Car n’oublions pas ses liens avec Roatan, un de ses fiefs !!!  A ce moment-là, les autorités du Honduras ignorent toujours quel est le propriétaire véritable de l’appareil « Lima Tango Delta », pour l’instant inscrit sous le nom de « Compañía Ejecutiva Aérea, S.A. de C.V » totalement inconnue au bataillon ! 

L’avion a été acquis en avril 2010, et il n’avait pas changé de propriétaire jusqu’au 14 juillet 1993, date à laquelle il appartenait encore à SACSA – Servicios Aereos del Centro S.A., sous l’immatriculation XA-SJS.  L’avion reste 20 jours sur place avant qu’on ne se décide à l’inspecter.  Dans les compartiments de fret, dans le plancher du couloir et sous les sièges du jet (côté gauche) les chiens renifleurs des inspecteurs découvriront des traces de cocaïne, des traces d’un transport récent.


Entre temps, Víctor Alberto Calderón Cortès (ci-dessus), originaire de Monterrey au Mexique, venu sur place affirmer qu’il était « responsable de la vente » est finalement incarcéré le 4 août, après avoir tenté vainement de quitter le pays le 29 juillet… une arrestation qui s’était produite à l’aéroport international La Mesa de San Pedro Sula, à environ 180 kilomètres au nord de Tegucigalpa, alors que  Calderon embarquait sur le vol numéro 675 de chez Aeroméxico, à destination de Mexico.  Lassées de l’absence de réponse de sa part, le 26 août, un mois et 10 jours après son arrivée, les autorités ont saisi sur place l’avion.  Il y est toujours, depuis.


Ce qu’on ignorait alors c’est que Víctor Alberto Calderón Cortès était aussi pilote… (quoiqu’il ait dit dans une interview oubliée « qu’il était un pilote professionnel dont  l’entreprise n’existait plus« ) mais ça, on va le découvrir dans d’autres épisodes, si vous le voulez bien. Un pilote doué du talent de pouvoir sortir de prison, surtout, semble-t-il d’après ce qu’on va voir…  bientôt.  Un peu de patience, que diable !  L’histoire n’est pas tout à fait terminée !



ici deux vues de la piste de la Sierra de Durango

1) le décollage :



2) l’atterrissage :



(1) tout le monde avait oublié, déjà, que Sean Penn, appelé par l’Aleph Institute, était déjà intervenu dans une affaire liée à un trafic de drogue: celle de Jacob Ostreicher, juif orthodoxe américain accusé de trafic de drogue en Bolivie.  En liaison, selon les boliviens, avec Maximiliano Dorado Munoz Filho, le trafiquant le plus important du pays, condamné à 33 ans de prison au Brésil.  Ostreicher affirmait être venu s’installer en Bolivie pour y faire pousser du riz.  Etrangement, l’acteur Sean Penn, avait en effet rencontré Ostreicher et avait même assisté à son procès en décembre 2011… selon un enquêteur américain, le cas d’Ostreicher était le vieux coup des juges désireux de faire monter les enchères pour sa libération, voire de toucher au passage des gratifications.  Ok, mais la suite de l’affaire n’allait pas dans ce sens :  fin 2013, en effet  Ostreicher avait quitté le pays, sans révéler comment.  Selon la Bolivie, c’était la CIA qui l’avait fait évader… avec ou sans l’aide de Sean Penn !  Sur Ostreicher, lire ici.  Et aussi ici, car la mafia bolivienne mène directement… en Serbie !

TF121