Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 30 novembre 2017

L'assassinat de JFK : autopsie d'un coup d'Etat (2/7)


Partie 6

Les anti-Castro s’agitent beaucoup dès la prise de pouvoir par Fidel, le 1er janvier 1959, date à laquelle Batista s’est enfui.  Parmi eux il y a de tout : des anciens résistants à Batista, mais n’ayant pas suivi le même chef, des mercenaires anti-communistes manipulés par la droite américaine, ou payés par Howard Hughes, qui est encore plus anti-communiste qu’eux.

Des groupes paramilitaires se sont formés, en Floride, comme en Louisiane, certains installant leurs préparatifs de reconquête dans les « keys » de Floride, à deux pas de Cuba.  Les frères Kennedy, bienveillants avec eux vont progressivement s’en éloigner, car ils détestent en fait ceux qu’ils ne peuvent contrôler, dont le « fameux » Masferer.

Ce qui n’empêche pas d’avoir recours à des hommes de main, via la CIA, pour exécuter les basses œuvres, le plus célèbre de tous étant l’intouchable Luis Posada Carriles, véritable psychopathe laissé en liberté… et toujours vivant, malgré avoir été déclaré responsable de l’explosion d’un avion en vol ayant fait 73 morts.  Tous les présidents US l’ont protégé, sans exception.

Howard Hughes s’en mêle



Cela aussi je vous en avais parlé (ailleurs) : le milliardaire fou Howard Hughes avait mis le nez dans ce dossier des exilés revanchards : « dans son île paradisiaque, Hughes organise la lutte anticastriste, donc. Le Miami Herald a rapporté le 25 août 1963 que « Sal Cay a servi un double objectif, comme lieu de rendez-vous et comme entrepôt d’armes pour les raiders en exil, et, pour les réfugiés anti-castristes, le premier arrêt de la liberté, une passerelle similaire au mur de Berlin pour les Allemands de l’Est anti-communistes.  « Un entrefilet dans la presse (le Miami Herald) du 11 septembre 1957 révélera l’investissement fort particulier de Hughes.  

On le voit, le « fou » Howard Hughes avait de très bonnes relations avec la CIA, qu’il ne rencontrait pourtant jamais que par courrier interposé, qu’on lui apportait en bas de son immeuble, dont les portes ne s’ouvraient jamais : un employé attrapait les lettres avec une canne à pêche, au travers d’une fenêtre ». 


Givré, je vous ai dit.  Howard Hughes, déjà fou, était à la tête de la chasse au Fidel Castro !  A croire que le leader avait ensorcelé le pouvoir US !  Giancana, et sa dégaine de mafieux typique, définira le vice en affirmant que c’était ce qui augmentait la pression artérielle :  un bloggeur nous le rappellera en disant que « ça pouvait s’appliquer parfaitement au fonctionnement de la publicité, souvent remplie de filles dénudées pour rien : l’autre pilier du capitalisme ! » 

L’île aurait été achetée par Hughes en mai 1957, comme l’avait indiqué un exemplaire du Sarasota Journal (en date du 17 septembre 1957).  Le journal rappelant fort ironiquement que l’année précédente, la police de Floride avait dû pourtant y faire décamper des anticastristes qui étaient venus y planter un drapeau !!!  Y déboulent bien vite toute une noria de C-46… (1)

Gerry Hemming en Louisiane avec Interpen


Parmi les mercenaires installés en Louisiane, puis ensuite à Miami, il y avait aussi ceux d’Interpen (pour (Intercontinental Penetration Force).  Le groupe de Gerry Hemming, ancien pilote de  T-33… cubain, installé sur la base de Pinar del Rio, opposé à Fulgencio Batista, comme  Castro… « Interpen a également participé à la formation de membres des groupes antico-castristes financés par des personnes comme Roland Masferrer, Carlos Prio et Santos Trafficante.

Lorsque le gouvernement a commencé à réprimer les raids de la Floride en 1962, Interpen mis en place un nouveau camp d’entraînement à la Nouvelle-Orléans.  Le groupe a effectué une série de raids sur Cuba dans une tentative de saper le gouvernement de Fidel Castro.


Ces récits ont été rapportés par le journaliste photo, Tom Dunkin, pour LIFE Magazine » explique Spartacus.  « Créé en 1961 par Gerry P. Hemming. il comprenait Loran Hall, Roy Hargraves, William Seymour, Lawrence Howard, Steve Wilson, Howard K. Davis, Edwin Collins, James Arthur Lewis, Dennis Harber, Bill Dempsey, Dick Whatley, Ramigo Arce, Ronald Augustinovich, Joe Garman, Edmund Kolby, Ralph Schlafter, Manuel Aguilar et Oscar Del Pinto.   Roy Hargraves, travaillant en étroite collaboration avec Felipe Vidal Santiago, a effectué une série de raids sur Cuba dans les années 1960 (23 en 1962).  Il s’agissait d’un plan visant à créer une guerre en simulant une attaque contre la base navale de Guantanamo.


En 1963, Hargraves dirigea une équipe d’exilés dans un raid sur Cuba.  Après avoir capturé deux bateaux de pêche cubains, Hargraves les a emmenés aux Bahamas.  Certains membres tels que William Seymour et Edwin Collins, ont travaillé avec Bernardo De Torres sur les opérations autres qu’ Interpen en 1963.  Les dossiers du FBI déclassifiés montrent que l’agence avait un dénonciateur au sein d’Interpen.  Son nom de code était MM T-1.

Dans un document daté du 16 juin 1961, il disait que MM T-1 avait été «relié aux activités révolutionnaires cubaines depuis trois ans».  Un document daté du 12 mai 1961 affirme qu’Allen Lushane, de Miami, «avait fait un voyage au Texas pour recruter des Américains pour une future action militaire contre le gouvernement de Cuba».


Le document ajoute que «le premier camp d’entraînement a été créé par Gerald Patrick Hemming avec Dick Watley et Ed Colby en charge du camp».  Dans une interview qu’il a donnée à John M. Newman le 6 janvier 1995, Hemming affirme que l’informateur du FBI était Steve Wilson ». Les fusils montrés par les hommes d’Interpen (comme ici à partir d’une de leurs photos, ne sont pas des Carcano, mais des Garand M1 américains.  Lui aussi à clip de cartouches.  Aucune image des versions pour tireur d’élite (M1C – M1E7) et le M1D – M1E8) sur les clichés d’Interpen.

Kennedy, lassé des anticastristes ?


Ce qui inquiétait John Kennedy à ce moment là ce n’était pas les livraisons d’armes aux mercenaires survivants de l’épisode de la Baie des Cochons mais plutôt l’attitude de leur chef incontrôlable.  Les frasques des mercenaires de Masferrer devenus ceux de Hughes commencent sérieusement à agacer Washington, qui décide en février 1961 de faire fermer la base de No Name Key (près de Big Pine Key, après Marathon, cf la carte ci-dessus), provoquant une haine féroce chez Masferrer, qui continue aussitôt ses activités en faisant comme si de rien n’était.


Il n’a pas compris à ce moment-là que l’optique sur Castro a changé, chez Kennedy :  le moment n’est plus à le tuer, mais à discuter avec lui, affirme alors le président (du moins officiellement, car en même temps, il imagine des procédés les plus fous pour s’en débarrasser quand même, en politicien retors qu’il est (2)).



Dès le 9 avril 1961, Masferrer est arrêté à Miami.  Le 11 avril, on apprend que des américains ont été arrêtés à Pine Key, et ont reçu de la part de Masferrer des « fusils de calibre 0.30 » avant d’embarquer sur un bateau de 42 pieds pour rejoindre Cuba.  Masferrer est néanmoins relâché sur parole : il ne doit plus s’approcher de 150 miles de Miami ou des côtes de Floride.

Kennedy souhaite toujours s’en prendre à Castro, malgré les apparences et les sourires; mais à condition que ce soient des hommes à lui qui s’en chargent, et non cet aventurier prétentieux de Masferrer.  Il souhaite aussi le contraire en même temps : un document fort embarrassant du 4 mars 1964 transmis à dessein à Johnson par Richard Helms prouve en tout cas que JFK avait contacté la Havane, via le ministres des affaires étrangères cubain, Raoul Roa Garcia (il l’a été de 1959 à 1976).  En ajoutant que Johnson lui-même avait été tenu à l’écart de ses contacts, dont certains effectués à New-York… toujours cette ambiguïté évidente du personnage JFK !!!

Cuba en obsession


Dans l’indispensable « Des cendres en héritage » de Weiner, on constate que les Kennedy étaient bel et bien devenus obsédés par Cuba… et par les soviétiques : « le 10 août, John McCone, Robert Kennedy et le secrétaire à la Défense Robert McNamara se réunirent dans la somptueuse salle de conférences du secrétaire d’État Dean Rusk, au sixième étage du Département d’État. Sujet : Cuba. McCone se souvenait « qu’il avait été suggéré de liquider les principaux dirigeants du régime de Castro », dont Castro et son frère Raul, le ministre de la Défense cubain qui venait tout juste de rentrer d’un voyage à Moscou où il s’était rendu pour acheter des armes.

Le directeur trouvait l’idée détestable car il pressentait un plus grand danger : il prédit que l’Union soviétique fournirait à Castro des armes nucléaires – des missiles balistiques à moyenne portée capables de frapper les États-Unis ; cette possibilité le préoccupait depuis quatre mois.  Il n’avait aucun renseignement, rien sur quoi s’appuyer sinon son instinct.  Seul McCone voyait clairement la menace.  « Si j’étais Khrouchtchev, dit-il, je disposerais des missiles offensifs sur Cuba.  Puis je taperais avec ma chaussure sur la table et je dirais aux États-Unis : “ Quel effet cela vous ferait-il de vous trouver pour une fois du mauvais côté d’un canon de fusil ? ” » Les experts déclarèrent unanimement que cela dépassait les limites du possible, nota un historien de l’Agence.

On croyait l’Agence de moins en moins capable de prédire l’attitude des Soviétiques ; depuis une décennie, ses analystes se trompaient constamment ».   La vision d’un McCone visionnaire semble plus qu’exagéré, celle d’une CIA ne sachant à quel sein se vouer est nettement plus plausible.  Elle brasse alors du vent, ce que l’expédition ratée de la Baie des Cochons prouvera par l’exemple.

Des mercenaires pincés, dont Hemming



L’année suivante Masferrer fait pourtant reparler de lui.  « Le 12 avril 1962, des agents des douanes américaines capturent douze guérilleros anti-Castro, pour la plupart des soldats américains de fortune (des mercenaires) entraînés par la CIA, dans une base d’entraînement secret appelé No Name Key, au nord de Key West, car ils sont sur le point de se lancer dans un raid sur Cuba.  Ils sont accusés de violation de la loi de neutralité.

Parmi les personnes arrêtées figure Gerry Patrick Hemming, fondateur avec Frank Sturgis de la « Brigade anticommuniste internationale ».  Ah tiens, le revoilà, celui-là !  On imagine alors le ressentiment d’un Sturgis à qui on demande depuis des années de préparer ces actions, pour se retrouver alors en prison !  Des gens qui feront fi de la décision de Kennedy de tout arrêter.  On apprendra plus tard qu’en même temps, Kennedy concoctait un autre projet (que nous verrons un peu plus loin plus en détail).  Toujours ce double langage chez les Kennedy !

Arrestations à gogo, dont celle de Masferrer


Le 15 juin 1963, affirme encore le Miami Herald, « des agents des douanes arrivent sur un terrain d’aviation abandonné au sud de Miami juste avant qu’un Beechcraft bimoteur ne charge à son bord des explosifs, du napalm et des grenades. Sam Benton et quatre Cubains ont plus tard été capturés au lac Pontchartrain et ont été brièvement détenus ».  On ne sait si l’avion intercepté était celui de Rorke, mais ça y ressemble terriblement.

L’échec de la Baie des Cochons ne les avait aucunement refroidis, tout au contraire !  En 1967, on retrouve Masferrer en train à nouveau de préparer un débarquement à Cuba, avec un incroyable stock de munitions de prêt.  Il est arrêté le 2 janvier avec 74 de ses complices.  Le 10, il sort de prison avec le versement d’une caution de 10 000 dollars… le dossier est transmis à Johnson, qui s’assied dessus avec la lourdeur qu’on lui connaît.

Dans les 13 arrêtés avec Hemming et Sturgis, en avril 1962, on note la présence de Remigio Arce, un cubain d’origine.  L’homme dira plus tard qu’il connaissait l’assassin de Kennedy ;  chose que répétera un autre exilé cubain Reinaldo Martinez Gomez, vivant lui aussi à Miami, qui tenait l’information de Herminio Diaz Garcia, un homme qui avait travaillé jadis pour Santo Trafficante.  Les deux avis arrivant aux oreilles de Robert Blakey, l’ancien chef du House Committee on Assassinations  (la cf  commission d’enquête créée par la Chambre des représentants des États-Unis en 1976) !  L’homme dénoncé en chœur était justement Herminio Diaz Garcia, qui avait assassiné auparavant pour son « boss » une bonne vingtaine de personnes ;  et essayé de tuer Batista ou le président du Costa Rica.  Un sérieux client à la candidature d’assassin de JFK !

Des meurtriers choyés et protégés pendant de longues années


Déjà, sous Eisenhower, les Etats-Unis avaient entretenu une relation fort spéciale avec les exilés politiques cubains, au point de leur pardonner leurs pires méfaits, voire de participer à les commettre, on vient de le voir.  Un homme parmi le « Grupo de Trabajo de Guías Espirituales en Exilio » s’était détaché dans le lot, un véritable psychopathe, laissé en liberté : Luis Posada Carriles, personnage d’une perversité infinie.


Lui et Orlando Bosch (ci-dessus), qui l’est aussi lui-même, a été également un activiste passablement excité, créateur et poseur de bombes à plusieurs reprises, comme lors de la tentative de bombardement par avion B-26 d’une sucrerie de de Bahia Honda, dans la province de Pinar Del Rio, revendiquée par son groupe de « l’Insurrectional Recovery Movement (MIRR) ».  Bosch à ce moment-là tentait même de menacer les cargos grecs qui viendraient se ravitailler en sucre cubain, posant des menaces internationales !


Posada et Bosch, les âmes damnées protégées


Il sera arrêté en 1965, avec 5 complices, dont deux américains et trois cubains en train de préparer un coup contre Castro.  Posada n’est guère mieux dans le genre, et il sévira davantage les années qui suivront, preuve que le décès de Kennedy n’avait rien arrêté du tout, bien au contraire.

Pour mémoire, c’est lui qui a fait sauter avec deux bombes à retardement l’avion du Vol Cubana 455, en faisant 73 morts le 6 octobre 1976.  Orlando Bosch accusé avec lui et arrêté au Venezuela sera acquitté dans le même dossier en raison « d’irrégularités techniques dans la présentation des preuves contre lui » et sera libéré après 11 années de détention provisoire !!!  Posada avait auparavant fait sauter la voiture d’Orlando Letelier, ancien ministre d’Allende, en plein Washington D.C, le 21 septembre 1976 : « le gouvernement cubain a révélé l’implication de Posada dans une série d’attentats qui ont touché plusieurs hôtels de La Havane en 1997, tuant un touriste italien et faisant onze blessés.


En 1998, Posada, ancien agent de la CIA et des services de renseignements vénézuéliens, a reconnu – dans un entretien accordé au New York Times – être responsable de ces attentats.  Le gouvernement vénézuélien a demandé son extradition afin qu’il réponde de l’attentat de 1976 contre le vol 455 de la Cubana Airlines, organisé depuis Caracas.

Deux complices de Posada ont reconnu les faits mais ce dernier continue de nier toute implication.  Les autorités vénézuéliennes avaient arrêté Posada et Orlando Bosch en 1976 pour la planification de cet attentat, mais Posada s’est évadé de sa prison vénézuélienne en 1985 et s’est réfugié au Salvador, où il a commencé à travailler pour le compte de la CIA dans le trafic d’armes.  Pour 3 000 dollars par mois, il fournissait des armes aux contras du Nicaragua ».

Posada, ou la protection à vie


« En 2000, les autorités panaméennes l’ont arrêté ainsi que trois réfugiés cubains de Miami pour tentative d’attentat dans un auditorium panaméen où Fidel Castro devait prononcer un discours.  Posada était en possession d’un sac de sport rempli d’explosif C4.

Les quatre hommes sont condamnés en 2004 et graciés la même année par la présidente panaméenne, Mireya Moscoso, proche alliée des Etats-Unis, juste avant la fin de son mandat.  Tous retournent à Miami, à l’exception de Posada.  En 2005, Posada entre clandestinement en territoire américain.  Interpellé en possession d’un faux passeport, il est incarcéré.  En avril, il demande l’asile politique tandis que le gouvernement vénézuélien demande son extradition.

Un juge de l’immigration du Texas rejette la demande de Caracas en vertu des risques de torture invoqués par Posada s’il était renvoyé au Venezuela, jamais mis en doute.  La même année, le sous-secrétaire d’Etat américain, Roger Noriega, déclare en outre que les accusations formulées par les autorités cubaines et vénézuéliennes à l’encontre de Posada “sont peut-être montées de toutes pièces”.  Et, en mai 2007, un juge de district finit par abandonner les seules charges qui avaient été retenues contre lui, à savoir l’entrée illégale sur le territoire.   “Pouvez-vous imaginer qu’Oussama Ben Laden arrive au Pakistan à dos de chameau et que les autorités de l’immigration pakistanaises disent à la Maison-Blanche qu’elles refusent de l’extrader pour meurtre parce qu’elles l’ont inculpé d’entrée illégale sur leur territoire ?” explique José Pertierra, représentant du gouvernement vénézuélien à Washington. »




On notera l’allusion fine à Ben Laden, fort bien venue ma foi.  Lorsque la voiture de Masferrer explose en 1976, personne ne se fait donc d’illusions :  c’est bien à nouveau Carriles qui a sévi. L’exécuteur des pires basses œuvres de la CIA s’est débarrassé grâce à sa méthode préférée d’un anticastriste devenu bien trop voyant et qui aurait pu en dire beaucoup sur la mort de Kennedy.

L’homme était aussi devenu un obstacle pour Mas Canosa (décédé en 1997), désireux de représenter une opposition moins belliqueuse à Castro (alors qu’il présentait lui-même les symptômes d’un dictateur potentiel).  Masferrer aurait notamment pu en dire sur le fameux Carcano qu’aurait utilisé Oswald !  Et dire combien il en avait acheté !!!




(1) « Quand il a fallu choisir un avion pour l’opération de la Baie des Cochons, à Cuba, 25 ans auparavant, c’est sur le C-46 que le choix s’était porté.  Les exilés cubains revanchards s’étaient entraînés avec la CIA en 1960 sur l’île d’Useppa, en Floride, près de Miami, ainsi qu’à Fort Gulick et Fort Clayton, au Panama.  On en a vu aussi sur la base secrète de Retalhuleu dans la Sierra Madre, au Guatemala, apportant les armes aux cubains qui avaient pris le nom de Brigade 2506. « En juillet (1960) , la C.I.A. entreprit la construction d’une piste d’aviation secrète à Retalhuleu.  Le terrain qui existait déjà ne convenait pas à l’atterrissage et à l’envol des C-46, C-54 et B-26.  Le contrat pour cette piste fut adjugé à Thomson-Cornwall, Inc, importante société de travaux publics dont les bureaux sont alors situés dans le Building Chrysler à New York.  Cette société, qui opérait déjà au Guatemala, disposait sur place du matériel lourd nécessaire. Alejos servait de façade à la C.I.A. pour toutes les transactions financières au Guatemala, et ce fut lui qui signa le contrat pour la piste d’aviation’.  Le paiement initial pour les travaux de terrassement fut de 450 000 dollars.  Avant que tout fût terminé, la piste et les installations de la base aérienne à Retalhuleu avaient déjà coûté àla C.I.A. 1 200 000 dollars » notent David Wise et Thomas Ross dans « le gouvernement secret des USA ».  L’emplacement exact choisi est celui d’une plantation de café, »La Helvetia » entre Quetzaltenango et Retalhuleu ».



« Ces exilés cubains firent le circuit Floride (à Opa-Locka – Retalhuleu) à plusieurs reprises : « Une fois achevée la construction de la piste de Retalhuleu, le pont aérien des recrues entre la Floride et le Guatemala pouvait commencer sérieusement.  Le processus ne variait pas.  Un Cubain prenait contact avec la C.I.A. par l’intermédiaire des groupements d’exilés.  S’il passait avec succès le criblage préliminaire, il était engagé, transporté de nuit dans une « maison sûre » de la C.I.A. et, de là, avec des ruses compliquées, dirigé sur le mystérieux aéroport bien gardé d’Opa-Locka, à Miami, d’où il était convoyé vers Retalhuleu.  Parfois, d’autres terrains d’aviation de Floride(comme ici encore) servaient à ces vols clandestins, et il arriva que la C.I.A. se heurtât à des policiers locaux trop zélés.  Un jour, le shérif du comté de Hendry reçut un rapport selon lequel des avions non matriculés, sans feux, venaient cueillir des groupes d’hommes, la nuit, sur un terrain d’aviation abandonné de Floride, à Clewiston, près du lac Okeechobee ».  Opa-Locka a comme étrange particularité d’avoir été bâti d’après une légende arabe : son architecture est assez surprenante comme ville !« 



« Les C-46 firent des aller-retours en 1961 entre Retalhuleu et la base de la CIA appelée JMTide (Happy Valley), située à Puerto Cabezas, au Nicaragua.  Le tout sous la direction express de Tracy Barnes, l’envoyé de Richard Bissell, l’adjoint direct de Allen W. Dulles, chef de la CIA (et pire individu qui soit).  Lors de l’assaut, les 177 paras largués à Cuba le seront grâce à un seul C-54 quadrimoteur et 5 C-46 bimoteurs. le 18 avril, c’est un C-46 qui amènera les armes à Playa Giron (la Baie des cochons), sur l’étroite bande de sable qui servait de piste aux rebelles anti-castristes.  C’est là où seront fait prisonniers les cubains exilés de la brigade 2506.  Des Marauders et des C-46 iront au tapis.  Des B-26 Invaders aussi ».

(2) des propositions farfelues seront faites par la CIA pour assassiner Castro.  Les plus étonnantes visant la vie privée du leader maximo (on a même imaginé des cigares explosifs !), grand passionné de pêche et de vie sous-marine.  Le sachant, la CIA avait songé à lui faire parvenir une tenue de plongée sous-marine empoisonnée, et même le sommet du délire avec un coquillage piégé disposé adroitement là où le chef cubain devait plonger !  Plus prosaïquement une attaque par bateau P-4 (à 2 moteurs Allison V-12) équipé d’un canon de 37 (20-mm) ou d’un lance-missile avait aussi été étudié par les anticastristes, selon Gerry Hemming :  mais c’était alors le canot de villégiature de Nixon qui en aurait fait les frais par erreur… pour mieux en accuser Castro, cette fois-là !!!  Ci dessous, l’île de Cayo Piedra  21°57’45.21″N,  81° 7’3.14″O, juste en face de Playa Giron, réservée à Fidel…  Playa Giron étant lieu de débarquement de… la Baie des Cochons !



Partie 7

Les liens entre le clan Kennedy et la mafia ne sont mystère pour personne.  Pour beaucoup en effet, l’élection de JFK a quelques milliers de voix près reste entachée de soupçons de bourrages d’urnes par des mafieux, appelés à la rescousse par le propre père de l’élu, au lourd passé de bootlegger d’origine irlandaise.  Ces mafieux jetés dehors de leurs juteux casinos cubains par « le leader maximo » ne pouvaient que s’associer avec la famille Kennedy, pour le projet commun de se débarrasser physiquement de Fidel Castro.

Mais la CIA entretenait en même temps d’autres projets, parmi lesquels le recrutement d’espions soviétiques, ou de citoyens américains susceptibles de le devenir.  C’est ainsi que Lee Harvey Oswald est apparu en scène… embarqué sur un cargo affrété par l’armée pour devenir citoyen russe… deux années seulement.

Le projet Moongose, et le recrutement de mafieux


La CIA avait pris l’habitude de recruter des assassins chez les mafieux. Des mafieux très adroits, on le sait, car habitués depuis toujours à faire chanter les gens.  Le 12 Mars 1961, William Harvey a arrangé un rendez-vous pour l’agent de la CIA, Jim O’Connell , et Sam Giancana, Santo Trafficante, Johnny Roselli et Robert Maheu (nota : c’est le confident d’Howard Hughes) à l’Hôtel Fontainebleau.

Lors de la réunion O’Connell a donné des pilules empoisonnées à 10 000 dollars pour Rosselli pour être utilisées contre Fidel Castro ».  Comme Richard D. Mahoney souligne dans son livre : « Sons and Brothers » : « Un soir, probablement le 13 mars, Rosselli a pris les pilules empoisonnées et de l’argent et les a passées à un afro-cubain aux cheveux rouges du nom de Rafael  » Macho  » Gener, au « Boom Boom Room », un emplacement que Giancana pensait « stupide ».

L’objectif de Rosselli, cependant, n’était pas seulement d’assassiner Castro, mais de mettre en place le partenaire criminel de la mafia, le gouvernement des États- Unis.  Ce faisant, il laissait derrière lui une longue trace des preuves de l’implication de façon immanquable de la CIA dans le complot contre Castro.  Cette preuve, dont le but était le chantage, se révélera cruciale dans la dissimulation par la CIA de l’assassinat de Kennedy  »

Barbouzes et mafiosis


Les mafiosis avaient bien joué leur partition préférée, en « mouillant » tant qu’ils le pouvaient les frères Kennedy, se rendant ainsi eux-mêmes intouchables (du moins l’avaient-ils crû).

Salon Mahoney, « Lansdale avait également mis œuvre dans l’Opération Mangouste, un groupe d’agents de la CIA qui avaient renversé avec succès le Président Jacobo Arbenz au Guatemala en 1954.  Cela comprenait Tracy Barnes, David Atlee Phillips, David Sanchez Morales, William Robertson et E. Howard Hunt ».  Un Howard Hunt qu’on retrouvera comme « plombier » du Watergate ! Hunt, sur son lit de mort, lâchera le morceau en donnant les noms de ceux qui l’avaient accompagné… Dealey Plaza.

Selon lui, l’assassinat avait un nom de code : « The Big Event ».  Selon lui, le tireur pourrait-être Lucien Sarti, « un assassin français apporté par la mafia » affirmera à la radio le fils de Hunt, après l’avoir entendu de la bouche de son père.

Une thèse que j’ai exposée dès 2007.  Pour mémoire, Sam Giancana, né dans le célèbre quartier de la Little Italy à Chicago, surnommé « Momo » (c’est son fantôme qui vous parle ?), « Mooney », « Sam the Cigar » ou « Sammy » était l’un des plus grands mafieux du moment.  Il avait tout de la caricature de mafieux avec son allure ramassée, ses grosses lunettes noires et son éternel petit chapeau (un Zanini qui ne voulait jamais ?).  Et l’était véritablement.  Son « association » avec la CIA était de notoriété publique au point que lui même disait que » la CIA et Cosa Nostra étaient les différents côtés d’une même pièce de monnaie « different sides of the same coin ».

Giancana, qui connaissait Jack Ruby, l’assassin d’Oswald, partageait les mêmes maîtresses que JFK, dont Judith Campbell.  Giancana aurait été en relation avec la famille Kennedy grâce à Joe Kennedy, le propre père de John, qui avait fait appel à lui pour truquer les élections !



« Double Cross » : les deux partis en savaient l’un sur l’autre et pouvaient à tout moment révéler leurs liens.  Sam Giancana était intouchable… tant qu’il n’évoquait pas la mort de JFK.  Comme par hasard, Giancana qui avait échappé à tous les autres gangs, mourut le 19 juin 1975.

Ce n’était pas n’importe quel jour.  C’était la veille de sa comparution au HSCA, la deuxième commission d’enquête sur l’assassinat de John F. Kennedy !!!  Ses assassins lui flanquèrent une balle dans la tête, par derrière, mais aussi une fois mis à terre, ils lui tirèrent six fois autour de sa bouche.  Ce qui signifiait clairement à ceux qui désireraient parler au HSCA ce qui les attendaient s’ils parlaient.  La signature de la Mafia… ou celle de la CIA parlant le langage de la mafia, pour bien se faire comprendre d’elle-même !!!

Le volet français de l’affaire

Ferrie, le mafieux de la CIA de l’histoire, comme on l’a vu, n’avait pas quitté ses activités douteuses, loin de là comme le raconte Garrisson et son étonnante découverte de liens avec la France et l’extrême droite française :  « le dispositif de Banister, comme le décrivait Martin, assurait un approvisionnement sur l’axe Dallas-Nouvelle-Orleans-Miami.

Cet approvisionnement était constitué d’armes et d’explosifs destinés à être utilisés contre Castro.  Pendant le transit de ces munitions, la dispersion était la règle.  Ainsi, quand elles arrivaient à La Nouvelle-Orléans, elles n’étaient stockées que par petites quantités à la fois dans le bureau de Banister.  Comme nous l’apprîmes plus tard de l’un des participants, un ancien employé de la C.I.A. s’appelant Gordon Novel, ce fut au cours de l’une de ces missions d’approvisionnement que David Ferrie et une poignée d’hommes du bureau de Banister se rendirent de nuit à la base aérienne de Houma, au sud de la Louisiane (ci-dessous).


Ils pénétrèrent dans l’entrepôt d’explosifs de la Société Schlumberger et raflèrent les mines, grenades et fusils-grenades qui y étaient stockés ».  La Société Schlumberger appartenait à une grande compagnie française qui, à l’aide d’explosifs et d’instruments de mesures géologiques, déterminait la nature des sols pour le compte des producteurs pétroliers.  En 1963, la même société aidera notamment à la recherche du sous-marin USS Thresher, en fournissant une électrode pour détecter le métal immergé, qui permettre de localiser le sous-marin.

Elle fournira aussi la NASA pour le programme Apollo.  « Cette société avait soutenu l’O.A.S. (en Algérie) qui avait tenté d’assassiner le général de Gaulle à la fin des années 50 et au début des années 60. La C.I.A. qui soutenait aussi l’O.A.S, avait fourni des munitions à Schumberger et, dans cette opération à Houma, n’avait donc fait que récupérer son bien.

L’expédition revint à La Nouvelle-Orléans avec un chargement qui fut équitablement réparti entre l’appartement de Ferrie et le bureau de Banister.  Il devait être ensuite transporté à Miami.  Les activités de Banister comportaient aussi la prise en charge des hommes entraînés pour la lutte anticastriste lors de leur transit par la ville.  Certains portaient des tenues de combat, d’autres étaient en civil, mais dans tous les cas ils ne passaient que par groupes réduits dans le bureau de Banister.  Beaucoup d’exilés étaient recrutés à l’Ouest et envoyés dans le Nord, au camp d’entraînement de Pontchartrain.  D’autres étaient dirigés vers la Floride pour un entraînement similaire dirigé par la C.I.A. locale…  »

Le fameux « bunker » rempli d’armes


Le « bunker » souterrain de la base radar de Houma, dans la paroisse de Terrebonne (ici à gauche en 1944), était un dépôt de munitions en fait, au milieu d’autres hangars jouxtant les antennes radar.  « Situé dans la petite ville de Houma, au fond du delta du fleuve Mississippi, et à 80 km au sud-ouest de la Nouvelle-Orléans, Schlumberger a servi de dépôt d’armes pour la CIA.

Elle permettait d’utiliser un bunker loué pour entreposer des fournitures de réserve, pour servir de cachette aux munitions, aux enveloppes de bombes et à d’autres objets militaires, dont certains étaient expédiés à l’étranger – vraisemblablement à des aires de rassemblement de la CIA au Guatemala ou ailleurs à Cuba.  Les armes étaient expédiées dans des caisses portant les marques «Schlumberger» et «machines».

D’autres armes ont été réservées aux rebelles des Antilles françaises, mais n’ont jamais été expédiées.  Une partie de l’armement aurait été utilisée dans l’invasion de la Baie des Cochons.  La tentative du gouvernement de l’invasion a bouleversé l’entreprise, qui a par la suite décidé de résilier son contrat avec la CIA ».  Pour ce qui est de ce fameux « Bunker » de Houma, en Louisiane, il faudra attendre 2011 pour qu’on retrouve sa trace, perdue semble-t-il par la FEMA.


A l’intérieur, un amoncellement de caisses pour la survie contre une agression atomique.  Un « shelter« , abri antinucléaire, si cher à Earle Cabell, Jack Chrichton et Clint Murchison.  Le visiteur précisant bien que tout ce qu’il y avait dedans était « d’après 1964 » :  une insistance certaine pour ne pas dire ce qu’il pouvait encore contenir l’année précédente.

Les caisses portant l’appellation « Furnished by Office of Civil Defense, Department of Defense »… dans l’interview, on retrouve cité le nom de Interarmco, la société de Cummings.  Le juge pugnace avait (encore une fois) eu raison :  « Garrison a allégué que le raid de Houma a été organisé par la CIA pour se procurer des armes pour les forces locales anti-Castro – en faisant de la sortie Houma davantage un simple « pick-up »  (une saisie) qu’un « raid » (HSCA avait soutenu que les armes ont été « volées – évitant ainsi la question de la participation de la CIA).  Il y a de fortes indications que Garrison avait raison.


L’avocat de la Nouvelle-Orléans, Milton E. Brener, a représenté certaines des personnes impliquées dans le raid et écrit: « il apparaît clairement que le bunker de Schlumberger Wells servait cette nuit-là de point de transfert d’explosifs avec l’assentiment de sa direction et des responsables des Etat-Unis, y compris, sans doute, l’Agence centrale de renseignement. » [Brener, L’affaire de la garnison: étude sur l’abus de pouvoir, p. 48-49].


Lorsqu’il a été contacté par téléphone, Brener a déclaré que son information sur le raid était soumise au privilège avocat-client et qu’il ne discuterait pas de ses sources ».  Le camion emportant les caisses d’armes avait ensuite filé directement chez David Ferrie (l’explication est aussi donnée dans « He Was Expandable » de  James Kelleher !

Des liens avec l’OAS !


«  On découvrira ailleurs encore que Guy Banister avait des liens directs avec l’OAS française : en 1962, Banister aurait envoyé un associé Maurice Brooks Gatlin – conseiller juridique de « Ligue anti-communiste des Caraïbes » de Banister -. à Paris, pour livrer une valise contenant 200 000 dollars pour l’OAS française « ... car entre temps le quarteron de généraux opposés à De Gaulle s’activaient aussi pour préparer un attentat présidentiel.


Il faudra attendre le 2 août pour en voir les effets, Le général s’en sortant grâce au réflexe de son chauffeur, et grâce aux reprises de sa célèbre DS… on relèvera 14 impacts sur 187 douilles tirées.

On découvrira qu’aux Etats-Unis, au Moyen-Orient (Schlumberger Overseas) et en Amérique du Sud (Schlumberger Surenco), le représentant de la firrme Schlumberger était un certain De Mohrenschildt, qui était russe d’origine mais avait trempé en affaire avec Vichy…  De Mohrenschildt était très ami avec Jean de Menil, le directeur de Schlumberger, devenu John de Menil aux USA.  Il se fera connaître à Houston comme grand protecteur des arts.

On en reparlera un peu plus loin ici-même…




Ajoutons à ce sombre tableau le trafic de cocaïne, extrêmement juteux qui permettait les achats d’armes sans avoir à apparaître dans les comptes officiels ou les rapports à fournir au Congrès.  Un trafic qui fait obligatoirement la CIA l’amie des mafieux.

En fait les armes volées sur la base de Houma appartenaient à Schlumberger mais aussi à Interarmco, société de Sam Cummings, un des plus grands brokers en armes du moment, qui avait été recruté par la CIA pour sa connaissance des armes à feu et qui était devenu en même temps le courtier en armes pour les révolutionnaires et les gouvernements, y compris ceux du Guatemala ou de Cuba.  Lui aussi aura son heure de gloire dans le numéro de mai 1966 de Popular Mechanics (voir ci-dessus avec l’article « Planning a war ? See Sam« )….

Ci-dessous les hangars de Interarmco aux temps de leur splendeur, dans le Port d’Alexandrie, en Virginie; où les cargos pouvaient directement accoster, sur le Potomac.  Washington n’étant qu’à quelques kilomètres de là !!!


Un autre candidat


L’OAS entretenant, elle, des liens étroits avec des bandits français.  Parmi les tireurs de la Dealey Plaza, un nom corse revient avec insistance, comme je l’ai déjà indiqué.. chez Banister, à la Nouvelle-Orleans, on trouvera aussi comme visiteur régulier Jean Souetre (ci-dessus, il est parfois appelé Michel Mertz), forte tête de l’armée française devenu déserteur et surtout lui aussi membre de l’OAS.

Il se faisait aussi appeler Michel Roux, un homme qui serait entré aux USA le 19 novembre 1963, et aurait été vu à Fort Worth le 22, avant de quitter les USA pour la France le 9 décembre. Il a toujours nié avoir été présent à Dallas le 22 novembre.  Selon des documents US, il aurait pourtant été arrêté à Dallas même le 25 novembre et aussitôt expulsé des USA (soit le 9 décembre, le temps de régler les problèmes administratifs).  Il était à Fort Worth le matin du 22 Novembre et à Dallas dans l’après-midi ; étrange coïncidence.


Ce matin-là, à Fort Worth, Kennedy avait son premier discours devant l’Hôtel Texas (avec juste derrière lui en imperméable Lyndon B. Johnson, en photo à droite).  A midi, il était à Dallas.  Selon son dentiste, interrogé par le FBI, il aurait pu « emprunter un avion du gouvernement » pour le faire !
Selon des sources, Souetre aurait rencontré l’agent de la CIA E. Howard Hunt dès avril 1963, et au printemps de la même année, à la Nouvelle-Orleans, des anticastristes cubains.

Un corse derrière la lunette de tir ?


Selon d’autres sources, l’un des tireurs aurait été Lucien Sarti, celui le plus souvent cité, recruté via l’intermédiaire même de Christian David, »Le beau Serge« , membre du SAC et impliqué dans l’affaire Ben Barka, à qui on avait proposé le « travail » et qui l’aurait refusé car trop… dangereux.  Sarti aurait été le « badgeman » décrit derrière la haie du tertre vert d’où aurait été tiré le coup mortel de face. L’organisateur français de l’envoi de « trois tireurs » aurait été Antoine Gerini, qui répondait alors aux demandes de la mafia américaine, celle de la famille Gambino.  (Carlo Gambino était surnommé « The Godfather ») et surtout à celle de Carlos Marcello.  Selon Michel Nicoli, ancien de la French Connection, sous les ordres de Mondolini (1), qui l’aurait appris de David alors qu’ils étaient en prison ensemble, et ça se tient en effet, les tueurs auraient d’abord été envoyés à Mexico, l’un des fiefs de la CIA en Amérique Centrale et seraient venus faire des repérages pendant une semaine, photos à l’appui, pour placer les tireurs aux meilleurs endroits, celui du tertre derrière la voie ferrée donnant sur Elm Avenue étant leur meilleur choix.


Selon Nicoli encore, il y aura eu 4 tirs au moins, deux de derrière et deux de devant, deux tirs étant simultanés pour ne produire que 3 impressions de coups de feu, ce qui a effectivement été entendu ce jour-là.  La décision aurait été prise dans un bar en Argentine.

Il se pourrait fort que ce soit celui de Ricord, (ci-dessus) car Sarti était un de ses proches.  Ricord, et son lourd passé de collaborateur de la Gestapo à la Carlingue d’Henri Lafont... on baigne bien dans un milieu d’extrême droite flirtant avec les nazillons.  Le choix des balles des tueurs « frontaux » se serait porté sur des balles « dum-dum« , en gros, qui, on le sait, se fragmentent à l’impact, laissant peu de traces, mais qui produisent des dégâts considérables dans les tissus atteints.  L’état de la tête de Kennedy à Dallas, après le coup fatal, en fait.

Un lien « familial » existait entre Oswald et la mafia de Louisiane

La famille d’Oswald avait aussi des liens avec cette fange.  « L’oncle de Lee Harvey Oswald et son père de substitution Charles Murret (il répond le 7 avril 1964, à l’Old Civil Courts Building, Royal and Conti Streets,  de la Nelle Orleans), alias « Dutz », était un bookmaker dans un des casinos de Marcello à La Nouvelle-Orléans.

Charles « Dutz » Murret, personnage mineur du jeu « underworld », a servi de père de substitution pendant toute a vie d’Oswald à la Nouvelle-Orléans.  Murret a été dans les années 1940 et 1950, et peut-être jusqu’à sa mort en 1964, un associé de la criminalité organisée affiliée à l’organisation de Marcello.  La mère d’Oswald, Marguerite Oswald, connaissait plusieurs hommes associés à des lieutenants de l’organisation Marcello (elle était la sœur de Lillian, la femme de Murret). « Une telle connaissance, qui était également un associé de Dutz Murret, auraient servi d’aide personnelle ou de chauffeur à Marcello à un moment donné.

Une autre personne liée à Dutz Murret (mort dès le 12 ocobre 1964), la personne qui a arrangé la libération sous caution pour Oswald suite à son arrestation en août 1963 pour un trouble de la rue, était un associé de deux des députés syndicaux de Marcello.  (L’un des deux, Nofio Pecora, comme on l’a noté, a également reçu un appel téléphonique de Ruby le 30 octobre 1963, selon l’analyse par ordinateur du comité des enregistrements téléphoniques de Ruby).  Toute évaluation du rôle possible de Marcello dans l’assassinat doit prendre en considération sa stature unique au sein de La Cosa Nostra.

Le FBI a déterminé dans les années 1960 que, en raison de la position de Marcello à la tête de la famille de la Mafia de la Nouvelle-Orléans (la plus ancienne des États-Unis, étant entrée dans le pays dans les années 1880), le chef du crime organisé de Louisiane avait été doté de pouvoirs spéciaux et de privilèges non accordés à d’autres membres de La Cosa Nostra.

En tant que leader de «la première famille» de la Mafia en Amérique, selon les informations du FBI, Marcello avait été le bénéficiaire du privilège extraordinaire de mener des opérations du syndicat sans avoir à demander l’approbation de la commission nationale »…  Murett était aussi proche de Sam Saia, un des leaders du crime à la New Orleans selon Spartacus.  Saia étant un ami proche de Carlos Marcello.

Inversion des actions à Cuba, ou le double jeu US


A la même époque, ou plutôt un peu auparavant, un pilote de la CIA effectuait déjà des voyages réguliers vers les « Keys » de Floride, des îles servant de relais vers Cuba.  Le but est alors de fournir des armes aux opposants de Batista…. parmi lesquels figure Fidel Castro, car l’homme a bel et bien au départ été armé par les américains !!!

Même si Tosh Plumlee présente souvent des récits discutables, il semble bien qu’il ait effectivement été embringué dans des actions peu recommandables décrites elles aussi par d’autres.  Parmi celles-ci, un soutien évident aux débuts de Castro comme opposant à Batista, dont les Etats-Unis avaient décidé de se débarrasser, quel que soit le remplaçant, semble-t-il, avant tout.  L’arrivée de Kennedy qui se présente comme voulant s’attaquer à la mafia, en nouveau « Mr Propre » de l’île (alors que celle-ci l’a élu !!) a très certainement provoqué un clash :  « le jeu et la prostitution, contrôlés par les gangs nord-américains et notamment la Mafia (grâce aux relations entre Batista avec les parrains mafieux Meyer Lansky et Lucky Luciano), se développent.

Les casinos et hôtels de luxe fleurissent notamment à La Havane qui devient ainsi le principal centre de blanchiment d’argent du trafic de drogue de la Cosa nostra américaine, et fournissant ainsi des recettes considérables au régime.  La capitale cubaine accueille même en décembre 1946 une conférence au sommet des principaux chefs mafieux nord-américains«  note Wikipedia.


On ne sait alors si c’est une volonté réelle de « faire propre » ou un combat engagé par les frères Kennedy contre la mafia pour une question de pouvoir pur, ou celle de la gestion de l’abondant trafic de cocaïne colombienne transitant par Cuba ou les « keys » de Floride. Toute l’ambiguïté du pouvoir dans la région est là.  Castro n’avait alors pas encore fait en tout cas allégeance à Moscou, rappelons-le.  « William Robert « Tosh » Plumlee était un pilote de contrat de la CIA.  Il a travaillé là où l’agence l’a envoyé.


Cela signifiait qu’il dirigeait des fusils contre Fidel Castro dans les années 1950, puis, quand Castro a renversé Fulgencio Batista, Plumlee a dirigé des fusils contre les opposants de Castro. … [Plumlee]: «J’ai commencé à voler pour une série de compagnies:  Southwest Aero Charter, Intermountain Aviation, Riddle Aviation à Miami et quelques autres (ce sont les noms des sociétés paravents de la CIA, Intermountain étant lié au centre très actif de la CIA de Marana – l’épave la plus connue des « Pays » étant très certainement un C-46 d’Interlountain, avec celles des DC-3 !).


Des avions de la CIA impliqués on le sait dans le trafic de cocaïne de Carlos Lehder et le cartel de Medellin. »  Plumlee ne découvrira que plus tard que ses employeurs ont été financés, sinon complètement, par la CIA (ça, ça semble douteux en effet…).

« Sa première affectation majeure:  fournir des fusils des Florida Keys à Fidel Castro et un groupe d’étudiants à l’Université de La Havane connu comme le Mouvement du 26 Juillet, ou M26-7.  Le groupe a été soutenu par la CIA dans son effort pour renverser le dictateur cubain Fulgencio Batista.  «J’ai fait effectivement des raids à Cuba», dit Plumlee.  «La CIA l’a financé et lui a envoyé des fusils et du matériel, et je faisais voler ces armes à l’intérieur et à l’extérieur de Cuba.  Lors d’un tel raid, dans les montagnes du nord de Cuba, près de Santa Clara, l’avion DC-3 de Plumlee a perdu un moteur.  «Nous ne pouvions pas sortir de là», dit-il.

« Nous avons largué des armes là-bas sur un site qui avait été sécurisé, et nous avons atterri mais nous n’allant plus avoir assez de puissance pour sortir, nous avons abandonné l’avion et ils nous ont emmenés au complexe de Raul Castro.  J’ai pris un café avec Fidel Castro dans les montagnes, Fidel Castro m’a donné un chapeau de soldat, je le croyais démocratique et patriotique et encore aujourd’hui je crois que nous l’avons conduit dans cet accord communiste.


L’un des partenaires de Plumlee dans l’apport d’armes à feu à Castro et à ses cohortes était un homme que nous appellerons « Carlos », un membre du M26-7 dont la sœur, avec plusieurs autres, avait été abattu par les agents de Batista dans un raid sur une maison protégée de La Havane.

Après avoir convaincu qu’un agent de Batista déguisé en révolutionnaire avait aidé à l’attaque, Carlos avait passé deux ans à établir l’identité de la taupe, puis l’avait attiré sur un vol en provenance de Florida’s Marathon Key à Cuba (le Musée de Marathon conserve un très beau Beech 18 de l’époque, visible ici à gauche).  Plumlee copilotait l’avion. « Quelque part entre Cat Cay, au sud-est des Keys, et la côte cubaine, la lumière de la porte est devenue rouge dans le cockpit, ce qui signifie que la porte de chargement avait été déverrouillée », dit Plumlee.  Il est allé vers  la zone de cargaison pour enquêter.

L’agent soupçonné de soutenir Batista avait disparu, et Carlos avait refermé la porte de la cargaison.  « Mon copilote m’a dit de revenir dans mon siège », dit-il. – « Il m’a dit que c’était une affaire cubaine ».  En 1961, deux ans après que Castro eut pris le pouvoir sur Cuba, Plumlee a travaillé pour fournir des fusils contre les opposants de droite de Castro.  Il a dit qu’il était attaché à la station de Miami de la CIA dans un projet connu sous le nom de JMWAVE, le nom de code de l’agence pour les opérations anti-Castro.


Avec « JMWAVE, c’était la première fois que je savais que j’étais la CIA », dit Plumlee.  Il est devenu ami avec divers membres de l’Alpha 66, un groupe d’extrémistes anti-Castro recrutés par la CIA pour mener des attaques terroristes à l’intérieur de Cuba.  Un de ces opérants était Frank Sturgis (nota : de son vrai nom Frank Fiorini, Sturgis étant emprunté au nom de famille de son beau-père Ralph Sturgis), qui plus tard est devenu un cambrioleur du Watergate (3).

«Sturgis et moi avons fait des vols à Cuba ensemble», dit Plumlee. «C’était un bon ami à Cuba pendant les jours de Cuba.  Nous avons déposé quelques tracts sur Cuba ensemble et avons fait un raid aérien sur Santa Clara …»  La référence de Santa Clara pourrait aider à réduire cet événement.  Guevara est entré à Santa Clara le 28 décembre 1958″..  Le Che sera abattu quelque temps après (le  9 octobre 1967- en Bolivie par des gens armés par la CIA… (2).

Le 30 juillet 1958, Sturgis avait été arrêté pour possession illégale d’armes mais avait été vite relâché… sans être inculpé : le lot des informateurs, ou des membres de la CIA et de leur protection en haut lieu.

Une flotte d’invasion financée par Howard Hughes !

La CIA s’était aussi trouvé un trésorier payeur invisible et anticommuniste en la personne d’Howard Hughes, sorte de mécène de l’anticastrisme, comme j’ai pu l’expliquer ici : « la force aérienne hétéroclite amassée par les anticastristes, largement payée par Hughes sera composée de 16 bombardiers B-26, de 6 C-46, et de 8 C-54 de transport, et de deux hydravions Catalina avec à bors des canons de 76 mm.  La CIA les avait achetés par l’intermédiaire de l’entreprise Intermountain Aviation.  A Marana, Intermountain, en plein désert, en possédait 4, de Catalinas (des hydravions en plein désert ?), et on pouvait y voir également des B-26 et des C-46 voire des Convair 880 (ici ce sont des DC-8).

Une société installée dans un endroit dont j’ai évoqué ici le rôle trouble, et dont le « catalogue » d’avions était assez sidérant.  L’entraînement des pilotes de B-26 ayant lieu à Opa-Locka, près de Miami, celui des C-46 à Retalhuleu, au Guatemala.  D’autres entreprises participèrent à l’Opération Zapata, nom de code de l’Opération contre Cuba, telle la Civil Air Transport (CAT), une compagnie fondée au départ par Claire Chennault (l’homme des tigres volants, précurseurs des mercenaires actuels) vice général depuis 1946, et renommée alors Holding Corporation, qui comprenait de nouvelles compagnies comme Southern Air Transport (SAT (4)), et deux plus petites telles qu’Air America et Air Asia, toutes deux installées aussi… à Marana (5).

Toutes créées par George Doole« .  Les hommes seront eux entraînés au sol à Fort Sherman, au Panama, à la « Jungle Expert School », comme on le découvrira bien plus tard avec le mémorandum de la Branche Task Force du 9 mars 1960 signé par le colonel King.  Bref, c’était bien une invasion complète qui était préparée avec tous ces moyens réunis, à partir d’appareils bien connus (les USA ayant utilisé intensivement le B-26 pendant la guerre de Corée).

La baie des Cochons a failli être connue avant qu’elle ne se produise


L’opération de la baie des cochons avait-elle était éventée ?  Non, mais elle avait bien failli l’être avec cet étonnant récif tardif (il date de 2015 !!!) qui évoque lui aussi une rivalité évidente entre le FBI et la CIA.

Le du 26 août 1960, un jeune garçon d’Homestead, près de Miami (là où il y a une base de l’US Air Force que visitera Kennedy en 1962, voit ici les deux clichés en attestant) John Keogh, âgé alors de 16 ans, un peu désœuvré, se retrouve à rôder près d’une palissade entourant un « camp pour travailleurs agricoles migrants ».

Désireux de s’amuser, il décide de balancer quelques pétards… pour vite mettre ses jambes à son coup.  Ce qu’il a vu derrière le grillage est en effet un amoncellement d’armes; dont des mitrailleuses de calibre .30 est disposé au milieu du terrain.  Le jeune essuie aussi des tirs, dont un qui le laisse aveugle (il retrouvera  heureusement la vue plus tard).

La police appelée sur place arrête rapidement les hommes présents dans le camp qui leur disent qu’ils sont « membres d’une armée contre-révolutionnaire cubaine se préparant à renverser Castro« .  15 d’entre eux sont quand même arrêtés dont deux qui sont accusés de tentative de meurtre.  Mais le lendemain tous sont libérés, ce qui arrive aux oreilles du journaliste Kraslow, du Herald à Washington (et plus tard du Miami News).


 « Je me souviens de l’appel de Miami », a déclaré Kraslow la semaine dernière.  «Ils m’ont raconté cette étrange histoire sur les Cubains et les mitrailleuses de Homestead et m’ont demandé si je pouvais vérifier auprès du Département d’Etat pour voir ce qui se passait.  Mais Kraslow a trouvé ses contacts au ministère de la Justice plus fructueux.  Ils lui racontèrent une fureur brutale entre le légendaire directeur du FBI J. Edgar Hoover et la CIA.

La CIA voulait former une armée d’exilés cubains pour renverser Castro;  Le FBI a été chargé d’appliquer la loi fédérale sur la neutralité qui rend illégal l’organisation d’une expédition militaire contre un autre pays en provenance des États-Unis.  «Hoover, à juste titre, je crois, croyait que cette situation compromettait le FBI», se souvient Kraslow.


« Mais la CIA ne donnerait pas de terrain.  Et j’ai pensé, oh, s —, tout cela se passe juste sous nos nez à Miami.  À la fin de septembre, après des semaines de rapports et de vérifications croisées, Kraslow a eu une histoire à succès.  « Il s’agissait d’environ 1 500 mots et il a dit que la CIA recrutait secrètement des exilés cubains et leur formait une opération militaire majeure contre Castro », se souvient-il.  « Il n’a pas dit qu’il s’agissait d’une énorme invasion d’assaut frontal – je ne pense pas qu’ils avaient même décidé cela encore ».

Mais, effrayés parce ce qu’ils avaient appris, deux responsables, le propriétaire, John S. Knight, l’éditeur en chef George Beebe et l’éditeur exécutif Lee Hills demandèrent à Kraslow de ne rien faire paraître…


Kraslow avait auparavant eu Dulles au téléphone, il est vrai qui lui avait dit « si vous publiez cet article, vous allez endommager la sécurité nationale ».  Selon Kraslow, c’est à partir de cette révélation que les exilés étaient ensuite partis au Guatemala… sur la base même de Homestead, on dénombrait 1 400 hommes, ceux de la fameuse Brigade 2506 !!!

Un autre président était dans la ligne de mire de Kennedy !


Castro était devenu l’obsession des frères Kennedy (pour s’être trompé sur lui au départ ?).  Mais il ne fut pas le seul.  On l’a appris aussi fort tardivement (le 8 janvier 2014 !), mais un autre président était dans la ligne de mire de JFK :  le président du Brésil, une idée à ce jour jamais révélée.  Un an avant le coup d’État qui a renversé Joao Goulart au Brésil, John F. Kennedy avait envisagé la possibilité d’une intervention militaire au Brésil, un an avant le coup d’Etat qui renversera Joao Goulart, alias « Jango » et mettra en place une terrible dictature qui durera 21 ans dans ce pays.

Dans « Des cendres en héritage », toujours aussi fondamental, on peut lire cet étonnant témoignage : « Le 30 juillet 1962, John F. Kennedy entra dans le Bureau ovale et brancha le système d’écoute dernier cri qu’il avait fait installer pendant le week-end.  La toute première conversation qu’il enregistra concernait un plan pour renverser le gouvernement du Brésil et évincer son président, Joao Goulart.  Kennedy et son ambassadeur au Brésil, Lincoln Gordon, envisageaient de dépenser 8 millions de dollars pour faire pencher la balance lors des prochaines élections et pour préparer le terrain en vue d’un coup d’État militaire contre Goulart – « pour le pousser dehors si besoin en était », dit l’ambassadeur Gordon au Président.  L’antenne de la CIA au Brésil « ferait discrètement comprendre que nous ne sommes pas nécessairement hostiles à toute sorte d’action militaire, s’il est clair que la raison en est… — de faire échec à la gauche », précisa le Président.

Il ne laisserait pas le Brésil ni aucune autre nation de l’hémisphère occidental devenir un second Cuba.  L’argent commença à couler à flots de la CIA vers la vie politique du Brésil.  Le retour sur investissement se ferait en moins de deux ans.  Les cassettes de la Maison Blanche, transcrites en 2001, enregistraient le feu roulant des plans d’action clandestine qui prenaient naissance dans le Bureau ovale ».  Des cassettes qui en disent beaucoup en effet :  « Un enregistrement audio de l’ancien président américain a été publié sur le site internet Archives de la Dictature, du journaliste Elio Gaspari, qui est parvenu à rassembler une importante collection de documents portant sur la gauche passant en revue des militaires, (l’instauration du régime militaire en 1964).


Au cours d’une réunion à la Maison Blanche, le 7 octobre 1963, soit 46 jours avant son assassinat, M. Kennedy a demandé à son ambassadeur à Brasilia Lincoln Gordon : « Voyez-vous une situation proche dans laquelle nous pourrions intervenir militairement ?« , d’après la transcription publiée sur cette page web.  Il y a une « éventualité dangereuse qui requiert sans doute une action rapide », répond brièvement le diplomate.

Dans la même discussion, M. Gordon avait toutefois auparavant déclaré que la Maison Blanche devait attendre des actions plus claires témoignant d’un virage vers le modèle cubain de Fidel Castro pour justifier une intervention au Brésil.  « Une telle opération n’a pas été nécessaire, les militaires brésiliens favorables à Washington ayant pris le pouvoir en avril 1964 et renversé M. Goulart ». 


« Les Etats-Unis se sont empressés de reconnaître le gouvernement militaire qui restera en place jusqu’en 1985 (ci-dessus).  Le document audio fait partie d’un ensemble d’enregistrements clandestins réalisés à partir de 1962 par M. Kennedy lui-même au cours de toutes ses réunions » nous a appris la Libre Belgique, repris aussi ici par 7 sur 7.  Etonnante découverte !  Une fois la dictature militaire ayant pris le pouvoir, il n’avait plus été question d’intervention US, bien sûr.  « Dans la même discussion, M. Gordon avait toutefois auparavant déclaré que la Maison Blanche devait attendre des actions plus claires témoignant d’un virage vers le modèle cubain de Fidel Castro pour justifier une intervention au Brésil.  Une telle opération n’a pas été nécessaire, les militaires brésiliens favorables à Washington ayant pris le pouvoir en avril 1964 et renversé M. Goulart.  Les Etats-Unis se sont empressés de reconnaître le gouvernement militaire qui restera en place jusqu’en 1985″ note 7 su 7.


L’ambassadeur américain Lincoln Gordon admettra par la suite le « soutien financier de Washington aux opposants de Goulart lors des élections municipales de 1962 ; la présence de nombreux officiers du renseignement au Brésil ; l’encouragement aux putschistes » et le fait que « la seule main étrangère impliquée fut celle de Washington » note Wikipedia sur la question, sans préciser ce que signifiait « l’encouragement aux putschistes »... mais force est de constater que « le maréchal Castelo Branco le chef de la junte, et son éminence grise le général Golbery do Couto e  Silva sont des alliés inconditionnels de Washington.  Ils ont combattu avec l’armée américaine pendant la campagne d’Italie lors de la Seconde Guerre mondiale.

Castelo Branco y a rencontré le général Vernon Walters,  futur sous-directeur de la CIA, qui joua un rôle clé lors du putsch de 1964 ajoute le même ouvrage en ligne« .


Branco créera ensuite le Centre d’instruction de la guerre dans la jungle (CIGS) à Manaus, où l’on retrouvera l’infâme Paul Aussaresses (décédé le 3 décembre 2013), qui avait formé déjà les gens de la CIA et de Fort Bragg.

Un Aussaresses qui créera ce que Marie-Monique Robin a appelé si justement, hélas, « l’école française« , des escadrons de la morts brésiliens, argentins et chiliens, celle de la torture dont les sbires des geôles étrangères de G.W. Bush s’inspireront beaucoup.  Celles que Trump voudrait ré-employer !!! Comme quoi l’histoire nous apprend plein de choses saisissantes !


Pour préciser le cas de Castello Blanco, une version complotiste de sa disparition est aussi possible, sinon même probable. Effectivement, à lire ce qui lui est arrivé et qui est plutôt surprenant près de Fortaleza : « selon la version officielle des événements, le Castello Branco Maréchal est mort dans un accident d’avion dans un avion du gouvernement de l’État de Ceará, dans un Aztec Piper (photo ci-dessus) enregistré PP-ETT le 18 Juillet 1967.


L’avion qui conduisait l’ancien président (un Piper Aztec) a été touché à la queue par l’aile d’un combattant de l’Armée de l’Air brésilienne, un Lockheed TF-33 (TF-33 – FAB 4325), perdant sa dérive.  Après son entrée en vrille à plat, l’avion a percuté le sol et toutes les personnes à bord ont été tuées, à l’exception du co-pilote ».  « Le jet a perdu le bout du réservoir d’aile, qui était curieusement vide, mais a réussi à revenir en toute sécurité à leur base ».  Un réservoir vide qui n’aurait pas explosé lors de la « rencontre » inopinée.

Castello Branco venait juste de quitter la présidence seulement trois mois avant, en passant le pouvoir au maréchal Arthur Costa e Silva, le représentant de la « ligne dure » de l’armée.  Celui-ci aurait-il été tenté de s’en débarrasser ?

Goulart restera donc une énigme

Goulart a été chassé du pouvoir par le coup d’État d’avril 1964, et 12 ans après en exil, il est mort dans un ranch situé dans la Pampa argentine.  La presse brésilienne, muselée, ne fut  même pas mise au courant de son décès.

Le pouvoir du moment d’Ernesto Geisel interdira en effet « la divulgation de commentaires sur la vie et l’activité politique » de l’ancien président ».  Mais Goulart n’en a pas encore fini avec l’information le concernant :   selon Wikipedia, « Le 27 janvier 2008, la Folha de S. Paulo publie un reportage où un ancien agent des renseignements uruguayen, Mario Neira Barreiro, déclare que Goulart aurait été empoisonné par Sérgio Fleury, membre du Departamento de Ordem Política et Social, sous les ordres du président brésilien d’alors » (Ernesto Geisel). En mai 2013, la Comissão Nacional da Verdade décide qu’on peut exhumer le corps de Goulart pour des enquêtes post-mortem.

L’exhumation, réalisée le 7 novembre 2013, a duré 18 heures ».  Ses conclusions rendues publiques le 2 décembre 2014 seront négatives.  Mais le rapport indiquera que « certaines substances disparaissent avec le temps ».



(1) sur Mondolini : « fin 1952, Paul Mondoloni est envoyé au Mexique avec Jean-Baptiste Croce par son mentor Ansan Bistoni, dit l’Aga Khan (comme l’Ismaélien).  Là, ils doivent rejoindre Antoine D’Agostino, ancien collabo, pour l’aider à monter une nouvelle filière pour le trafic d’héroïne. D’Agostino a en effet du mal à envoyer de la poudre vers les États-Unis depuis l’arrestation de ses deux principaux associés, Joseph Orsini et François Spirito.  Il apprend aux deux nouveaux venus dans le monde de la drogue les rouages du trafic.  Mais les inséparables Croce et Mondoloni vont d’abord manquer de chance :  lors de leur première transaction, début 1953, ils sont arrêtés au Texas avec la marchandise. Après avoir passé quelques mois en prison, ils sont extradés vers le Mexique où ils reprennent leurs activités.  Et leur apport à la filière mexicaine a effectivement était par la suite d’une grande utilité.  Du moins jusqu’en 1955, date à laquelle D’Agostino est arrêté.  Croce et Mondoloni, après avoir prit des contacts en Italie et en France, partent alors pour le Canada.  À Montréal, ils se rapprochent des pontes locaux, Lucien Rivard et les frères Cotroni, et vont s’associer avec eux dans le trafic d’héroïne.  Une nouvelle filière est alors montée.  Y prennent part Ansan Bistoni et son ami Gabriel Graziani, Dominique Nicoli, fournisseur d’héroïne et oncle de Mondoloni, Dominique Albertini, chimiste surdoué, et les frères Venturi, dont l’un, Jean, a été rencontré par Croce et Mondoloni au Canada.  Le réseau utilise des voitures bourrées de poudre. Embarquées à Barcelone, elles sont ensuite envoyées à Montréal ou Véra Cruz d’où elles partent pour New-York.  Cette filière permet à l’équipe de faire rentrer environ trente kilos d’héroïne aux États-Unis chaque mois.  À ce moment, Croce et Mondoloni sont des trafiquants aguerris et sont devenus des piliers de la French Connection avec leur ami Bistoni.  En 1956, ils partent s’installer à Cuba où ils prennent des parts dans plusieurs boîtes de nuit et touchent des commissions sur les machines à sous de la Havane.  Les derniers contacts avec la mafia sicilo-américaine qu’ils leur manquaient sont pris sur place et permettent de grossir les filières déjà existantes ou d’en créer de nouvelles.  Néanmoins, en novembre 1956, Paul Mondoloni est arrêté et extradé vers la France, malgré toutes les précautions qu’il prenait pour ne pas être pris, notamment les réguliers changements d’identités.  Il y est jugé en mai 1957 pour l’affaire de la Bégum et n’écope que de deux ans de prison, et ressort dès juillet 1957 pour ensuite s’installer au Mexique.  Par la suite, il ne cesse de voyager pour organiser le trafic : en France, en Espagne, à Cuba, en Amérique du Sud…  Il semble aussi qu’il ait mit sur pied une filière passant par l’Italie en association avec des parrains siciliens, bâptisée du nom de « Pizza-Connection ».  Paul Mondoloni est ainsi devenu l’un des piliers de la French Connection, même si son ami Croce aura prit un poids plus important que lui.  À la différence près que Mondoloni, lui, ne se fera jamais pincer pour la came, alors que Croce écopera de dix-huit ans de prison en 1973″.

On peut relire ceci : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-cadavres-dans-le-placard-de-169483



(2) « Des documents comportant des informations contradictoires, provenant du National City Council et de la CIA, montrent bien, selon l’article, que cette dernière n’a pas toujours communiqué toutes ses informations au National City Council.   Elle s’était en fait engagée dans des actions illégales sans en informer le National City Council, depuis 1948, afin que le président puisse nier une quelconque responsabilité dans la mort du Che de façon crédible, selon l’article.  Les raisons pour lesquelles les Etats-Unis se sont dédouanés de cette exécution sont claires selon l’article. Tout d’abord, l’exécution d’un combattant capturé quel qu’il soit est un crime d’Etat s’il n’a pas été jugé au préalable et, ensuite, une telle responsabilité aurait rendu difficiles les relations des Etats-Unis avec l’Amérique latine.  Cette nouvelle thèse contredit donc  celle jusqu’à présent acceptée –quoique polémique–, selon laquelle, le Che aurait été capturé et tué sommairement par l’armée bolivienne, entraînée et guidée par la CIA ».




(3) dans le livre « The Road to Dallas » de David E Kaiser, on peut lire ceci : « en Septembre 1958 Sturgis- un exagérateur chronique (cf un affabulateur) et un auto-promoteur- a dit au FBI de Miami qu’il s’était une fois rendu à Cuba pour offrir Castro 100 000 dollars pour la libération de certains Américains enlevés au nom du vice-président Richard Nixon en personne, pour lequel Sturgis deviendra un « plombier » dans le Watergate, treize années plus tard.  En attendant, il a dit à un informateur qu’il était à la recherche de collecteurs qui pourraient fournir des armes pour Castro.



Sans se laisser décourager par l’intérêt qu’avait pour lui le FBI. Sturgis est allé faire un long voyage en novembre qui l’avait occupé, lui et Pedro Diaz Lanz, et d’autres encore en Californie.  En Arizona (où il a ramassé un avion cargo C-46), et le Venezuela (on songe bien sûr aux C-46 d’Intermountain à Marana !).  Ils ont été arrêtés au Mexique, auprès d’une énorme cache d’armes.  Sturgis et Diaz Lanz réussi à entrer en contact avec la CIA, alors qu’à l’époque elle ne s’intéressait pas à lui.  Apparemment, elle n’a montré aucun intérêt envers Sturgis, et les hommes ont été libérés sur environ dix jours, au début de 1959, après que Castro ait pris le relais.  Sturgis a prétendu avoir été son chef acheteur d’armes à Miami ».  La CIA a gardé un nombre de « câbles » conséquent de ces aventures douteuses, visibles ici.  Un des télex évoque effectivement l’achat d’un C-46, le 7 décembre 1958,  par un dénommé Frank Fiorini, alias Sturgis.



(4) William Kelly explique ici sur ce site : « Faites-moi voler, je m’appelle « Spooky » c’était le que le titre d’un article du Wall Street Journal au début de 1973.  En lisant l’article, cela m’a donné mon premier indice sur Southern Air Transport, propriété de mon père, FC’ Doc ‘Moor, qui était devenu à l’actif de la Central Intelligence Agency.  L’article a fait remarquer qu’en 1960, Percival Flack Brundage, Directeur du Bureau du budget sous le président Eisenhower, et Perkins McGuire, secrétaire adjoint à la Défense sous M. Eisenhower, ont payé à mon père  260.000 dollars et Stanley Williams 40,000 pour investir dans Southern Air transport.  Après cet achat fait, SAT a reçu des contrats du gouvernement ou des opérations entre les îles de l’Islande ou du Japon, des Philippines et de Taiwan.  Les concurrents opposés ont fait savoir que SAT n’avait pas d’expérience d’exploitation dans ces parties du monde et aucun équipement actuel à effectuer sur les contrats.  L’un d’eux a dit que SAT étant « détenue ou contrôlée par la Central Intelligence Agency, aucune objection ne serait entendue. »



(5) selon une autre source, voici l’historique de SAT, dont les chiffres sont assez similaires : « sous l’administration Eisenhower, le directeur de la CIA Allan Dulles a élaboré un plan pour créer une opposition cubaine unifiée, nom de code « Opération Pluton ».  Ce plan prévoyait une force paramilitaire à l’extérieur de Cuba, avec un soutien logistique pour les opérations militaires secrètes à Cuba contre le gouvernement communiste de Fidel Castro.  Un élément essentiel dans le programme Pluton serait la puissance aérienne.  A défaut, une compagnie de fret aérien basée à Miami  avec une propriété de quatre acres, un C-46, et un autre aéronef loué était alors en vente. Dulles acquis cette compagnie, connue sous le nom de Southern Air Transport en août 1960, pour 307,506.10 dollars exactement, créant ainsi une nouvelle société propriétaire de la CIA.  SAT a rapidement augmenté au début des années 1960 avec des opérations en Atlantique et dans le Pacifique, avec une flotte d’avions et des contrats gouvernementaux (à gauche le 747 de SAT qui a servi à expérimenter des parachutages via sa rampe arrière).  La CIA a placé ses hommes du moment et ses anciens des services de renseignement sur le conseil d’administration et à la gestion.  Il y avait un comité exécutif des spécialités Opérations aériennes établies par la DCI, le 5 février 1963, pour superviser les parties des opérations secrètes.  En 1973, le directeur de la CIA, Colby, a ordonné que  Southern Air Transport soit liquidée, et elle a été vendue à Stanley G. Williams, qui, avait été un temps le gestionnaire pour SAT.  Bien que la propriété ait changé, le même travail  pour la CIA a continué (cela mènera on le sait à la Mena).  En 1978, SAT fonctionne pour la Force aérienne iranienne.  Avec la chute du Shah d’Iran et les pertes induites, Williams a vendu SAT à James H. Bastian, un avocat qui avait été conseiller juridique de la SAT au cours de ses années de la CIA.



Malgré les pertes financières, l’entreprise n’a jamais mis la clé sous la porte.   Lentement, elle a retrouvé la capacité de profit avec un chiffre d’affaires de près de 10 millions de dollars en 1982.  En provenance de deux autres compagnies propriétaires de la CIA, William G. Langton a été embauché comme président de SAT. Expérimenté dans le secteur du fret aérien, Langton venait d’Evergreen et de Flying Tigers international comme compagnies aériennes.  En 1985, les revenus de SAT étaient près de 39 millions de dollars, dont 60 pour cent provenaient du Military Airlift Command, du Pentagone ».  Ici un « trailer » ventant les mérites de Southern Air, qui commence avec le seul C-46 alors détenu.

Sur Southern Airways, on peut lire ceci :

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-xxxi-cocaine-airways-91579

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-xxxiv-le-souvenir-de-91590


http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-xxxii-a-marana-les-91580

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-x-cia-cocaine-import-88730

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-xi-la-mena-et-apres-89606


le film d’HBO sur Barry Seal de 1991, « Doublecrossed », avec Dennis Hopper




Partie 8

Longtemps, on a cherché à distinguer le vrai du faux au sujet d’Oswald, resté un personnage fort mystérieux.  Mais progressivement, des enquêtes diverses ont fini par apporter des éléments.  La première est celle relatant son voyage express en URSS. Ce voyage a bien eu lieu, son séjour également, comme l’a été son mariage avec une russe que l’on a soupçonné d’avoir été téléguidée par le KGB.

Essayons d’abord d’éclaircir un peu les circonstances de son départ… comme de son retour.  Pour ce qui est de ses activités à Minsk, vous attendrez un petit peu, car elles feront l’objet d’un autre épisode, puisqu’on vient tout juste d’en découvrir de belles à ce propos…  Mais commençons plutôt par une croisière sur un cargo bien particulier, si vous le voulez bien.

Le cargo à cabine de passagers emprunté par Oswald était déjà un sérieux indice !


Oswald déjà approché jeune par Ferrie, cela l’aurait logiquement conduit en 1957 a devenir lui-même un agent de la CIA alors qu’il faisait son service militaire au Japon, au « Joint Tactical Advisory Group », d’Atsugi (d’où décollaient les U-2).

Engagé comme son frère (Robert Oswald (1)), il avait auparavant beaucoup prôné des idées communistes, ce qui aurait déjà dû l’exclure du recrutement des Marines, où son physique plutôt fluet était un désavantage.

Lee Harvey Oswald est très vite un mystère à lui tout seul, car il a bénéficié de passe-droits évidents.  Taciturne et discret, il pouvait en effet devenir un très bon agent dormant, avec son goût affiché pour l’URSS, qu’il affichait sans vergogne et même déjà de façon un peu trop voyante alors qu’il est engagé comme Marine.

Revenu à sa base d’El Toro, il avait bénéficié de cours accélérés de russe, avait découvert Jim Garrison : ça ne lui était d’aucun intérêt militaire véritable, ne travaillant pas sur une base de décryptage.  L’année suivante, Oswald quittait en effet bizarrement l’armée en prétextant d’avoir à s’occuper de sa mère malade et se rend aussitôt en URSS… via le Havre et l’Angleterre (puis la Norvège – en avion- à Helsinki avant d’arriver par Moscou par le train), sur le fort discret cargo à cabine unique de passagers, le « Marion Lykes » (ils ne sont que quatre à bord comme passagers et la compagnie florissante présente alors 54 navires, l’un des premiers ayant commence en 1895 par desservir… Cuba).


Mais il y a un autre indice important sur le choix de la compagnie. Elle n’est pas anodine du tout, à bien y regarder.  L’étude attentive du registre de la société Lykes indique en effet une chose importante passée jusqu’ici inaperçue : deux navires ont porté le nom de Marion Lykes. 

Construits tous les deux en 1944…  or ils ont tous les deux été versés en 1961 et 1962 au « Marad Reserve »… qui n’est autre que la Maritime Administration’s (MARAD) National Defense Reserve Fleet (NDRF)… autrement dit des cargos servant à déployer rapidement les forces américaines à l’étranger !!!

Oswald était parti en URSS via un navire qui sera lié deux ans après à peine directement à l’armée américaine !!!  Et ça, personne à ce jour ne l’avait noté !  21 navires de Marion Lines seront enrôlés par le MARAD c’est pourtant apparent dans le rapport du FBI, visible ci-dessous, qui indique donc qu’Oswald était déjà connu et suivi à cette époque) !


Un étrange trajet pour se rendre en URSS


Il a beau exprimer depuis longtemps des idées communistes, la démarche a de quoi surprendre, comme a de quoi surprendre la réaction des autorités américaines qui le laissent émigrer ainsi, sans qu’il n’ait de point de chute annoncé ni de travail prévu sur place.  A son départ il remplit devant l’employé de Travel Consultants Inc., à la Nouvelle-Orleans, un« Passenger Immigration Questionnaire » sur lequel il se déclare « shipping export agent » ce qui est bien entendu faux (et montre plutôt une connivence évidente avec la Marion Lines et une bien grande mansuétude du FBI, fort suspicieux à ce sujet, habituellement) !

Autre incongruité du voyage : on ne retrouvera aucun vol régulier en date du 10 octobre 1959, date de son arrivée à l’hôtel à Helsinki :  quel avion avait-il pu prendre entre l’Angleterre et la Finlande, on ne sait (certains suggèrent carrément un vol de l’armée US!). 

Le voici arrivé en bateau à Londres, finalement : « à partir de ce moment, les mouvements de Lee Oswald font l’objet de controverse depuis plus de 30 ans.  Le passeport de l’assassin présumé contient un cachet attestant le 10 octobre 1959 comme sa date de départ de l’Angleterre.  Le passeport est également estampillé avec la même date pour l’entrée dans l’aéroport d’Helsinki en Finlande.  Il n’y avait qu’un vol direct de l’aéroport de Londres (aujourd’hui Heathrow) à Helsinki à cette date.  Il s’agit d’un vol FinnAir qui a quitté Londres à 14h20 et est arrivé à Helsinki à 23h35 heure locale.


Il a été établi par la Commission Warren qu’il aurait été impossible pour Oswald d’avoir franchi les douanes et d’arriver à l’hôtel Torni au centre-ville d’Helsinki avant minuit.

Voici la polémique: le registre d’hôtel indique qu’Oswald s’est enregistré avant minuit le 10 octobre.  Plusieurs auteurs (Marrs, Groden / Livingstone, Melanson, Epstein) ont soulevé cette question ou suggéré, et dans certains cas, précisé catégoriquement, qu’Oswald aurait pu avoir de l’aide militaire ou du renseignement pour terminer cette étape de son voyage » (celui des avions du MATS, comme ce C-54 ci-dessus).  « Mes recherches sur cette question m’ont amené à conclure qu’il n’était pas seulement possible d’avoir effectué le vol dans le délai imparti, c’était extrêmement probable.  Je n’ai pu trouver aucun vol militaire quittant l’aéroport de Londres le 10, mais il y avait trois routes commerciales disponibles à Helsinki ce jour-là (BEA / Finn Air étant le seul transporteur pour cette destination).


Outre l’itinéraire direct, que même la Commission Warren a indiqué était difficilement réalisable, il y avait deux autres vols possibles:  l’un par Copenhague (08h05 de Londres) et l’autre par Stockholm (08h50).

L’un ou l’autre d’entre eux aurait pu être utilisé par Oswald, et les deux auraient été offerts s’il était arrivé dans les premières heures du 10 octobre  pour essayer de réserver un vol.  Ces vols seraient arrivés à Helsinki à 17:05 et 17:35, respectivement, donnant ainsi Oswald suffisamment de temps pour atteindre l’Hôtel Torni avant minuit (photo de nos jours).  Comme nous l’avons vu, le registre de l’hôtel a indiqué qu’il l’avait fait.

Les listes de voyageurs pour ces vols ont depuis longtemps été détruites, mais (et c’est vraiment dommage) qu’ils auraient été facilement accessibles à la Commission en 1964 si quelqu’un avait pris la peine de les chercher.  En conclusion, il semblerait que c’est plus que probable qu’Oswald a pris un vol commercial ordinaire de Londres à Helsinki.  Les vraies questions qui doivent être répondues semblent être:

A) Pourquoi prendre cette route?
B) Comment ce voyage a-t-il été financé?

Les théories entourant ces questions abondent, mais jusqu’à présent aucune preuve dure a émergé pour y répondre ».  En dehors des pérégrinations, en effet on retiendra un argument clé :  d’où sortait-il l’argent pour effectuer ce voyage ?  Qui donc avait pu aider à le faire ?  Ce sont d’autres touristes du même genre qui nous apporteront la solution… comme on va le voir.

Son attitude sur place

A peine arrivé à Moscou, il annonce aux russes qu’il détient des secrets sur la sécurité américaine qu’il est prêt à les céder !  On le remercie poliment et on le renvoie à Minsk dans l’entreprise de construction de radios et de radars comme « métallurgiste », où on lui a trouvé un travail, en le surveillant étroitement, on suppose.

Mais n’était-ce pas plutôt l’objectif qu’il s’était fixé, ou qu’on lui avait fixé, comme on va le découvrir un peu plus loin…  Son séjour n’est pourtant pas prévu pour le long terme et son visa se retrouve donc vite périmé.  On raconte que pour amadouer les services russes, il aurait fait une tentative de suicide en se tailladant les veines.


Resté et soigné sur place, et toujours observé et suivi tous les jours comme son ombre par le KGB, il rencontre le 10 mars 1961 une jeune russe, Marina Nicolevna Prussakova.

Qui est aussi la nièce d’un colonel du KGB; ça ne s’invente pas.  Ils se marient le 30 avril 1961 (ce qui semble aussi un peu rapide pour beaucoup d’observateurs).  Mais le travail ne semble pas lui plaire, et ils rentrent brusquement avec leur bébé aux Etats-Unis en juin 1962 : « en fait il n’a tenu que deux ans et demi à Minsk, où le pouvoir soviétique lui a permis de vivre, entre octobre 1959 et juin 1962.

Juin 62 où, excédé d’être suivi par le KGB , il décide de rentrer aux Etats-Unis » nous dit RFI.  Rentré de manière précipitée, on pourrait envisager que le KGB ait réussi à le retourner.  L’étude attentive de ses contacts américains démontre que ça n’a pas été le cas.  La plainte contre le KGB aurait été faite par Marina et envoyée à James Frosty, l’agent du FBI qui suivra à partir de là son dossier.

A son retour, il se vit offrir 436 dollars, note Garrison, alors qu’il avait en effet trahi les Etats-Unis dès son arrivée en URSS :  c’est pour le moins choquant, comme l’avait aussi noté le vigilant procureur de Louisiane !


Un dossier que l’agent Fosty détruira dès l’annonce de l’assassinat, sur ordre de ses supérieurs qui ne souhaitaient pas que l’on apprenne qu’Oswald avait pu être un agent ou un informateur du FBI  ou de la CIA !

Dans le film Parkland, pas si mauvais que cela, en définitive, on peut voir l’agent Frosty en effet coincé par sa hiérarchie qui doute des liens qu’il aurait pu tisser avec Oswald, en train de détruire le document dans les toilettes de son bureau, ici en photo (2).  Ci-dessous, une photo exhibée lors de la Commission Warren numérotée 1393 :  le couple Oswald-Marina avec la tante de cette dernière, Lobova.

Etonnamment, l’affichette indique que son mari s’appelle Vasily Aksienov.  Or un autre Aksienov, appelé aussi Aksenov, Nicolaï, n’est autre qu’un haut personnage au Ministère de l’intérieur russe, qui est également colonel au  MVD, où il est Administrateur des Affaires intérieures.  Bigre !


De retour aux USA, un étrange comportement


A la Nouvelle-Orleans, Oswald crée un groupe pro-communiste appelé « Fair Play for Cuba Commitee » dont il s’avère être le seul membre et qui distribue des tracts pro-Castro dans la rue (on le filmera même en train de le faire, et il passera même à la télévision US pour expliquer ses convictions).

Étrangement, le bureau fantôme est à deux pas de celui de Banister !  Bref, il affiche ostensiblement une admiration pour le communisme, mais en même temps prend des contacts avec des opposants à Castro !

À moins d’être un psychopathe complet, son attitude ne peut s’expliquer rationnellement.  On songe alors aux programmes de suggestion de type MK-Ultra qui auraient pu l´influencer : le film d’Henri Verneuil, malgré son manque de moyens évidents et une musique affligeante signée Morricone n’est pas si loin que ça de la réalité.

Plus je le regarde et plus j’en suis convaincu, d’année en année.  Le film développe surtout une idée phare, celle d’un Oswald n’ayant même pas réussi à tirer une seule balle effective… théorie qui se tient en effet :  à bien décortiquer ses dires, il n’y a pas une seule déclaration d’Oswald durant le cours laps de temps qu’il lui reste à vivre avant de se faire abattre où il aurait pu avouer avoir tiré (il n’existe non plus aucun écrit de ses interrogatoires à Dallas !).



Fait étrange, quand il se présentera aux policiers à Dallas, pour dire qu’il avait créé un mouvement, une voix dans le fond de la salle en rectifiera le nom en précisant « Fair Play for Cuba Commitee » : celle de Jack Ruby !!!

Sidérant (on le voit ici à droite au milieu des journalistes et des policiers, au moment de la première présentation d’Oswald à la presse) !!!

Ou bien la preuve que les deux se connaissaient très bien !!!  En haut, l’un des tracts distribués qui porte comme adresse le pseudo qu’il utilisait, et qu’on retrouvera sur le bon de commande du fusil Carcano qui lui a été attribué.

Oswald était-il donc un agent de la CIA ?


Ce n’est pas facile à déterminer, au départ car beaucoup de traces ont bien sûr été effacées.  Il faudra compter sur la patience d’historiens pour découvrir les éléments qui le prouvent indubitablement.

On ne le saura que trente ans après les faits, raconté ici pour la première fois. « Un mois après le retour d’Oswald aux États-Unis, Thomas Casasin, le chef adjoint à la CIA de la  » 6eme section de recherche  » (spécialisée dans les comptes rendus de transfuges de l’Union soviétique à leur retour), a écrit un note à Walter P. Haltigan, le Chef de la Section soviétique de la station de Paris , ce qui suggère que Oswald était alors interrogé par le Bureau des opérations.

Casasin s’y montrait inquiet car Oswald « semblait étrange » et que « peut être il aurait été envoyé de l’Union soviétique par le KGB .


« Plus tard lors de leur témoignage devant le Congrès, à la fois Casasin et Haltigan déclareront en cœur « qu’ils n’avaient aucun avis pour dire si le débriefing ne s’était jamais produit ».

Cependant, en 1978, un officier de la CIA, sans donner de nom, avait déclaré au Congrès qu’il se souvenait avoir vu un débriefing de la CIA ayant un rapport avec 1962.  Il s’agissait d’un Marine « transfuge de retour  » qui revenait avec sa famille de l’Union soviétique, et qui a donné de nombreux détails sur l’organisation d’une usine de radios à Minsk, en URSS, où Oswald avait travaillé.

En 1993 l’auteur traqué s’est avéré être Donald Denesleya (cité aussi dans « In History’s Shadow: Lee Harvey Oswald, Kerry Thornley« , par Joe G. Biles, qui a admis que lorsqu’il avait témoigné devant le Congrès il n’avait pas révélé le nom de l’homme qui avait mené le débriefing d’Oswald.


En 1993, encore plusieurs autres officiers de la CIA se souviendront du Major Andy Anderson qui avait effectué des comptes rendus pour la « Division des contacts internes de la CIA » et deux s’étaient rappelé le compte rendu d’Oswald.  Pourtant, seul Denesleya avait rendu publique l’information.

Visiblement, même 30 ans après on avait toujours peur de parler !  Puis, miracle, en août 1993, John Newman, l’auteur de JFK and Vietnam : Deception, Intrigue, and the Struggle for Power (1992), découvrait des boîtes contenant les fichiers d’Oswald nouvellement tombés dans le domaine public.  Parmi les milliers de pages, il a trouvé des traces d’une notation en catégorie « 201« , celle des fichiers personnes qui intéressaient au premier chef l’Agence, dont le dossier personnel d’Oswald, marqué sous d’épais coups de feutre noir pour le masquer. Y était inscrit « Anderson 00 sur Oswald » .

Dans le langage codé de la CIA , « 00 » est le symbole de la « Division des contacts internes » :  le tueur présumé de Kennedy était bien en ce cas un agent de la CIA !  Dans les affaires d’Oswald, dans son garage… on ne trouvera pas d’arme supplémentaire.  Mais un appareil photo Minox, celui répandu chez les espions (on verra un peu plus loin ce qu’il en était exactement et également pourquoi donc on l’avait envoyé en URSS, un peu de patience) !

Le détail du retour est indiqué ici dans l’ouvrage de Joe G. Biles :  « après que Denesleya ait déclaré que Anderson avait fait le débriefing, John Newman a trouvé un document contenant la notation « OO Andy Anderson sur Oswald. » OO est la désignation de la CIA pour le service de contacts domestiques.

Cette note était la suite d’un document relié à un autre document découvert au cours de la copie.  Le document manquant révélerait probablement beaucoup au sujet de ce qu’Oswald a dit à la CIA après son retour.  Le House Sélect Committee  était apparemment au courant de tout ceci.  Une lettre de 1978 de l’HSCA à un avocat de CIA se lit comme suit »:

« Cher M. Breckinridge:
– Dans le cadre de ses enquêtes sur les circonstances entourant la mort du président Kennedy, le Comité spécial des assassinats (Select Committee on Assassinations)  a été informé qu’au cours de l’été 1962, un rapport de contact de la CIA concernant l’usine de radio de Minsk a été acheminé à la Division des documents étrangers de la branche soviétique de la Foreign Documents Division du Directorate of Intelligence.  La source de ce rapport de contact est censé avoir été un ancien Marine et défecteur de l’Union soviétique qui est retourné aux États-Unis avec sa famille au cours de l’été de 1962.  On pense que la source a déclaré qu’il avait été employé à l’installation de radio de Minsk.  Le rapport décrit dans la lettre semble étrangement semblable à la pièce 92 de la Commission, un «essai» connu pour avoir été écrit par Oswald au sujet de l’usine de radio de Minsk.  Ce document (réimprimé dans l’annexe A) comporte des descriptions détaillées de chaque aspect de l’usine.  Il est également important de noter que l’agent DCS J. Walton Moore a encouragé l’ami d’Oswald, George de.Mohrenschildt, à faire »involontairement » un compte rendu d’Oswald sur son temps passé en Union soviétique.  En conséquence, Oswald donna à DeMohrenschildt un mémoire détaillé sur sa période russe ».  Curieusement, quand Garrison fut l’objet d’un article de presse louable en 1976 intitulé « Jim Garrison avait-il raison après tout? », c’est Moore qui a écrit un memo de la CIA déclarant que :  «Nous sommes un peu plus préoccupés par la façon dont nous devrions répondre à toutes les questions directes concernant la relation de l’Agence avec Clay Shaw.»  Comme le lecteur le verra au chapitre huit, Moore pouvait s’inquiéter en effet.  Comme le sénateur Richard Schwcikcr l’a déclaré plus tard, Oswald avait les empreintes digitales de l’intelligence qui le suivaient partout.  (Plus de preuves de la relation d’Oswald avec la CIA peuvent être trouvée dans le chapitre huit) Garrison, dans son étude précoce des preuves de la Commission Warren avait été amené à conclure qu’Oswald était bien plus que le dément marxiste que Kerry Thornlcy avait peint.  L’affaire n’avait pas été fermée, et Garrison avait décidé que la véritable histoire d’Oswald était digne d’une véritable enquête ».

Pas un cas isolé, pour le moins !

Etrangement, la CIA, qui s’occupe des activités à l’étranger, le FBI se chargeant de l’intérieur du pays, possède aussi de nombreux bureaux disséminés dans tous les USA, pour interroger partout des suspects, répond-t-elle quand on lui pose la question.  « La C.I.A. opère en vertu d’un certain nombre de directives secrètes qui émanent du Conseil national de sécurité depuis 1947.  La directive n° 7 l’autorise à interroger des gens à l’intérieur des États-Unis.



L’utilisation par la C.I.A. de touristes et de voyageurs pour sa récolte de renseignements est clairement prévue dans un mémorandum qu’Allen Dulles soumit en 1947 à la Commission sénatoriale des services armés, alors que celle-ci examinait la loi instituant la C.I.A (…) Il n’est pas exceptionnel que la C.I.A. contacte des Américains qui se rendent, en touristes, derrière le Rideau de Fer.  Cela ne veut pas dire qu’elle les contacte tous, bien évidemment ; d’ailleurs nombreux sont ceux qui déclinent l’invitation à courir les risques d’un espion-amateur (…) ».

La CIA, quand elle ne « questionne » pas ces touristes à leur retour, envoie donc carrément des agents… déguisés en touristes.  Certains se sont demandés où Oswald avait pu trouver l’argent pour se rendre en URSS, alors qu’il vivait chichement et était plutôt sans un sou vaillant.  La réponse est donnée par la méthode d’envoi des espions déguisés en touristes expliquée ici dans l’ouvrage de Wise et Ross (page 265) :   » En dehors des contacts qu’elle établit parfois avec d’authentiques touristes, l’agence implante aussi ses propres touristes derrière le Rideau de Fer, et parfois avec des résultats désastreux ».

Le retour des deux espions manqués

Le parcours de deux d’entre eux est plein d’enseignements :  « Le 25 août 1960. deux anciens combattants de l’armée de l’air, Mark I. Kaminsky et Harvey C. Bennett, de Bath (du Maine, photographiés à leur retour ici à droite) furent arrêtés pendant qu’ils voyageaient en Union soviétique.

Les deux hommes parlaient couramment le russe.  Kaminsky, âgé de vingt-huit ans, enseignait le russe à Ann Arbor (Michigan) dans une école secondaire ; quant à Bennett, vingt-six ans, il venait d’obtenir son diplôme d’études slaves à l’université de Californie, à Berkeley.  Kaminsky fut condamné par un tribunal de Kiev à sept ans de prison.  Puis les Russes changèrent d’avis et les expulsèrent tous les deux.  Ils rentrèrent le 20 octobre aux Etats-Unis.

A une conférence de presse sur l’aéroport international d’Idlewild, Kaminsky nia qu’il eut commis le moindre acte d’espionnage et affirma qu’il avait projeté d’écrire un livre intitulé : «  L’Union soviétique parle de paix tout en préparant la guerre ».  Les deux rescapés déclarèrent qu’ils avaient voyagé en Russie grâce à une subvention de deux mille dollars, qui aurait été versée à chacun d’eux par la  » Caisse d’éducation de Philadelphie pour les arts nordiques « .  Toutefois, ils furent incapables de fournir le moindre renseignement sur les opérations de cette Caisse qui ne figurait point et ne figura dans la suite ni sur l’annuaire téléphonique de Philadelphie, ni sur la liste des fondations de l’Association nationale d’éducation, « The Foundation Directory », ni à toute autre référence ».

La CIA, on ne peut le nier, n’était pas non plus sans montrer parfois une certaine poésie surréaliste : la « Caisse d’éducation de Philadelphie pour les arts nordiques« , franchement, il fallait l’inventer celle-là !  La seule différence avec nos deux pingouins ayant délaissé leur queue de pie revenus du grand froid, en passant comme Oswald par la Finlande, c’est qu’étrangement Lee Harvey n’avait subi aucun débriefing à son retour.  Du moins officiellement (John Newman retrouvera plus tard des documents l’en attestant, comme indiqué juste avant).

Voilà en tout cas une caisse de voyages qui ressemble fortement à la société Double Chek de Birmingham, il me semble… (voir le tout premier épisode de la saga)

Oswald, un « traître » pourtant fort bien accueilli à son retour



Et que penser d’un document troublant (visible ci-dessus) :  le courrier du 1er février 1962 du sénateur texan John Tower, du Texas (mort en 1991 dans un accident d’avion), contre l’octroi d’une aide au retour sollicitée par Oswald, alors qu’il était encore en URSS (?) et que sa femme Marina n’avait pas encore donné naissance à son premier bébé, au nom des déclarations faites à son arrivée en URSS : le sénateur républicain, plutôt de droite dure, affirmant ouvertement qu’il s’agissait bien pour lui d’un cas de haute trahison !!

Qui avait pu ordonner de passer outre l’avis de l’influant (et texan) Tower, et pourquoi surtout ? Tower, un ultra-conservateur opposé aux droits civiques pour les noirs, partisan de l’armement à outrance, ami de John Mc Cain, qui, plus tard deviendra le responsable de la « Tower Commission » chargé de faire le point sur l’ affaire d’espionnage Iran-Contra… et qui aussi rédigera pour cela un rapport Warren bis….

Pour mémoire, c’est Lyndon B.Johnson qui l’avait battu lors de l’élection sénatoriale au Texas de 1948 !  En 1989, Tower avait dû refuser de G. W. Bush le poste de secrétaire à la Défense qu’il lui était proposé : sous la pression de ses propres amis, qui lui reprochait son intolérance alcoolique et ses sorties de machos invétéré !

Mais une autre confirmation va venir, bien plus tard, et de façon indirecte, sur les aventures en Russie d’Oswald, ce qu’on étudiera plus tard dans cette série, si vous le voulez bien…


(1) Robert Oswald devait hériter d’un bien étrange « cadeau » : le premier cercueil de son frère; celui de son exhumation de 1981.  « L’histoire commence en 1981, quand la justice ordonne d’exhumer le corps de l’assassin présumé pour s’assurer qu’il se trouve bien dans son cercueil (la rumeur d’un sosie envoyé par l’URSS avait circulé).  

Après vérification, le corps est confié aux Baumgardner pour être replacé en terre. Mais le cercueil original en pin d’une valeur de 300 dollars étant trop endommagé pour être réutilisé, les pompes funèbres le remplacent. «Vu qu’il n’était pas réutilisable, j’ai pensé qu’il avait juste été détruit», témoigne Robert Oswald.


Mais les pompes funèbres Baumgardner n’en ont rien fait.  Au lieu de ça, le cercueil endommagé a été gardé dans un entrepôt pendant près de trente ans avant d’être proposé à la vente chez Nate D. Sanders Fine Autographs & Memorabilia en Californie.  Un acquéreur anonyme l’achète rapidement pour 87 468 dollars en 2010.  

Mais l’histoire remonte jusqu’à Robert Oswald qui s’oppose à la vente.  Le frère du tireur estime être le légitime propriétaire du cercueil, étant donné qu’il a lui même réglé tous les frais des funérailles » raconte ici Libération en 2014.  Lee Harvey Oswald était fier de son frère Robert, dont il portait la bague des Marines.  

Au final, les vestiges du cercueil ont bien été vendus.  Son état (la tombe avait été envahie par l’eau) donne une idée de celui dans lequel on a retrouvé le corps de Lee Harvey.  Mais c’était bien le sien !  Son exhumation était la suite de la théorie complotiste émise par l’auteur anglais Michael Eddowes qui affirmait dans « Khrushchev Killed Kennedy » (1975), que les russes l’avaient « remplacé » par un autre !!!!  La théorie une fois vérifiée, on oublia le fondamental : l’ouvrage de Eddowes avait entièrement été financé depuis le début par… le milliardaire texan Haroldson L. Hunt (il était mort juste avant sa parution) !!!  Le principal ennemi de JFK… et le principal soutien financier des campagnes de LBJ !!!  Etait-ce pour lui une énième façon de brouiller encore plus les pistes ???


(2) dans le film on peut voir la pièce où le corps de JFK avait été en premier examiné (ci-dessus).  Or, autre extrême incongruité de l’affaire, ce local a lui aussi été détruit… le 1er octobre 1973, soit dix ans plus tard, mais, de façon surprenante encore une fois, tous ses éléments ont été gardés dans un bunker.  

Les boîtes contenant les vestiges ont d’abord été stockées aux National Archives de Fort Worth pendant 34 ans avant d’être envoyées discrètement dans un abris souterrain de Lenexa, au Kansas… or aucun papier fédéral n’y fait référence, indique le 25 mai 2013 le Daily Mail, citant une une station de télévision américaine située à Dallas (WFFA).  

« Ils sont venus avec des haches et des marteaux, ils ont coupé la pièce en petits morceaux et les ont mis dans ces barils, ont emballé tout l’équipement et sont partis avec eux», dit Don Pyeatt, un employé de l’hôpital qui a vu la démolition qui a eu lieu le 1er octobre 1973.  Pyeatt a pris les seules photos connues de la pièce avant d’être démolie, ignorant son contexte historique.  Sans aucune connaissance préalable, beaucoup penseraient qu’il s’agissait tout simplement d’une salle d’urgence standard » ajoute « ‘Catholic On Line« .  Encore une histoire aberrante et sidérante liée à l’affaire !!!  Qui, encore une fois aurait pu avoir eu l’idée de faire ce genre de choses ?  Pas la mafia en tout cas !!!

Partie 9

On s’approche progressivement des décisionnaires, dans cette enquête sur les responsables de la mort de JFK.  Un homme, surtout, retient l’attention lors de notre longue enquête.  Un intriguant qui est bien en place à la Nouvelle-Orléans comme à Dallas, où il côtoie un dénommé G.H. Bush, responsable alors d’une entreprise pétrolière :  Georges de Mohrenschildt, un provocateur-né, très habile, et que l’on retrouve comme une ombre traînant invariablement là où Lee Harvey Oswald est passé. De tous ceux qui ont été en rapport avec le présumé assassin de Kennedy, c’est lui qui présente le plus lourd CV en tout cas.  Un CV dans lequel apparaît régulièrement aussi le nom de la CIA, avec laquelle de Mohrenschildt avait des contacts réguliers.


C’est bien le comportement et les contacts d’Oswald qui surprend, en effet, à son retour d’URSS (une théorie voudrait que ce ne soit pas effectivement la même personne : on sera obligé de déterrer son cadavre pour prouver que non – sans totalement le prouver, à vrai dire, son crâne ayant été découpé pour en extraire le cerveau à l’autopsie ayant été retrouvé… intact).

Revenu à la Nouvelle-Orléans, il se lie d’amitié avec l’extrême droite russe (blanche) et notamment avec Georges de Mohrenschildt, (au départ son nom est Von Mohrenschildt !), qui est un ancien espion fort douteux ayant travaillé pour l’Allemagne nazie durant la seconde guerre mondiale, et installé dès 1938 aux USA avec son frère Dimitri, un farouche anticommuniste (c’est l’un des fondateurs de Radio Free-Europe dont je reparlerai plus loin avec un autre personnage fort actif !).

C’est avant tout un provocateur, décrit ici sans compassion comme étant un être exécrable :  « Pervers, en effet, et les apparitions en société de George de Mohrenschildt étaient susceptibles de prendre ce qu’on appellera plus tard une allure « politiquement incorrecte ».  Il a parlé par exemple un jour des « vertus de l’Allemagne et de la forme de gouvernement sous Hitler » ou des « inconvénients de la démocratie », une autre fois, le soir, dans un restaurant- après que les Allemands aient envahi la France – quelqu’un lui a alors fait remarquer que les Français mouraient de faim ; ce à quoi il a répliqué :  » Non « a répondu von Mohrenschildt, alors encore appelé de son nom d’origine :  » Hitler prend soin d’eux.  Ils ne sont pas affamés comme ils l’étaient lors de la dernière guerre  » .
À une autre occasion, il a qualifié Hitler  » d’autrichien intelligent », et prédit que la guerre se terminerait  » soit par un compromis, soit par une victoire allemande.   » Plus d’une fois , il a salué une visiteur avec son bras levé et les mots « Heil Hitler ! »  En d’autres occasions , de Mohrenschildt affecté d’être un sympathisant bolchevique, et beaucoup conclurent, à tort, qu’il avait des « tendances communistes définitives ».


» Il a affirmé à avoir été membre du Parti communiste avant son entrée en 1938 aux USA.  Plus tard, il l’a nié.  Il s’est vanté d’être un athée et une fois déclaré :  « Les Russes ne croient pas en Dieu, et je n’en ai pas non plus.  Nous finirons tous en engrais après la mort. »  Drôle de rencontre en effet !  L‘homme est exécrable, et possède une famille accusée d’être pro-nazie :  Son cousin Konstantin von Maydell, avec qui il avait travaillé (pour une société cinématographique, Film Facts inc), avait été identifié par le FBI comme un agent de la « Cinquième Colonne ». Plus étrange encore, responsable chez Shumaker & Co, De Mohrenschildt avait côtoyé un représentant des services secrets français de Vichy : Pierre Fraiss.  Son rôle consistait alors auprès de lui à tenter de fournir du pétrole texan ou californien au régime de Vichy…

Complexe, Mohrenschildt est tout simplement… insaisissable comme l’a écrit Norman Mailer en personne :  « dans son livre Oswald’s Tale, il dit de de Mohrenschildt qu’il possédait un éclectisme qui lui permettait de se présenter comme de droite, ou de gauche, comme un moraliste, un aristocrate, un nihiliste, un snob, un athée, un républicain, un amoureux de Kennedy, un déségrégationniste, un intime des magnats du pétrole, un bohème, menant une vie mondaine, plus un apologiste du nazisme d’autrefois, une fois par an. «

Cet étrange oncle George et ses amis russes


De Mohrenschildt, qui est lui aussi anticommuniste viscéral (mais l’affiche moins que son frère) est un autre pilier de la théorie du complot, car il connaissait aussi très bien la famille Bouvier… celle de Jackie Kennedy, qui l’appelait d’ailleurs amicalement « oncle George » !!!  Une Jackie que l’on verra rencontrer la diaspora russe, tel cette photo où elle danse avec Serge Obolensky ancien aristocrate ayant épousé une fille du tsar Alexandre, engagé chez les anglais lors de la première guerre et devenu ensuite Lt. Colonel dans l’United States Army (il avait sauté en parachute à 53 ans, durant la seconde guerre !).

L’homme aux côtés de celui qui accueille Oswald est un autre cas d’espèce : c’est en effet Laurence Orlov, chez qui beaucoup voient le spectre d’Alexander Orlov, officier de très haut rang du KGB arrivé aux Etats-Unis en1938 et resté depuis caché, à la fois par le FBI et les services secrets russes jusqu’en 1953 (c’est décrit dans le livre Alexander Orlov : « The FBI’s KGB General » – Edward Gazur/Carroll & Graf – 2001).

Très lié au milieu du pétrole de Houston ou Dallas, Mohrenschildt est un intriguant de très haut vol, qui a gardé un savoir-faire évident en la matière du temps de sa collaboration nazie, dont il n’a pas été accusé, ce qu’y laisse entendre des liens avec les mêmes qui avaient organisé l’opération Paperclip ou choisi de recruter le nazi Gehlen.   De Mohrenschildt est alors en contact également avec l’agent J. Walton Moore de la CIA.  C’est avec son intercession par exemple, qu’il fait embaucher Lee Harvey Oswald aux laboratoires de développement photo de Jaggars-Chiles-Stovall, qui sont aussi ceux qui traitent les photos de terrain… de la CIA (pour certains, Oswald n’avait jamais eu accès à des informations confidentielles et se chargeait uniquement des développements courants) !


C’est plutôt ce genre de lien qui fait d’Oswald un communiste de pacotille, car jamais De Mohrenschildt ne se serait abaissé à en aider un véritable !  En revanche, il verra plusieurs fois Oswald, chez lui, ou chez Paul Gregory.  C’est chez lui qu’il sera évoqué un soir le cas du général Edwin Walker, alors véritable caricature vivante de l’anticommuniste primaire ségrégationniste.  Oswald, avait acheté paraît-il par correspondance deux armes pour une vingtaine de dollars chacune.


Un revolver 38 et une carabine Carcano Manlicher, une copie italienne du Mauser.  Destinées à s’en prendre à Walker, selon la thèse bien huilée du FBI.  En mars 1963, Oswald ira tout d’abord prendre des photos de la maison d’Edwin Walker, en repérage.  Le 2 avril, Oswald dîne avec le couple Paine.  Une semaine plus tard, le général Walker se fait tirer dessus chez lui à plusieurs reprises, une balle atterrissant dans les montants de brique de ses fenêtres sans le toucher (voir les deux photos ci-dessus).  Selon des observateurs, le tireur était à peine à 30 mètres de lui.  Pour certains, c’était l’œuvre de Lee Harvey.  Aurait-il cherché convaincre De Mohrenschildt de ses capacités c’est une possibilité ?  Rien ne le confirme : la balle tirée est de calibre 0.30 et elle a été tirée par un fusil puissant (l’une d’elle s’est fichée dans la brique !).  Et l’attaque de Walker aurait été menée par deux hommes repartis en voiture alors qu’Oswald n’en possède pas : il n’avait pas le permis ! Ceux qui relient l’attentat contre Walter à Oswald sont aussi ceux qui veulent faire d’Oswald une sorte d’assassin névrotique compulsif…

Tout désigne De Morenschildt

De Mohrenschildt a toujours nié travailler pour la CIA (comme le feront les époux Paine, même lors des auditions de 1976 !).  Or tout va à l’encontre de cet avis.  Son séjour à Haïti n’avait rien de commercial :  il avait été envoyé là-bas pour coordonner ceux qui devaient renverser le pouvoir de Duvalier.  « Un agent de la CIA de contrat , Herbert Atkin, a rapporté que le véritable travail de De Mohrenschildt en Haïti en 1963 était de superviser un plan financé par la CIA pour renverser Duvalier.

En mai 1963, De Mohrenschildt organise une rencontre entre Clemard Charles et Dorothy Matlack, qui a été directeur adjoint de l’Army Office of Intelligence, organisme qui sert de liaison entre l’U.S. Army et la CIA.  Selon les fichiers de la CIA de De Mohrenschildt, que le comité d’assassinat a obtenues, le but de la réunion avec Matlack était d’organiser un rendez-vous entre Charles et un représentant de la CIA.  De Mohrenschildt a assisté à la réunion avec la CIA, à la surprise de Matlack . » Il ne savait pas à quel rôle De Mohrenschildt servait, mais a estimé qu’il « dominait » Charles , en quelque sorte », dit la note du comité, qui a ensuite indiqué que Matlack avait déclaré : « Je savais que le Texan [ De Mohrenschildt ] n’était pas là pour vendre du cannabis ».  Enfin, une note dans le mémo de la CIA ajoute : « En raison de l’information politique potentielle que Charles pourrait donner sur la situation actuelle en Haïti, la CIA est devenue le premier contact avec Charles. »


Cela met la capacité de Charles à obtenir deux avions des États-Unis en 1964, lors d’un embargo et son emprisonnement ultérieur en 1967 par Duvalier dans une toute autre affaire.  Car c’est aussi en 1967 que Mitch WerBell, associé à quelques Haïtiens et des Cubains exilés seront capturés en train de planifier une invasion d’Haïti à partir de la Floride (une autre opération « Baie des Cochons ! « ).


Or WerBell était un vétéran du bureau de l’OSS en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale avec E. Howard Hunt, Paul Helliwell et John Singlaub.  Il a dit à l’auteur Jonathan Kwitny qu’il ne fonctionnait pas  » pour » la CIA, mais « avec » la CIA .  Il a insisté sur la distinction, car c’est qu’il a été alors payé par des groupes privés et non par la CIA »... En photo, à gauche, le fameux WerBell en pleine démonstration au Viet-Nam de l’usage d’un Welrod… un pistolet silencieux (ci-dessus), inventé par lui.  L’année suivante, en effet, Werbell s’associait à Gordon Ingram pour fabriquer un autre pistolet mythique, le MAC-10 (puis le MAC-11), mini-machine vendue comme l’arme la plus rapide du monde (quand elle ne s’enraye pas).  L’arme allait devenir la favorite de la CIA (avant de devenir celle d’Hollywood) !

Du Guatemala en Louisiane… et vice-versa

Au Guatemala, la CIA dirige depuis 1954 des camps d’entraînement pour opposants en Amérique du Sud ou à Cuba.  L’un de ses responsables s’appelle Carl Jenkins, il est en cheville avec la United Fruit (UFCO) qui craint que le nouveau président Jacobo Arbenz ne nationaliste ses bananeraies, qui lui rapportent gros.  Une opération « PBFORTUNE » est imaginée pour renverser Arbenz.  A noter que les deux frères Dulles et le sous-secrétaire d’État du président Eisenhower, Walter Bedell Smith, ont des actions chez UFCO :  ils agissent aussi pour leur propre portefeuille !  Arbenz, inquiet de l’attitude US, prend l’initiative de faire venir par cargo des armes de Pologne provoquant la fureur d’Allen Dulles.  Sous sa pression, Arbenz est obligé de fuir le pays le 27 juin 1954.  Jenkins avait participé à sa fin en utilisant sa compagnie d’hélicoptères pour balancer des tas de tracts réclamant son départ.  On le soupçonne aussi d’avoir servi à transporter les armes des responsables du putsch.  Une compagnie d’hélicoptères installée au Guatemala qui détenait les mêmes à Bâton Rouge, en Louisiane ! Des engins achetés par le gangster et détourneur de prêts bancaires Herman K. Beebe, avec sa société American Motel Industries (ou AMI), associé à des gens proches des trafiquants de drogue et membre de la CIA, dont Barry Seal.  Tout était déjà en place, sous Kennedy, pour débuter l’incroyable trafic de cocaïne par avions cargos de l’armée, des C-123.  Comme le note Perspective Monde, « une junte militaire dirigée par le colonel Carlos Castillo Armas met immédiatement fin aux réformes, retourne les terres nationalisées à la United Fruit et abolit le droit à la syndicalisation.  Ce renversement plonge le Guatemala dans la chaos.  Il s’ensuivra 36 ans d’un régime de terreur qui fera près de 200 000 morts, les autorités recourant à des escadrons de la mort et à des massacres pour maintenir leur contrôle sur la population indigène ».  Le CV de Jenkins était en effet particulièrement chargé :


Retour à Cuba


Le colonel Fletcher Prouty, un général plutôt lettré, fort attentif aux livres et à leur contenu, et fort décrié aussi sur ses positions à propos des ET par exemple (il posait souvent devant son imposante bibliothèque) fera une interview sidérante dans les années 80 sur l’invasion de la Baie des Cochons (il faut à tout prix la regarder !), où il dévoilera bien des choses sur les liens entre l’armée et l’entraînement des exilés au Guatemala, ce que Kennedy connaissait, alors que selon lui Nixon n’en savait pas autant.



« Personne n’imagine la taille que représentait l’opération de la Baie des Cochons, et combien Kennedy avait été pressé de partout de la faire ».  Selon lui, c’est Dulles qui avait bien forcé la main à Kennedy, arguant qu’on ne pouvait pas retourner en arrière.  On y trouvera plus tard que trois des navires fournis appartenaient… à la famille Bush.  « La flotte de débarquement, étiquetée Force Expéditionnaire Cubaine, comprenait cinq cargos de 2400 t, loués par la CIA à la Garcia Line (compagnie notoirement anti-castriste) et suréquipés en canons anti-aériens.  Ils étaient passés par la Nouvelle-Orléans pour récupérer armes et munitions et Puerto Cabezas au Nicaragua (où ils s’entraînaient) pour charger les contre révolutionnaires et leur équipement.  Quatre d’entre eux, le Houston (nom de code Aguja, coulé par l’aviation cubaine), le Río Escondido (Ballena, coulé par l’aviation cubaine), le Caribe (Sardina), et l’Atlántico (Tiburón), devaient amener 1400 hommes sur les plages du débarquement.  Le cinquième transportait du matériel et les spécialistes de l’infiltration de l’Opération 40 (groupe subversif créé par la CIA et sous la responsabilité du vice-président Nixon).  Les cargos voguaient sous pavillon libérien.


Ils étaient accompagnés de deux barges de débarquement (datant de la guerre) achetés à la Zapata Corporation de Georges Bush père.  Les LCI étaient Blagar (nom de code Marsopa) et Barbara J (Barracuda), sous pavillon nicaraguayen, et avaient été lourdement armés en Floride ».  Selon la très bonne analyse de Fletcher, reprenant l’analyse de Walter Beder Smith selon laquelle on avait fait trop de publicité aux préparatifs, une telle opération d’ampleur ne peut être celle des services secrets :  c’est bien une opération purement militaire.  Selon Fletcher Prouty, en nommant Smith comme responsable des opérations spéciales à la place de la CIA, il venait de se faire un ennemi mortel.  C’était très net pour lui :  l’éviction de la CIA par Kennedy a été un moment crucial de la vie politique US.

Selon Prouty, toujours, c’est un ordre donné par McGeorge Bundy qui avait empêché le décollage des avions du porte avion U.S.S. Enterprise (avec McCain à bord) pour détruire les derniers avions cubains. C’était bien ce qui avait coulé l’opération.   Kennedy ne voulait pas mélanger opération clandestine et opération militaire ;  respectant ainsi davantage les lois que ne le faisait la CIA.  Car la CIA l’avait placé devant les faits, en mélangeant déjà les faits et les genres.  Les cargos chargés de ravitailler les exilés furent tous coulés par les derniers avions cubains.  Selon Fletcher Prouty, même chose pour le Viet-Nam, où Kennedy souhaitait retirer les agents de la CIA, les fameux conseillers, et non les militaires !!!  A la fin de l’interview, le général revient au célèbre discours d’Eisenhower sur le pouvoir du complexe militaro-industriel, en rappelant l’argent que perdraient certains si la guerre s’arrêtait : la raison pour laquelle selon lui Kennedy avait été abattu.

L’ami d’un certain H.W.Bush, de la CIA

George De Mohrenschildt fera une longue déposition lors du rapport Warren, qui le disculpera personnellement, entièrement.  Il devait être entendu à nouveau en 1976 par un enquêteur du HSCA, cette fois, mais on le retrouvera mort la veille, un « suicide » selon le médecin légiste, mais un suicide suspicieux tant on pense aujourd’hui que De Mohrenschildt aurait pu manipuler Oswald pour le conduire à assassiner Kennedy, ce qu’il aurait réussi à dissimuler en 1964.  Parmi tous les morts qui jonchent l’après Dallas, il convient de le compter, même s’il était réellement dépressif durant plusieurs mois.  Plus intriguant encore : au lendemain de son décès, son ex-femme Jeanne donne au House Select Committee on Assassinations une photo d’Oswald dédicacée à De Mohrenschildt.  Or c’est celle où il porte le fusil qu’on lui attribue pour l’attentat, et qu’Oswald en personne avait déjà qualifiée de « montage » photographique.  Son travail de retouche aurait pu qualifier ses dires, tant aujourd’hui encore sa photo avec « l’arme du crime » entre les mains (achetée 29 dollars) reste discutable.  Selon des examinateurs, la dédicace aurait été faite par plus tardivement par la veuve d’Oswald, comme une vengeance pour la mort de son mari !


Dans ses témoignages, cette même veuve se montrera incapable de reconnaître l’arme détenue ou non par son mari qu’elle qualifiera de « bâton en fer », sans autre précision.  Autre sulfureux particularisme de De Mohrenschildt :  son amitié avec un certain George H.W. Bush, qui deviendra le responsable de la CIA.  Ils se connaissaient en effet depuis 1939, car l’agent pro-allemand travaillait alors chez Humble Oil, une compagnie fondée par.. Prescott Bush, le fondateur (pro-nazi) de la dynastie (à droite en photo avec Nixon) !

De Mohrenschildt montrait souvent à ses amis la carte obtenue de Zapata Petroleum, fondée par H.W. Bush et un un ancien agent de la CIA, Thomas J. Devine, où figurait le nom de « Poppy » le surnom de George H.W. Bush.  Les deux étaient en relation avec David Phillips Atlee, le responsable de la CIA chargé des exilés cubains, dont beaucoup pensent qu’il aurait pu être responsable de l’équipe de tireurs de Dallas.  De Mohrenschild, qui, je le rappelle, avait été l’aide des allemands sur le territoire US.  Il avait même été surpris en 1941 à photographier les bâtiment des Gardes-Cotes de Corpus Christi, au Texas, au moment même où les U-Boot rôdaient dans le Golfe du Mexique à la recherche de pétroliers US à couler !



 Des billets de cent dollars sortis de sa poche avaient alors empêché son arrestation !  Or c’est à relever, le premier fusil découvert juste après les tirs par le shérif Seymour Weitzman en haut de la bibliothèque qui l’a très bien décrit, car il était connaisseur, était un fusil semi-automatique Walther G43 (Gewehr 43, pour Fusil 1943),  C’est un produit par l’entreprise allemande Walther, qui fut utilisé par la Wehrmacht pendant la seconde guerre mondiale.  Un engin à la réputation de fiabilité défaillante (selon ses utilisateurs, il avait 25% de chances de s’enrayer, comme d’ailleurs sa copie italienne).  Il devint comme par magie un Mannlicher Carcano italien, celui attribué justement à Lee Harvey (et à la photo truquée, selon beaucoup, dont Henri Verneuil dans « I comme Icare », sur laquelle il pose avec !).

Le surréalisme de la commission Warren


Lors de l’interrogatoire de la commission ayant pour invité De Mohrenschildt, on avait eu droit à un grand moment.  Celui des questions posées par Albert Jenner (ci-dessus), un obscur avocat, membre de la commission, réputé pour son opposition à Kennedy, mais qui surtout avait comme client principal le banquier Henry Crown, de Chicago, celui qui finançait alors la firme d’aviation General Dynamics.  L’homme squizzera complètement le premier contact russe d’Oswald, George Bouhe, qui l’avait reçu avant de le recommander à De Mohrenschildt. Bouhe, inquiet, avait appelé un ami avant de le recevoir :  c’était Max Clark, qui avait le double avantage d’être à la fois marié à une princesse russe… et d’avoir été un responsable de la sécurité chez General Dynamics.  Clark avait tardé à lui répondre, expliquant qu’il devait « d’abord en référer à d’autres »,  Bouhe expliquant que « je suppose qu’il avait dû entre temps contacter les bons canaux »… une perche que l’indigent Jenner ne reprendra pas bien sûr :  elle aurait directement abouti au FBI ou à la CIA.  En fait l’interrogatoire de De Mohrenschildt en dit long sur ce qu’on désirait cacher :  le mentor d’Oswald n’avait eu droit qu’à des banalités, à s’en l’étonner lui-même :



« M.. Jenner : Vous êtes âgé de 61 ans, n’est-ce pas ?

M.. De Mohrenschildt : Oui.

M.. Jenner : Et maintenant vous pesez, je dirais, environ 195 livres ?

M.. De Mohrenschildt : C’est exact.

M.. Jenner : Autrefois, vous en pesiez environ 180.

M.. De Mohrenschildt : C’est exact.

M.. JENNINGS : Vous êtes athlétiquement incliné ?

M.. De Mohrenschildt : C’est exact.

M.. JENNINGS : Et vous avez les cheveux foncés.

M.. De Mohrenschildt : Pas de poils gris encore.

M.. Jenner : Et vous avez une peau bronzée – vous assez bronzé, n’êtes-vous pas ?

M.. De Mohrenschildt : Oui, monsieur.

M.. Jenner : Et vous êtes un amateur de plein air ?

M.. De Mohrenschildt : Oui.  Je dois vous dire – je ne m’attendais pas à ce que vous me posiez de telles questions. »…

Comment finissent les témoins ou les participants



A la Nouvelle-Orléans, on trouve aussi parmi les anicastristes virulents John Roselli, de son vrai nom Filippo Sacco, c’est un gangster fort médiatisé de Chicago, devenu proche du milieu du cinéma hollywoodien (« The Mob in Hollywood » :  il est ici avec son épouse, l’actrice June Lang) et roi des casinos de Las Vegas, où Howard Hughes est alors très présent, avec son procédé de « skimming » (le ramasseur, c’est lui qui « écrème » la quote-part laissée par les établissements à la mafia !).  Arrêté en 1943 et condamné à 10 ans de prison il en sort dès 1947, visiblement protégé par des politiciens véreux.  Lui aussi a de quoi en vouloir à Fidel Castro, qui, dès son arrivée a fait fermer tous les juteux casinos cubains, appartenant pour la plupart à Roselli (ou étant sous sa coupe).


Roselli reçut le renfort d’un homme influent dans son espoir de se débarrasser de Castro : « en 1960, la CIA recruta un ex-agent du FBI Robert Maheu, – ici à gauche- qui devint plus tard le bras droit du milliardaire Howard Hugues à Las Vegas, pour approcher Roselli.  Maheu se fit passer pour le représentant d’une corporation internationale qui voulait tuer Castro parce qu’il avait essuyé d’énormes pertes avec la fermeture de leurs casinos.  Roselli introduisit Maheu à deux hommes qui se présentaient sous le pseudonyme de « Sam Gold » et « Joe ».

L’étonnant casino flottant de Roselli

Les Casinos et leur grande période d’avant-guerre avaient fait la fortune de Roselli.  Des casinos parfois flottants dont un qui va nous rappeler un nom de navire qui aura lui aussi son importance dans cette longue saga : « quelques semaines après le lancement en mars 1931 de la législature du Nevada, légalisation des jeux de casino à l’échelle nationale, Cornero et ses frères avaient ouvert le Meadows Club, l’un des premiers casinos de Las Vegas.


Le Meadows, avec son intérieur fantaisie et ses divertissements en direct a été considéré comme le meilleur casino de Las Vegas et le précurseur de tous les casinos qui sont venus après dans les années 1940.  Roselli n’avait aucun intérêt dans aucune des opérations, mais Cornero lui donna libre cours sur place.



Même chose avec la flotte de bateaux de jeu que Cornero avait amarré au-delà de la limite de trois milles au large de la côte sud de la Californie à la fin des années 1930 – y compris le vaisseau amiral de Cornero le Rex, stationné au large de Redondo Beach.  Le Rex était un navire de haute classe bien équipé qui avait coûté plus de 200 000 dollars de réfections.  Cornero l’avait conçu pour attirer des clients de classes moyennes et supérieures, plutôt que juste des types de classe ordinaire.  Tout cela a parfaitement fonctionné pour l’image de Roselli qui pensait ainsi tirer sur une extrémité et d’accéder à l’autre sphère riche, avec, les gros dépensiers, les stars de cinéma et les éléments sur la frange tels que les gangsters et leurs familles (…)  Certaines personnes ont dit que le montant de 200 000 dollars était faible et qu’il s’agissait plutôt de 600 000 dollars que Cornero avait mis dans le Rex.


D’autres ont dit tout le contraire, que le Rex était une baignoire et non navigable, un piège de la mort en attente d’arriver. La chose est, que quand le Rex n’a plus été utilisé comme un bateau de jeu par Cornero, il a été reconverti à sa configuration d’origine en 1942 et renommé « Star of Scotland ».  Selon les archives obtenues par U-boat.net, l’ancien Rex, rebaptisé Star of Scotland, a été attaqué le 13 novembre 1942 par le sous-marin allemand U-159 à 900 milles à l’ouest de la baie de Lüderitz, en Afrique du Sud-Ouest et a coulé.  « Un peu de voyage pour une baignoire non navigable ».  Le Star of Scotland était redevenu un voilier en acier, en effet, baptisé à l’origine en 1887 le Kenilworth.

Giancana et les tentatives de tuer Castro

Le fameux « Sam Gold » approché était en fait Giancana, « Joe » était Santo Trafficante Jr de Tampa en Floride.  Trafficante était un des parrains les plus puissants de l’ère pré-révolutionnaire cubaine.  L’agence donna aux mafieux six pilules pour assassiner Castro.  Durant plusieurs mois, des anti-castriste cubains en lien avec la mafia tentèrent, sans succès, de mettre les pilules dans la nourriture de Castro ».  OK, mais ce ne sont pas les pilules que l’on retiendra, mais la suite : « en 1961, après l’échec de la CIA dans l’invasion de la baie des cochons, les tentatives d’assassinat continuèrent, lesquelles inclurent celle d’une équipe de tireurs d’élite, entraînés par Roselli dans une base secrète à Florida Keys »...

Où Hughes avait un pied à terre, alors qu’il finançait les anticastristes comme on pu le voir (1).  Roselli aurait pu lui aussi projeter de tuer Kennedy, donc, après la honte de la Baie des Cochons, à la place d’aller tuer Castro.  C’est ce qu’affirme aussi le procureur Garrison dans son livre, en expliquant la fin « typique » du personnage.  « Après la révolution cubaine, la C.I.A. chargea Roselli d’assassiner Fidel Castro.  Rosselli, plus bavard que la C.I.A. ne l’aurait souhaité, révéla lui-même ce fait durant l’enquête du Sénat.  Peu de temps après, les restes du corps déchiqueté de M. Rosselli furent retrouvés dans un bidon flottant dans la baie de Dumfounding, sur les côtes de Floride.  Aucun enquêteur ne parvint à découvrir qui avait été l’auteur de ce crime.  Cela n’empêcha pas la justice de déclarer qu’il s’agissait de l’œuvre de la Mafia.  La C.I.A., évidemment, s’aligna sur cette déclaration. »


Ci-contre,diffusé par la chaîne WTVJ-TV de Miami, le baril de 55 gallons recouvert par les autorités du comté de Dade, contenant le corps de Johnny Roselli retiré de la baie de Dumbfoundling ;  près de Miami, en Floride, le 8 août 1976, et posé sur le dos d’une dépanneuse.

Le fût avait été trouvé dérivant par des pêcheurs.  Les gaz issus de la décomposition du corps l’avait fait remonté à la surface.  Un de moins, dans la très longue liste des morts survenus après celle de Kennedy….et un de poids :  celui qui savait qui s’était entraîné au tir en Floride !  Et celui qui avait ouvertement avoué un lien entre mafia et CIA qui aurait nui lors de la commission Warren !


Dans le numéro de novembre 1969 de la revue Penthouse, Clay Shaw, suspecté par Garrison d’être au milieu de l’organisation d’assassins du président déclarait ,  » je n’ai jamais eu aucun lien avec la CIA ».   Shaw mourra en 1974 sans jamais avoir été réellement inquiété.  Cinq ans plus tard, l’ancien directeur de la CIA Richard Helms déclarera sous serment que Shaw avait pourtant bien été un contact « à temps partiel » pour l’Agence et « avait apporté des informations« , et pire encore avec un document de 1992 qui indiquait clairement que Shaw était  » grassement payé » par la CIA.

Un prétendu communiste chez les anti-communistes

Oswald, alors qu’il continue à parler toujours communisme à ses proches, se rapproche donc des anti-castristes (ce qui est plus que surprenant en effet) : « au début du mois d »août Oswald est apparu à la boutique de Carlos Bringuier, le chef de la branche la Nouvelle-Orléans de l’organisation militante étudiante anti-Castro DRE et un jour ou deux plus tard, il a été impliqué dans une altercation de rue avec Bringuier et deux autres exilés cubains sur les tracts du CPAC (ici en photo Bringuier à gauche avec le grand manipulateur de la CIA Ed Butler, à droite).



Arrêté pour avoir troublé la paix, il a passé une nuit et une partie de la journée en prison.  Là il a demandé à voir un agent du FBI et on lui a donné un compte-rendu fantaisiste de l’étendue de ses activités au CPAC.  Plus tard ce mois-là il a participé à un débat diffusé sur Castro, Cuba et le CPAC la Nouvelle-Orléans organisé par le journaliste William Stuckey » ...  Bref, Oswald fait tout pour intégrer le mouvement, alors qu’à l’extérieur il le dénigre.  Etrange comportement.  Pour certains, l’altercation avec Bringier avait été fabriquée de toutes pièces pour monter extérieurement un Oswald vindicatif, ce qu’il ne semblait pas être dans la vie courante, plutôt placide.  « Le comportement d’Oswald à la Nouvelle Orléans est déconcertant.  Après avoir trouvé un emploi subalterne qui ne l’intéresse guère il reprend des activités politiques pour le moins contradictoires.  Tout d’abord il essaie manifestement d’infiltrer les milieux anticastristes en prenant contact avec Carlos Bringuier responsable de l’association des étudiants cubains.  Il lui fait part de ses intentions et fait valoir auprès de ce dernier de réelles capacités de lutte et d’aptitudes à organiser ou à contrer des actions de guérilla étant donné son passé de Marine.  Paradoxalement, peu de temps après, il se fait remarquer en distribuant des tracts pro-castristes sur la voie publique.  A cette occasion, il se met bien en évidence, de façon à ce qu’on le remarque.

Voilà des attitudes bien étranges et peu habituelles chez Oswald qu’on présente volontiers comme un être reclus, discret et peu communicatif.  »  Les tracts ne donnaient pas d’adresse ou joindre le groupement qu’ils étaient censés représenter.  Plus étonnant encore :  alors qu’ils ne représentent rien, et qu’une petite quantité a été distribuée en une seule matinée seulement, on possède le film de cette distribution :  qui avait donc pu prévoir de filmer cela… sinon pour s’en servir plus tard pour démontrer quelque chose ?


On le fera même passer après sur une chaîne de TV locale (sa prestation ici à droite, on remarque qu’il porte une tourte petite moustache triangulaire ! ), où on l’entendra dire « oui, je suis marxiste », ce qui représentait une jolie provocation : qui avait bien pu échafauder un tel plan pour insister autant sur le fait qu’il l’était ???

A bien étudier son surprenant comportement, on ne peut envisager Oswald comme ayant décidé seul de rejoindre ses propres ennemis de la DRE :  il s’agissait logiquement d’une tentative d’infiltration des exilés réfugiés à la Nouvelle-Orleans, une infiltration obligatoirement dictée.  Lee Harvey Oswald travaillait sous les ordres de la CIA (ou du FBI), à l’évidence.  « La bienveillance dont a fait preuve le FBI vis à vis d’Oswald, après sa libération, laisse supposer qu’elle le contrôlait ou qu’elle s’en servait.

La déstabilisation de toute organisation anticastriste sur le sol américain présentait un certain intérêt, dans la mesure où de tels groupuscules pouvaient, par leurs agissements, être un frein au début de réchauffement des relations américano-soviétiques.  N’oublions pas que Kennedy venait de rencontrer Khroutchev à Vienne et que porter atteinte à l’intégrité d’un état satellite (Cuba) par l’activité débordante d’organisations anti-castristes, risquait de remettre en cause un processus encore fragile.  C’est la raison pour laquelle les agissements d’Oswald présentait un réel intérêt. » En ce sens, Oswald n’était donc qu’un simple pion.  « Un pigeon », dira-t-il lui-même le jour de son arrestation.

GHW Bush & JFK Hit


(1) Dans le livre « Boxes: The Secret Life of Howard Hughes » par Douglas Wellman et Mark Musick on peut lire ceci :  « Johnny Roselli a travaillé pour le patron mafieux de Chicago, Sam Giancana, et avait été assigné pour couvrir Los Angeles.  À la fin des années 1940, la famille heureuse se retrouvait fréquemment à la résidence Moretta pour le dîner du dimanche et fréquentait fréquemment Howard Hughes (interview de John MacDonald).  Plus de coïncidence.  Au moment des transactions de casino, Robert Maheu était un employé-clé de Howard à un salaire assez robuste de 10 000 $ par semaine.  Pour dix grands billets par semaine vous vous attendez à obtenir quelque chose, et dans le cas de Maheu, c’était des connexions.  Maheu était un ancien agent du FBI et un agent de la CIA.  Ses affaires avec la CIA comprenaient la surveillance de l’invasion de la baie de cochons de Cuba, ainsi qu’un complot visant à assassiner Fidel Castro. Appelant à la fierté civique-avec un indice probable qu’ils pourraient récupérer les affaires de casino de La Havane que Castro avait confisqué, Maheu a enrôlé l’aide de Roselli et l’organisation de Giancana pour conduire le coup.  Le coup n’a jamais eu lieu, mais Maheu a gardé la connexion avec le « mob ».  Quand Howard avait besoin d’un arbitre pour ses achats de casino, Roselli était le candidat parfait (Michael Drosnin, 73) ».

Partie 10

La Nouvelle-Orléans est devenue l’un des endroits privilégiés des mercenaires anticastristes, qui peuvent d’entraîner dans le Bayou sans craindre d’être poursuivis par la police qui ne s’y aventure pas trop.  De nombreuses caches d’armes y sont créées, via des incessants aller-retour d’avions provenant du Guatemala, du Honduras ou de l’Equateur.  Les exilés cubains présents sont manipulés par la CIA et les militaires US, et leur direction inepte où l’on trouve des cas pathologiques tels que Curtis le May, qui ne souhaite qu’une chose :  que l’on aboutisse à un conflit mondial pour que le gigantesque arsenal qu’il a accumulé serve à quelque chose.  A savoir à anéantir l’URSS, l’ennemi communiste juré dont il a fait personnellement une obsession.  Le Maccarthysme marque en effet encore énormément l’état d’esprit des pontes de l’armée des Etats-Unis dans les années 60, ce qui implique également une intense activité d’espionnage dans laquelle Lee Harvey Oswald a eu sa carte à jouer, chaperonné de loin par un faucon nommé James Angleton, ou par un autre parrain de la CIA, prêts à tout pour arriver à leurs fins anticommunistes.

La Nouvelle-Orléans, ce nœud de vipères


Car la Nouvelle-Orléans était …. aussi le centre de l’activité principale de l’exil cubain avec il est vrai aussi la Floride.  Deux ans après l’échec cuisant de la Baie des Cochons, certains envisagent quand même de rééditer l’attaque de l’île, visiblement.  A la Nouvelle-Orléans ou à Miami, en 1963, on célèbre les martyrs de la cause cubaine en espérant toujours renverser Castro.  « La Louisiane, à l’été 1963, a été le théâtre de deux nouvelles opérations montées contre Castro par la DRE ( de « Directorio Revolucionario Estudiantil »), des éléments du crime organisé, et une coalition d’autres organisations cubaines.  Ces opérations sont tombées dans une tendance plus générale de l’activité anti – Castro dont le siège était à Miami, où s’est déplacé Oswald.  Au cours de la troisième semaine de juillet 1963, le FBI a ainsi découvert un plan pour bombarder Cuba à partir d’un zone près de la Nouvelle-Orléans. Devaient participer à l’opération les membres du crime organisé, des éléments de la DRE ayant des liens avec la Havane et la région de New Orleans.  À la fin de juillet 1963, le FBI a reçu un tuyau d’un cubain de Miami nommé Orlando Pedroso Armores ».

Un amoncellement de munitions


« Pedroso avait affirmé avoir inspecté certaines des bombes d’entraînement remplies de sable dans une maison en Louisiane. Les Cubains qui se trouvaient là attendaient deux avions B-26 avec de la dynamite et des fusibles pour fabriquer des bombes réelles.  Pedroso a dit que la DRE était derrière pour planifier et attaquer Cuba à partir d’une piste d’atterrissage située à quelque milles de la maison.  Immédiatement la CIA a nié tout lien avec l’opération , et le ministère de la Justice a ordonné au FBI d’enquêter sur elle » (le ministre étant… Robert Kennedy, en cheville avec les conjurés !).  « Pedroso a décrit plus en détail trois Cubains qui l’avaient aidé sur place, deux de Miami et un de la Nouvelle-Orléans, et le fait que le FBI avait découvert que le break dans lequel il avait voyagé avait été loué à Miami par un membre de la DRE nommé John Koch.  « Gene Koch » comme il préférait être appelé figurait sur une liste de la CIA d’infiltrés de la DRE pour une opération en novembre 1961 et avait assisté au festival mondial de la jeunesse à Helsinki avec d’autres membres de la DRE en juillet 1962 « .

Néanmoins , le bureau du FBI de New Orleans avait montré un remarquable manque d’intérêt dans le cas …  À la fin de juillet le FBI avait découvert que la propriété était co-détenue par William Julius McLaney, de la Nouvelle-Orléans, qui avait travaillé au casino de l’Hôtel National à La Havane avant que Castro n’arrive au pouvoir.  Son frère Mike McLaney était en partie propriétaire du casino.  Mais l’homme clé de l’intrigue pour bombarder Cuba s’est avéré être Victor Espinosa Hernandez, qui avait une longue histoire en tant que révolutionnaire et avait travaillé avec Rolando et Jose Luis Echeverria Cubela, ceux de la DRE originale, en 1957-1958″.


Koch, en fait de son nom à la CIA « AMHINT 26″… alias AMSPELL. « Fin juillet, le FBI avait découvert que la propriété était la copropriété de William Julius McLancy de la Nouvelle-Orléans, qui avait travaillé au casino de l’Hôtel Nacional à La Havane avant la prise de pouvoir de Castro.  Le frère de William, Mike McLancy était le propriétaire partiel du casino.  Mais l’homme clé dans ce dernier complot pour bombarder Cuba s’est avéré être Victor Espinosa Hernandez, qui avait une longue histoire comme révolutionnaire.  Il avait travaillé avec Rolando Cubela et Jose Luis Echcverria de l’original DRE en 1957-58, pour l’acquisition d’armes pour les tentatives d’assassinat sur les fonctionnaires Batista.  Au moment où  il quitta Cuba en 1960, il avait appris à connaître les frères McLaney à l’Hôtel Nacional, et il a cité McLaney comme une référence ».

Un armement conséquent


La CIA et ses hommes de l’ombre, repérés ici par… le FBI (toujours la même antinomie) : « Koch, également associé de David Ferrie, a été arrêté le 31 juillet 1963 lorsque le FBI a saisi une cache illégale de dynamite de la DRE  sur le lac Pontchartrain à La Combe. Selon l’agence Associated Press, des agents du FBI se sont abattus sur une maison dans une zone de villégiature et ont saisi plus d’une tonne de dynamite et 20 carcasses de bombes. Une source bien informée a déclaré que les explosifs faisaient partie d’un lot devant être utilisé à Cuba.


Mais le FBI ne dit pas que les documents ont été saisis dans le cadre d’une enquête sur un effort pour mener une opération militaire des États-Unis contre un pays avec lequel les États-Unis sont en paix …  Les matériaux saisis par le FBI comprenaient 48 cas de dynamite, 20 freins de bouches de fusil, des fusils M-1, grenades et 55 gallons de napalm.  Le FBI a arrêté deux hommes: Sam Benton, qui conduit à William McClaney et les Cubains anti-Castro, et Richard Lauchli, co-fondateur des Minutemen et un ami proche de Jack Ruby.  En réponse aux questions du FBI, Carlos Hernandez a invoqué le cinquième amendement à propos de la dynamite, et a dit qu’il était associé à Manuel Artime.  Le FBI a interrogé Victor Paneque au sujet des explosifs.  Carlos Quiroga a déclaré au bureau du procureur de la Nouvelle-Orléans que Victor Paneque était en charge de la formation dans ce camp.  La CIA a rapporté: «Son dossier ne contient aucune aucune indication sur des liens avec la zone de LaCombe, en Louisiane ».  Les photos présentées ici de l’armement conséquent sont celles prises par les cubains lors de l’échec de la Baie des Cochons.

Oswald et les anticastristes


Oswald (ici en train de distribuer des tracts pro-cubains à la Nouvelle-Orléans) aurait-il préparé quelque chose avec des exilés cubains opposés à Castro ? oui, répondent deux sœurs, Annoe et Sylvia, qui habitent Dallas, dont le témoignage est aussi passé à la trappe lors des auditions de la commission Warren. Pourtant, ce qu’elles ont à dire est… sidérant.  Car ce n’est plus la branche d’extrême droite des exilés, mais celle de la gauche de la Junta Revolucionaria (ou JURE), cette fois.  La plus jeune, Sylvia, se présente ainsi : en novembre 1963, Sylvia Odio a 26 ans.  Née le 4 mai 1937 à La Havane (Cuba), elle s’exile aux États-Unis en mars 1963.  La raison en est toute simple :  elles ne souhaite pas subir le même sort que ses parents, emprisonnés en 1962 pour s’être opposés à Fidel Castro, en vendant notamment des armes aux anti-castristes.  Sylvia – il est très important de le préciser – participa à la création de la JURE (pour Junta Revolutionaria, c’est-à-dire la Junte Révolutionnaire (la révolution cubaine organisée par Fidel Castro avait permis à celui-ci de renverser le dictateur Fulgencio Batista et de prendre le pouvoir le 1er janvier 1959)).  Or voici ce qu’elle raconte :  « Un soir de septembre 1963 (le mercredi 25, le jeudi 26 ou le vendredi 27), soit deux mois avant l’assassinat de Kennedy, trois hommes se présentent à son domicile.  C’est sa sœur Annie qui va ouvrir la porte.  Ce simple fait permet déjà d’exclure tout mensonge de la part de Sylvia sur cette visite, puisque sa sœur confirme ces faits :  trois hommes rendirent visite à Sylvia Odio un soir de septembre 1963, c’est indiscutable (et là, pour le coup, je suis catégorique !  (alors que ceux qui ont parcouru plusieurs pages de ce site ont pu s’apercevoir que j’essaye toujours de préciser « pour moi », « selon moi… »). 

Un Oswald déconcertant

« Les visiteurs demandent alors à Annie de voir Sylvia, qui arrive peu après.  Si l’on en croit cette dernière, deux d’entre eux se présentent comme étant des Cubains membres de la fameuse JURE. Conformément au règlement de l’organisation, ils ne citent que leurs noms de guerre : Leopoldo et Angelo.  Et le troisième dans tout ça ?  C’est là que ça devient intéressant.  Il est américain. Il s’appelle – d’après Leopoldo – Leon Oswald (non, il ne s’agit pas d’une faute d’orthographe.  C’est bel et bien « Leon »).  Je pense que vous avez fait le lien avec un bonhomme dont les initiales sont LHO.  Leopoldo (des trois hommes, il est le seul à prendre la parole) explique ensuite à Sylvia qu’ils viennent de la Nouvelle-Orléans et souhaitent lever des fonds pour des actions anti-castristes.  Ils ont besoin de l’aide de Sylvia pour traduire des lettres (initialement écrites en espagnol) en anglais pour les envoyer à des donateurs américains ».  Selon Sylvia, l’homme qui était venu l’avait rappelé le lendemain en affirmant que « Leon » était un peu fou, et serait capable de tuer aussi bien Castro que… Kennedy.  Elle-même trouvera le propos ‘forcé » : encore une fois, on avait tenu à fabriquer un personnage plutôt excité.  Beaucoup pensent que le témoignage de l’exilée cherchait plutôt à mélanger organisme de gauche anti-castriste et Lee Harvey (Garrison tient la visite comme réelle).  

Ce qui se tient, tant les projecteurs étaient tournés alors vers… l’extrême droite exilée seulement !  Question timing, c’est un peu juste en effet :  le 26 au matin, Oswald est déjà assis dans le bus Houston-Laredo, qui l’emmène au Mexique, parti rencontrer Joannides de qui il aurait reçu les plans de l’attentat (ou aurait reçu l’ordre d’être présent dans la bibliothèque, car, à ce jour encore, on n’a toujours pas de preuve formelle que ce soit lui qui ait tiré de l’étage du bâtiment) !  « Le comportement d’Oswald à la Nouvelle-Orléans est déconcertant.  Après avoir trouvé un emploi subalterne qui ne l’intéresse guère il reprend des activités politiques pour le moins contradictoires.  Tout d’abord il essaie manifestement d’infiltrer les milieux anticastristes en prenant contact avec Carlos Bringuier responsable de l’association des étudiants cubains.  Il lui fait part de ses intentions et fait valoir auprès de ce dernier de réelles capacités de lutte et d’aptitudes à organiser ou à contrer des actions de guérilla étant donné son passé de Marine.  Paradoxalement, peu de temps après, il se fait remarquer en distribuant des tracts pro-castristes sur la voie publique.  A cette occasion, il se met bien en évidence, de façon à ce qu’on le remarque. Voilà des attitudes bien étranges et peu habituelles chez Oswald qu’on présente volontiers comme un être reclus, discret et peu communicatif ».  Le personnage est plus qu’intriguant : à se demander s’il agît de lui-même… ou si on lui dictait plutôt des attitudes !

Provoquer un conflit mondial ?


Kennedy mort, l’idée de faire d’Oswald un espion communiste aux yeux de la population tente fort la commission Warren chargé d’enquêter officiellement.  Ce qui laisserait entendre, soyons clair, que la balade russe d’Oswald aurait été préméditée, ou plus exactement que celle du « pigeon » Oswald avait déjà été prévue dès… 1960 et son voyage en URSS, ce qui fait froid dans le dos, tant cela signifie que les préparatifs de l’assassinat de Kennedy ont démarré bien avant qu’on ne le pense de prime abord.  On songe aussitôt au beau discours anti-complexe militaro-industriel d’Eisenhower qui aurait déjà brusqué le mouvement d’une fronde de militaires opposés à l’abaissement de la supériorité militaire affichée par les Etats-Unis dans le monde, dans les années 50.  Ces fêlés à la Curtis le May seraient-ils allés jusqu’à provoquer un conflit nucléaire en accusant un agent communiste fabriqué de toutes pièces d’avoir assassiné le président américain ?  A bien regarder, la thèse, quoiqu’effrayante, se tient, et surtout explique ses longs préparatifs, nés à la sortie du discours d’Eisenhower annonçant le danger que représentait le lobby de ces militaires tant désireux de jouer avec leurs bombes nucléaires en tant réel !  Cela expliquerait beaucoup de choses de l’étonnante et trop courte carrière d’Oswald au pays des soviets en tout cas !!!  Si on y ajoutait une pincée de peur des bombardements atomiques, le cocktail destiné a rendre paranoïaque la nation américaine était parfait ! On y courrait direct, si les américains découvraient le lendemain de l’assassinat de leur président que c’était l’URSS qui l’avait fomenté !!!

Tout avait été soigneusement préparé


Les gens qui souhaitaient ardemment ce conflit mondial, dont l’équipe entourant Curtis LeMay et de Hoyt Sanford Vandenberg, ces deux grands malades, avaient bien tout prévu et tout mis en place pour faire porter le chapeau… à Fidel Castro.  Alors que peu de photos émergeaient de la lutte castriste, les médias US, étrangement, appuyaient plus qu’il ne faut sur l’équipement en armes du leader cubain.  On pu lire des tartines complètes, sur la tactique inaugurée par Fidel consistant à utiliser des « snipers » plutôt que des brigades de fantassins.  On le vit poser avec des fusils, tous portant étrangement une lunette de visée à distance.  On insista lourdement sur celui offert par l’égérie de la révolution, Celia Sanchez  :  un fusil à lunette bien sûr !  Si Fidel Castro en faisait lui-même une propagande éhontée (une petite équipe de snipers damant le pion à l’armada américaine débarquée de cargos et d’engins de débarquement, ce qui était plutôt une analyse stratégique réfléchie, tant Castro avait peu de moyens militaires véritables !), la CIA avait vite compris l’usage inverse qu’elle pouvait en faire, le jour où l’on arrêterait un « terroriste » équipé du même équipement.

Une préparation des esprits via des images sélectionnées


L’idéal étant que ce ne soient pas quand même les armes « oubliées » par l’expédition de la Baie des Cochons, équipée on va le voir, massivement en fusils M1941 Johnson ou en Carcano comme on a déjà pu le dire ici.  L’équipe qui préparait d’un côté l’assassinat du leader cubain au fusil à lunette, préparait dans l’autre sens le public américain à un attentat possible des hommes de Fidel sur le territoire américain, avec les mêmes armes. Plus le « teasing » publicitaire sur les « telescopic rifles » des castristes passerait en boucle sur les TV américaines, ou était en une de LIFE (on n’insistera jamais assez sur le rôle du couple Luce, il me semble), et plus un événement mettant en cause un engin pareil serait inévitablement relié dans l’inconscient de l’américain moyen aux cubains, et à travers eux aux communistes honnis.  La guerre nucléaire en serait d’autant plus proche.  A la CIA, une équipe spéciale s’occupait de remplir les magazines, les journaux ou les écrans télévisés pour préparer le public à cette funeste éventualité.  Nous verrons un peu plus loin laquelle exactement.


Le trouble-fête russe


Or un événement inattendu va bouleverser ces plans infernaux.  Début 1964, un colonel en activité du KGB, qui avait déjà approché en 1962 à Genève des gens de la CIA vient jouer les trouble-fête. Iouri Nossenko (ici en haut), c’est son nom, demande officiellement à ses contacts de la CIA de passer à l‘Ouest, arguant qu’il a été découvert et qu‘il est désormais menacé en URSS.  

Il ajoute surtout qu‘il a des révélations importantes à faire sur l‘assassinat du président Kennedy !  

Nossenko prétendait en effet avoir participé aux interrogatoires qu’aurait subies Oswald, que le KGB n’aurait pas retenu, selon lui, le jugeant bien trop instable :  pour en faire un agent communiste aux yeux de l’opinion américaine, le témoignage de Nossenko devenait embarrassant. Embarras certain et patent à la CIA, car au même moment les USA ont hérité d’un second défecteur, réfugié cette fois en Angleterre, Anatoli Golitsyne, qui affole l’agence en déclarant que le KGB est en train d’installer à l‘Ouest de faux « défecteurs » dans le but de provoquer le chaos dans tous les services occidentaux.  

Cette histoire aura une répercussion inattendue mais qu’il nous faut à tout prix retenir.  Car au même moment siège la commission Warren, qui, on le sait, tente par tous les moyens de faire d’Oswald un espion communiste présentable.  Le cas Nossenko embarrasse énormément Helms, qui ne sait trop bien quoi en penser.  Si la commission Warren demande à le faire déposer, c’est fichu pour la trop belle thèse de l’espion russe ayant tué le président américain, Nossenko allant raconter que les russes ne l’avaient pas retenu comme agent retourné fiable.  Pour s’assurer de ses dires, Helms décida d’employer la manière forte : il fit torturer Nossenko !  Ce sera fait dans un endroit qui ressemble fort aux cellules de « rendition » que l’on verra 40 ans plus tard !!!  En 2008, l’année du décès du transfuge russe, c’est Michael Hayden en personne qui viendra s’excuser des traitements infligés en lui remettant même un drapeau américain en dédommagement.  

En 1969 seulement, le 1er mars, Nossenko avait gagné le droit de rester incognito aux Etats-Unis et avait reçu 80 000 dollars déjà en forme d’excuse par la CIA.  On découvrira les tortures infligées au transfuge lors de la révélation de 1973 des fameux « Family Jewels » ces fiches de la CIA dévoilées en masse.  Sinon, ce serait resté dans l’ombre !!!

La continuation directe du projet Bloodstone

Cette stratégie de confinement de la Russie avait été expliquée il y a bien longtemps dans le projet Bloodstone dont l’ouvrage éponyme montrait les circonvolutions.  Tout datait de 1948, et les politiciens américains y étaient visiblement restés comme scotchés, nous explique en 1988 Christopher Simpson. Dans leur frénésie à contenir à tout prix le bloc soviétique, les américains, on l’a vu à plusieurs reprises ici, en été arrivés à recruter des nazis qui, c’est le moins qu’on puisse dire, avaient pour le moins déteint sur leur comportement.  Selon ce projet, les activités de la CIA se positionnaient au bord d’un fonctionnement mafieux, dont voici les points clés :

– Recrutement de transfuges, voulant ou ayant quitté l’URSS et rallier l’Ouest ;

– Recrutement et utilisation de toutes organisations d’extrême-droite, officielles ou non, mais farouchement anti-communiste ; 

– Recrutement d’anciens militaires et agents nazis, pouvant être employé contre l’URSS ;

– Création d’une unité spécifique, pouvant être utilisée pour des assassinats et des enlèvements et aussi des missions de sabotage ;

– Possibilités d’être employé pour des opérations anti-communistes, de « guerre clandestine » et de « subversion ».

« La réflexion stratégique derrière les tactiques États-Unis durant cette période est la mieux résumée dans un document top secret issu du national la directive du Conseil de sécurité et un groupe de soutien des documents de politique qui sont connus collectivement sous le NSC 20.  Ces documents, qui ont été établis principalement par George Kennan et son état-major de planification de politique (SPA), ont été formellement adoptées par le NSC de Truman en août 1948.  Ils méritent une citation assez longue, car ils ont fourni le cadre politique de base pour les opérations américaines clandestines contre les Soviétiques, y compris l’utilisation d’anciens collaborateurs nazis, pour la durée restante du mandat de Truman.(… !) ».  

D’un côté donc d’anciens nazis, et de l’autres des transfuges communistes.  « Les organisations d’exilés anti-communistes sont citées comme l’un des principaux vecteurs de la création de la crise interne désirée (en URSS).  « A l’heure actuelle, » Kennan poursuit, « il y a un certain nombre d’intéressants et puissants groupements politiques parmi les exilés russes… N’importe lequel serait probablement préférable pour le gouvernement soviétique, à partir de notre point de vue, que les dirigeants actuels de la Russie (…).  « Nous devons faire un effort déterminé pour éviter de prendre la responsabilité de décider qui serait la règle en Russie dans le sillage de la désintégration du régime soviétique.  Notre meilleure solution serait de permettre à tous les éléments exilés de retourner en Russie aussi rapidement que possible et de voir à ce, dans la mesure où cela dépend de nous, s’ils ont tous donné l’occasion à peu près égale d’établir leurs offres pour le pouvoir » ….

Des transfuges choyés

D’où l’entretien coûteux d’une communauté anti-soviétique aux États-Unis, comme les USA le feront avec les exilés cubains qui bénéficieront d’une manne financière conséquente et d’un soutien évident de la CIA et où figuraient ces anciens nazis, qui influaient directement sur la politique américaine en la droitisant fortement.  Et De Mohrenschildt, à la fois anticommuniste et pro-nazi correspondait parfaitement à cette description.  Il ne pouvait que plaire à la frange droitière qui détestait tant le clan Kennedy, accusé d’avoir trahi à Cuba, en se faisant élire grâce à l’aide de la mafia pour mieux la poursuivre après.  « Bloodstone s’est avéré être une porte ouverte par laquelle des dizaines de chefs d’organisations nazies collaborationnistes vus comme étant utiles à la guerre politique en Europe de l’Est sont entrés aux États-Unis (…) une correspondance top secrète, évoquait des efforts pour utiliser « des socialistes, des syndicats, des intellectuels, des groupes d’extrême droite et les autres » pour la distribution de « tracts, de publications, de magazines ou l’utilisation de.. . La radio  » qui ont été secrètement financés par le gouvernement américain ».  Bref, le projet Bloodstone contenait déjà les germes d’un autre projet, le projet Mockinbird, que l’on étudiera un peu plus loin !

L’avis de James Angleton sur la question


C’est James Angleton, l’homme a la tête du contre-espionnage américain de 1954 à 1974, et sa parano envahissante sinon débordante qui va gripper tout le système mis en place autour de l’image d’Oswald, ce trop parfait communiste, en réalité :  avec lui, l’arrivée d’un nouveau transfuge va provoquer un séisme dans ce qui devait être un rapport vite bouclé et une conclusion toute trouvée. « L’arrivée aux Etats-Unis de l’officier soviétique se produisait à un nouveau moment crucial pour la communauté américaine du renseignement.  

Deux mois auparavant, le 22 novembre 1963, le président John Fitzgerald Kennedy avait été assassiné par Lee Harvey Oswald à Dallas. Toutes les agences fédérales de sécurité s’affrontaient sur toutes les hypothèses, futures thèses conspirationnistes, depuis le complot mafieux jusqu’à l’acte de guerre castriste et, de fait, soviétique.  Angleton penchait pour cette dernière, «  sgpointer/htlingual » ayant fait resurgir trois lettres d’Elya Irma Soboleva, domiciliée Pushkinskaya Street 10-111, à Leningrad, datées du 15 septembre, 1er novembre et 10 décembre 1962, à Marina Oswald, née Prusakova. Vérification faite de l’adresse, le chef du Counter intelligence Staff de la CIA découvrit qu’il s’agissait du domicile d’Igor Pavel Sobolev, résident du KGB à Vienne de 1957 à 1962.  

Cet élément probant confirmait l’affirmation de Golitsine selon laquelle l’assassinat était en liaison avec l’entreprise de déstabilisation de Castro.  Déjà, une « opération mouillée » (une élimination physique dans le langage du KGB) avait été projetée contre le vice-président d’Eisenhower, Richard Nixon ». 


« Voilà qui n’était pas pour apaiser la paranoïa de celui qu’on surnommait « l’homme aux orchidées » ou « le fantôme gris » qui va alors tout faire pour empêcher la comparution de Nossenko à la commission, ce qui serait désastreux pour elle.  

Angleton se méfiait, car aux deux tests de détecteur de mensonges de Nossenko, l’appareil avait conclu qu’il avait menti sur Oswald !!! Bref, on continuait côté US à hésiter sur le sort du transfuge… ou sur l’avis à donner sur le cas troublant d’Oswald !  En tout cas pas de quoi convaincre une commission, et encore moins de l’aider !!  « Angleton transmit cette hypothèse au FBI et obtint de la CIA que le témoignage de Nossenko ne fût pas présenté devant la Commission présidentielle sur l’assassinat du Président Kennedy, présidée par le président de la Cour suprême, Earl Warren », nous rappelle Gérard Arboit dans son passionnant livre, qui ajoute un élément crucial :  « grâce au soutien de ses amis Allen Welsh Dulles, qui en était membre, et Richard Helms, il prit même le contrôle de ce que l’Agence y dirait, déléguant son adjoint Ray Rocca pour la représenter, tandis que le chef du SIG (Special Investigative Group), Birch D. O’Neal, assurait la liaison avec le FBI.  Depuis le 4 avril, et ce jusqu’au 28 octobre 1967, Iouri Ivanovitch Nossenko était l’hôte involontaire de la CIA à Camp Peary (la très médiatique Farm), près de Williamsburg, en Virginie ».  On venait ainsi d’apprendre par la bande, grâce à un espion défecteur russe aux agissements bizarres, que la commission Warren était bien une commission fantoche dont les maîtres d’œuvre s’appelaient Dulles et Helms, qui lui dictaient directement leurs conclusions, et elles seules !!!

Angleton était-il derrière la création d’un Oswald comme espion russe ?


Angleton (ci-dessus portant l’urne funéraire contenant les cendre de Dulles, en 1969) avait donc eu tout faux :  « Il est intéressant de noter que peu d’historiens de la CIA ou de la présidence Kennedy souscrivent à la théorie de Angleton aujourd’hui, et même Epstein a reculé devant celle-ci. 

Mais comme l’officier de la CIA à la retraite Cleveland Cram l’avait noté dans un commentaire foudroyant envers le Center for the Study of Intelligence, la « légende » d’Epstein s’est avérée être un « énorme stimulant pour la thèse de la tromperie en suggérant que Yuriy Nosenko, un transfuge soviétique, avait été envoyé par le KGB pour fournir une histoire de couverture à Lee Harvey Oswald qui, présumait le livre, était un agent du KGB « . De là à conclure qu’Angleton avait tout manigancé, fait fabriquer les fausses photos ou placé Oswald entre les mains du couple infernal des époux Paine, qui l’avaient lavé psychologiquement, pour en faire un espion présentable, il n’y a qu’un pas qu’on franchira aisément :  ce que chercherait plus tard Angleton dans le livret de Mary Pinchot (voir plus loin), était à l’évidence lié au cas d’Oswald… on revient donc à cette pure monstruosité : les gens qui avaient créé de toutes pièces en Oswald un espion russe (« il ne parlait que le russe avec moi » dira Ruth Paine !) avaient comme sinistre projet… d’en accuser l’URSS, et donc de provoquer un conflit mondial qui aurait vite dégénéré en cessation complète du monde…. On pense à Curtis le May, bien sûr.  « En fait, une enquête exhaustive de la CIA a conclu que Nosenko était un véritable transfuge et n’a trouvé aucun fondement aux dires d’Angleton comme quoi les « les Soviétiques étaient à l’origine de cette conspiration de la haine.  À ce jour, il n’existe aucune preuve qu’Oswald ait été un agent du KGB » note l’auteur.

La rétention de savoir d’Helms

Une fois Kennedy assassiné, Richard Helms se retrouvait donc dos au mur, et se voyait contraint par le Congrès US de nommer quelqu’un pour faire une enquête interne au sein même de la CIA, qui aurait donc failli sur le sujet.  Il nomme donc John M. Whitten, qui va vite aller de découverte en découverte, le pauvre.  Il découvre ainsi que Lee Harvey Oswald a été photographié au consulat cubain au début d’octobre, 1963 et qu’il a également été visiter l’ambassade soviétique à Mexico (pour demander un visa pour y retourner !).  C’est Winston Scott, le chef de la CIA à Mexico qui le lui apprend !  En fait, Whitten découvre qu’Helms ne lui a rien dit sur le cas Oswald : malgré son « fichier 201 » issu du Groupe Spécial d’Investigation de contre-espionnage d’Angleton.  Si à la CIA cela semble flou, au FBI c’est l’avalanche :  Whitten se retrouve noyé sous les rapports de surveillance sur Oswald.  Avec Birch O’Neal, l’adjoint de confiance d’Angleton, Whitten découvrira à quel point Helms avait fait de la rétention sur le dossier Oswald.  Et surtout les derniers mois, notamment les étranges relations et contacts qu’Oswald avait eus avec Joannides, lui-même en cheville avec le Directorio Revolucionario Estudiantil (DRE).  Pour quelqu’un ayant agi tout seul, Oswald rencontrait beaucoup trop de gens !  Intrigué, Whitten ira demander des explications à Helms… pour se faire proprement éconduire :  « Whitten a eu une réunion avec Helms où il a fait valoir que les activités politiques pro-Castro d’Oswald nécessitaient un examen plus approfondi, en particulier sa tentative de tirer sur le général Edwin Walker, sa relation avec les exilés anti-castristes à la Nouvelle-Orléans, et son soutien public au parti pro-castro Fair Play for Cuba Committee.  Whitten a ajouté qu’on lui avait refusé cette information, ses premières conclusions sur l’assassinat étant « complètement hors de propos. »  Helms a répondu en retirant l’affaire à Whitten.  James Jesus Angleton, chef de la Direction du contre-espionnage de la CIA, avait alors repris en charge l’enquête« . Devant le HSCA, Whitten aura des mots très durs envers Helms :  « Je pense que c’était un acte moralement hautement répréhensible, qu’il ne peut pas justifier sous le serment de son travail ou sous toute autre norme de service professionnel. »  Il en profitera aussi pour charger Angleton, ce qui n’était pas difficile à faire tant son enquête sur Oswald tournera au fiasco avec ses obsessions de complot russe partout.  Whitten ira jusqu’à affirmer qu’il avait découvert des liens entre la CIA et la Mafia, avec des versements d’argent faits sur des comptes off-shore.  Il citera à ce propos et à nouveau Johannides comme contact privilégié d’Oswald…  Bref, ce n’était pas l’homme à écouter, en 1964 !

Le lobby militaire dans ses œuvres


En 1962, Kennedy se bat avec un budget et commence à envisager des coupes sombres dans celui de l’armée.  Le 30 mars 1963, il fait annoncer par McNamara McNamara la fermeture de 52 installations militaires dans tout le pays auquel il ajoute 21 bases à l’étranger.  Ça proteste de partout !  Son discours n’est pas celui du renforcement d’armes d’attaque bien au contraire  :  « le but primordial de nos armes est la paix, pas la guerre -pour s’assurer qu’elles ne doivent jamais être utilisées – pour dissuader toutes les guerres, générales ou limitées, nucléaire ou conventionnelle, grande ou petite – pour convaincre tous les agresseurs potentiels que n’importe quelle attaque serait futile – pour fournir un soutien pour le règlement diplomatique des querelles – pour assurer l’adéquation de notre pouvoir de négociation pour une fin de la course aux armements. Les problèmes de base faisant face au monde ne sont pas susceptibles aujourd’hui d’une solution militaire.  Ni notre stratégie, ni notre psychologie en tant que nation – et certainement pas notre économie – ne doivent devenir dépendantes de la maintenance permanente d’un grand establishment militaire.  Notre position militaire doit être suffisamment flexible et sous contrôle pour être compatible avec nos efforts pour explorer toutes les possibilités et prendre toute mesure pour diminuer les tensions, obtenir des solutions pacifiques et sécuriser les limitations des armements.  La diplomatie et la défense ne sont plus des alternatives distinctes, l’une doit être utilisée là où l’autre échoue – toutes les deux doivent se compléter l’une l’autre… »


Il décide donc de ne pas suivre les recommandations de ces militaires, qui construisent pourtant des projets dantesques.  Mais Kennedy est un prosaïque et un fieffé politicien.  En 1962, c’est Republic Aviation qui menace de fermer à Long Island, ce qui aurait mis 20 000 personnes à la rue…  Pour les calmer, en pensant déjà à sa prochaine réélection, Kennedy fait donc verser 1,3 milliards de dollars des fonds de la Défense, prenant de cours les militaires qui en demandaient 10 au minimum.  Le 25 février 1962, l’Air Force et North American (Chance Vought et Lockheed apparaissent aussi dans la construction) présentent ainsi à la presse le fabuleux projet de bombardier B-70, bien que Kennedy ait persisté dans son refus de débloquer les fonds.  C’est une dernière tentative de lui forcer la main :  Eisenhower l’avait déjà rejeté (mais avait octroyé une rallonge des fonds pour son développement en bon soutien de Nixon !) !  L’engin est magnifique sur le papier mais est déjà obsolète :  les missiles russes sont déjà capables de le détruite en un rien de temps.  Cela n’empêche pas le nouveau Air Force Chief of Staff, arrivé en juillet 1961 et qui s’appelle… Curtis LeMay, de couvrir tous les journaux de publicités (l’une d’entre elle sera faite par un fabricant d’hélices !) ou d’articles dithyrambiques sur l’appareil, notamment dans le Reader’Digest, Popular Mechanics et Aviation Week.  Malgré tous ses efforts, son projet est donc logiquement abandonné.  Deux exemplaires seront néanmoins construits, que Kennedy ne verra pas voler.  1,5 milliard de dollars sont dépensés en pure perte pour faire plaisir aux militaires (un des deux exemplaires s’écrasera après avoir fait une séance de photos publicitaires qui tournera au drame !)


Personne n’avait noté que durant la campagne électorale de 1960, JFK avait dit « je soutiens complètement l’avion piloté XB-70″…  En 1963, Kennedy a toujours les militaires sur le dos, avec qui il doit constamment composer.  Les exilés cubains sont toujours là, ils ont toujours autant envie d’envahir l’île qui les a vus partir, les militaires US les soutiennent toujours, et pour calmer tout le monde, le président, fin politicien, se rend en Floride, dans leur fief, le 29 décembre 1962 et déclare en recevant en cadeau le drapeau des exilés de Cuba (de la célèbre Brigade 2506) :  « Je promets de rendre ce drapeau à une Havane libre. »  Subtilement, il n’indiquait pas par quel moyen il comptait y arriver.  Ni quand ! Il aurait été bien incapable de fixer une date précise, en effet !

La fameuse Brigade


La fameuse Brigade 2506, était sous les ordres de Félix Ismael Rodríguez Mendigutia, de la Central Intelligence Agency, un exilé cubain lui-même qui connaissait parfaitement le terrain, et qui avait reçu son entraînement à partir de septembre 1960 au Guatemala. Formé à Fort Benning, avec l’infâme Posada Carriles, celui qu’on surnommait « le chat » était un tueur à gages de la CIA, impliqué dans de nombreuses disparitions lors de l’opération Condor.  Dans le même temps il dirigeait la base de la CIA au Honduras, Ilopango, et sera l’un des responsables impliqués dans le scandale Iran -Contra. C’est lui que l’on verra pris en photo tenant Che Guevara encore vivant, avant qu’on ne voit le corps du leader allongé sur une brancard posé sur une table, raide mort, atteint de deux rafales.  « Rodríguez donne des instructions pour l’exécution à Mario Terán, un sergent de l’armée bolivienne, afin que les blessures infligées à Guevara aient l’air d’avoir été reçues au cours du combat et qu’elles ne le défigurent pas » indique Wikipedia. C’est la CIA qui prendra les photos du cadavre de Che Guevara, preuve de sa présence sur place.  Les photos d’un Che Guevara capturé vivant (et donc exécuté après) ne paraîtront que beaucoup plus tard.  Rodríguez Mendigutia serait issu du groupe, appelé  » Operation 40″, celui qui se serait « occupé », justement, de Kennedy (40 agents faisaient partie du groupe, d’où son nom).  Selon des sources, c’est Richard Nixon en personne qui aurait recruté l’équipe, sous la direction d’Allen Dulles, les mercenaires sous la direction de Tracy Barnes étant payés par l’argent de pétroliers texans.  Sont de la partie George Bush et Jack Crichton. 




Dans le groupe figurait du beau linge :  David Atlee Phillips, soupçonné d’être l’organisateur des tireurs à Dealey Plaza, David Sanchez Morales (« El Indio ) » – il travaillait à Miami à la JM/WAVE– qui avait participé également au coup d’état au Guatemala contre Arbenz, Ted Shackley, E. Howard Hunt, Frank Sturgis, Barry Seal,Porter Goss et quelques autres. Porter Goss deviendra responsable de la CIA sous Bush Junior, Barry Seal sera celui qui effectuera les livraisons d’armes et de drogue sous Clinton, avec son célèbre C-123 Provider, la coke étant livrée par Pablo Escobar, Hunt sera « plombier » du Watergate sous Nixon, Frank Sturgis, le deuxième plombier de l’expédition nocturne de branchements de micros sera cité dans l’assassinat de Kennedy au même titre que David Atlee Phillips ou Ted Shackley, et E. Howard Hunt.  En mai 1962, « El Indio » avait remis ça avec Theodore Shackley pour l’opération ZR/RIFLE, une énième tentative d’ assassiner Fidel Castro.  Trois ans plus tard, Rodriguez aidera Morales à capturer Che Guevara en Bolivie.  Le groupe des 40 était suffisamment organisé et armé pour s’en prendre à Kennedy nous dit Spartacus :  « Dans une interview qu’il a donné à Jean-Guy Allard, en mai 2005, Fabian Escalante souligné : « qui en 1963 avait les ressources nécessaires pour assassiner Kennedy ?  Qui a eu les moyens et qui avait les motifs pour tuer le président des États-Unis ?  Les agents de la CIA de l’Opération 40 qui étaient farouchement anti-Kennedy.  Et parmi eux il y avait Orlando Bosch, Luis Posada Carriles, Antonio Veciana et Felix Rodriguez Mendigutia « …

Exit les trois clochards

Mais il y a mieux encore chez Sturgis et Hunt : « la Commission Rockefeller du Congrès américain de 1974 a enquêté sur les diverses connexions entre Sturgis et Howard Hunt, ces derniers ayant des connexions avec l’assassinat de John F. Kennedy.  Plus précisément, la Commission a enquêté sur le fait que Sturgis et Howard Hunt étaient agents de la CIA et qu’ils se trouvaient à Dallas et où ils étaient le moment où le coup de feu est parti du tertre d’herbe.  Howard Hunt a notamment été accusé par l’appui de Kerry Wendell Thornley, avec qui il disait avoir eu plusieurs discussions avec Hunt pour des tentatives d’assassinat sur JFK entre 1961 et 1963.  Le magazine Newsweek a publié des photos montrant trois hommes dont deux qui ressemblait fortement à Sturgis et Hunt, que l’on voyait peu de temps après l’assassinat sur la butte herbeuse.  D’après un article de ce dernier magazine Newsweek, un rapport officiel a indiqué que les autorités avait considéré que les deux hommes était des  » clochards de chemins de fer  » se servant des trains comme abris.  Les deux hommes furent relâchés sans complément d’enquête ».  La ligne de chemin de fer longeait l’arrière de la palissade du « grassy knoll ». Les « clochards » avaient été aperçus montant dans des wagons par un aiguilleur qui sera retrouvé mort dans sa voiture quelques années après (j’y reviendrai).  Deux au moins des clochards ressemblaient beaucoup à Sturgis et Hunt, paraissait-il.  L’aiguilleur étant selon le livre Crossfire, de Jim Marrs, l’un des 103 cadavres relevés après la mort de Kennedy et ayant un lien avec cet événement.  Il faudra attendre 1992 pour qu’une journaliste, Mary La Fontaine, retrouve les trois vrais clochards:  Gus W. Abrams, Harold Doyle, et John F. Gedne, qu’elle fera témoigner (les deux derniers ; le premier étant décédé, c’est sa sœur qui répondra).  Pas de Sturgis ni de Hunt dans l’affaire !  Mais pas pour autant la dénégation complète de la présence sur place des agents de la CIA !

La menace intérieure


Il n’y a pas que les anticastristes à en vouloir à Kennedy.  Si la vision des relations avec les russes de Kennedy après l’affaire des missiles est devenue plus sereine, à l’intérieur, la grogne existe chez ceux qui sont les principaux bénéficiaires des contrats militaires.  On songe à Bell, qui doit son immense succès à la guerre du Viet-Nam (Hollywood le popularisera assez en effet), mais d’autres font grise mine.  Ce sont les mêmes qu’avait déçus la fin de la Guerre de Corée.


Des passéistes ; mais surtout des profiteurs de guerre :  « le Président de la Standard Oil of Californie, la société la plus directement concernée par la Guerre de Corée, avait déclaré en 1953 : « Deux sortes de paix peuvent être envisagées.  L’une permettrait aux Etats-Unis de continuer son réarmement et maintenir des forces militaires importantes en Extrême-Orient ; cela aurait un très petit effet sur l’industrie, puisque la maintenance d’une armée de temps de paix exige presque autant de pétrole qu’en temps de guerre.  Mais s’il devait y avoir une grande amélioration des relations entre le
s Etats-Unis et l’Union Soviétique et en particulier un accord de désarmement, le coup à l’industrie pétrolière et au reste de l’économie serait énorme. »  Voilà vers qui il nous faut nous diriger pour chercher qui aurait pu être tenté d’écarter de leur route un président qui parlait aussi de paix.  Parfois, cela va donner des scènes dignes d’Hollywood raconte Laura Knight-Jadczyk :  « le 4 avril 1962, le général Walker a porté témoignage devant le comité (où l’on vient d’annoncer les coupe sombres dans l’Armée).  Comme il quittait la pièce d’audition, le journaliste Tom Kelly du Washington « Daily News » a demandé s’il avait un commentaire à faire.  La réponse du général fut un coup de poing dans le nez ».  Du bourre-pif, aurait dit Lautner, on passe facilement à l’éparpillement par petits bouts façon puzzle… chez les militaires, c’est bien connu.

TF121