Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 25 novembre 2017

« El Chapo » et les avions 9


Avec tout ce que je viens de vous dire dans les épisodes précédents, vous avez compris à quel point le Honduras est devenu attirant pour un gars comme El Chapo : des institutions corrompues, une armée et une police soudoyées, le fils de président qui finit derrière les barreaux… avouez que comme terre d’accueil, Guzman ne pouvait rêver mieux.  Au point de venir s’y implanter, et d’y faire construite une villa dans une ville où les narco-trafiquants sont très bien installés, tant et si bien que lorsqu’ils décident de faire la fête, ils les font dans les mairies qui accueillent leurs agapes !!!  Un Honduras doté aussi d’îles pouvant servir de relais discrets au trafic, dont celles d’Utila et de Roatan, qui ont souvent été citées ces dernière années pour des atterrissages ou des crash d’avions clandestins remplis de cocaïne.  Des trafiquants omniprésents, sur place, au point d’être aussi tentés par la politique…

Le fameux Gulfstream abandonné,  « un cadeau au président » !


Au Honduras, les avions ne s’écrasent pas toujours.  Quatorze ans plus tard après la première découverte d’un premier Gulfstream abandonné, l’histoire semble balbutier.  Le 24 février 2006 à 11H23 du soir, un jet avait en effet été de nouveau découvert « abandonné » sur l’aérodrome  de Toncontín, au Honduras. 

Un Gulfstream immatriculé au Mexique (XB-JPL), dont La Prensa affirmait que c’était celui d’un proche du président de l’époque Manuel Zelaya.  Les deux pilotes descendus, Carlos Enrique Messner (toujours le même, donc !) et Federico Riviello s’étaient après enfuis, en prenant un vol commercial classique, ayant prétexté un « ennui mécanique » pour poser l’avion.  Officiellement, l’appareil devait attendre sur place son prochain acheteur.  Mieux encore, puisque Messner avait alors déclaré que l’avion était en fait « un «cadeau pour le président » sans plus de précisions.  Un avion dont le propriétaire réel n’était autre qu’El Chapo Guzman !!!  L’avion, saisi par le gouvernement, sera revendu une bouchée de pain (736 000 dollars seulement), laissant entendre une belle entourloupe… comme je l’ai déjà expliqué : « l’avion cité, finalement saisi par le gouvernement , a une histoire intéressante : celle d’une entourloupe gouvernementale.  Il est d’abord le N900CE de Cashman Equipment Corp, Boston MA, puis le N555LG d’Integrity Aircraft Inc, puis le N51TJ de Tyler Jet LLC en 1999, puis le N667CX d’ Air LLC en 2000 (ici photographié en 2004). 

Et devient le XB-JPL en 2005.  L’avion était auparavant attaché à l’aéroport de New Canaan, près de Sairfield, dans le Connecticut sous le numéro N667CX. Le 28 novembre, il est acheté par un dénommé Mario Alberto Andrade Mora le vendeur est le broker Oslo Express Inc, société dirigée par John B. Kjekstad. Lors de la transaction, Mario Alberto Andrade Mora est représenté par Carlos Ruelas García, l’envoyé d’ »AeroFox », une « Sociedad Anónima de Capital Variable ».  Une clause particulière est écrite dans le contrat : l’avion n’a pas le droit de circuler au Mexique sans l’autorisation express d’un représentant du vendeur, Omar Mercado López.  Qui de cette manière reste encore son propriétaire véritable !  Le contrat de Mora ne lui donne pas l’usufruit complet de l’avion ! Sinon, c’est 950 000 dollars d’amende à payer parait-il !  L’avion est donc… mexicain, et ne peut pas circuler librement !!!


Le 24 février 2006, pourtant, l’avion quitte le Mexique pour le Honduras, emmené par ses deux pilotes Carlos Messner et Federico Rivielo.  A peine arrivé, et alors qu’Omar Mercado López le réclame déjà, les deux pilotes prétextent une défaillance mécanique survenue à l’aéroport Toncontin de Tegucigalpa, pour ne pas rentrer à leur base.  Vite déclaré abandonné, l’avion est mis aux enchères 250 000 dollars seulement, que s’empresse de régler le groupe SCF, dans lequel on soupçonne de hauts fonctionnaires honduriens. »

Le cadeau à Zelaya


Pour beaucoup, en effet, c’est Mario Alberto Andrade Mora, au contrat d’achat mal rédigé, qui aurait ainsi « offert » l’avion a Manuel Zelaya Rosales, qui en hérité à un prix très (très) inférieur au marché.  L’avion vaut en réalité 2 millions de dollars…. il devient alors XB-JPL et a comme détenteur depuis le « Ministerio Publico de Honduras » sous le numéro HR-AUJ. 

Manuel Zelaya Rosales ne pourra même pas s’en servir pour quitter le pays lors du coup de force de la junte militaire :  réfugié au Salvador (en voiture) il devra emprunter un Falcon pour tenter de revenir.  L’histoire de ce Gulfstream finalement subtilisé par un gouvernement en dit long sur la décrépitude du pays.  Comment, à partir de tels actes, voulez-vous saisir les avions des trafiquants ?  Résultat, les 3/4 des juges du pays, en cas de saisie, décident de rendre leurs biens aux délinquants s’ils sortent de prison.  Résultat, des avions bloqués parfois plusieurs années revolent… pour alimenter indéfiniment le circuit !!!

Un avion en cadeau, une (vieille) invention signée Carlos Lehder



Offrir un avion a une personnalité politique en gage d’amitié… et pour bénéficier de ses soutiens n’est pas une idée nouvelle en réalité.  Elle date de… 1978, ou le trafiquant admirateur d’Hitler, Carlos Lehder, grand précurseur des vols de cocaïne, originaire d’Armenia, en Colombie, a inventé littéralement le procédé en envoyant un courrier à un homme politique dont il espérait graisser ainsi la patte.  Il est en photo ici à gauche aux côtés de Pablo Escobar.  Son père, Wilhelm, un ingénieur allemand, antisémite et négationniste, était venu s’installer en Colombie avant la Seconde Guerre mondiale.


C’est raconté ainsi dans le site Proyecto Escobar : « Carlos Lehder avait décidé d’avoir des alternatives à son paradis personnel et de revenir en Colombie, dans son Arménie natale.  Selon sa personnalité emphatique, avant son retour, il a offert au gouverneur de Quindio, Mario Gomez Ramirez, un Piper au nom de la société « Air Montes Co », qui était un cadeau un peu disproportionné pour le moment, qui a suscité la des soupçons justifiés à propos de son nom, ce qui n’était rien de plus qu’un montage à légitimer subtilement ses activités illicites.  Ou même d’avoir ainsi un avion jumeau disponible.  Le message  était rédigé ainsi : « Monsieur le Gouverneur,  AIR MONTES, CO LTD, International Airplane Brokers (PO BOX  N 4802) Nassau – Bahamas, est une société dédiée à l’achat et la vente au niveau international des avions.  Parmi nos clauses, nous accordons une certaine valeur d’équipement chaque année aux communautés émergentes (sic) qui sont limitées par le manque de propre transport aérien.


Nous sommes ravis de vous apprendre, Mr le Gouverneur, que notre dernier conseil  d’administration chargé de ses dons, a choisi le poste de gouverneur de Quindio comme bénéficiaire dans l’attribution d’un avion Piper modèle Navajo 1968, de couleur blanche.  La compagnie se rendra volontiers au lieu de livraison « .  Signé: Carlos Lehder Rivas.  Représentant légal de « Air Montes ».  Lehder possédait effectivement un Piper Navajo, immatriculé N50RK, entraperçu sur un film en noir et blanc.  Il faut aussi savoir que Lehder a négocié habilement son arrestation et qu’il a beaucoup renseigné sur Noriega, ce qui a permis son incarcération.


Emprisonné depuis 1988, il fait toujours partie du programme WITSEC : condamné à la perpétuité, puis à 135 ans sa peine a été réduite à 55 années en raison de son aide pour arrêter Noriega.  Il vit toujours aujourd’hui, on a certes du mal à le reconnaître (il est ici à gauche), mais sa collaboration supplémentaire lui a peut-être encore réduit la durée de sa peine.  Ses avocats évoquent en effet l’éventualité d’une sortie prochaine… sous haute protection, on s’en doute… En  janvier 2015, un article du magazine Cronica Del Quindio évoquait le fait qu’il puisse être extradé en Allemagne « à tout moment ».  Il en est à 29 ans de prison sur 55.  Un documentaire un peu hollywoodien résume ici le problème.



Mais pourquoi donc le Honduras attirait-il autant les avions bourrés de coke ?


… pour une raison simple : parce que Guzman y habitait !!  Ou plus exactement sur l’île de Roatan, où El Chapo possédait une villa connue de tous.  A Roatan, le 4 novembre 2006, déjà on avait découvert 2 tonnes de drogue descendues d’un Cessna 401 immatriculé au Venezuela.  Le boucan fait par l’avion pendant son remplissage d’essence avait alerté la police, qui avait arrêté 12 personnes ce jour là : 4 Columbiens, dont les deux pilotes, et 8 Honduriens.  Parmi les douze, il y avait aussi 6 officiels de la tour de contrôle de l’aéroport, de mèche avec les trafiquants ! 



Ce pays (et ses trois îles clés : Utila, Roatan et Guanaja) est comme l’Afrique de l’Ouest : la corruption y règne en maître !  Et jusqu’aux plus hauts rouages de l’Etat !  A côté de là, un bateau rapide était découvert…  En 2006 aussi, déjà, un jet avait été découvert abandonné sur l’aérodrome de la capitale Tegucigalpa.  Un Gulfstream immatriculé XB-JPL.



Appartenant selon l’enquête de la Prensa menée par le courageux évêque Luis Santos de Copan, l’avion appartenait bien à El Chapo Guzman, qui détenait une villa hypergardée à El Spiritu.  L’homme qui faisait régner la terreur au Mexique habitait au Honduras !  Selon l’ambassadeur américain Charles Ford, « c’est en raison des succès obtenus en Colombie et au Mexique que le Honduras est devenu plaque tournante du trafic » :  il y a mieux comme analyse sans doute ! En janvier 2009, on saisira un Cessna 401 à Utila, l’île qui jouxte Roatan : à bord, 1800 kilos de coke. 

Le 10 mai de la la même année, c’est un Gulfstream I immatriculé YV1467 qui s’écrase à Utila. Or l’avion est le même que celui qui a été déclaré « manquant » un mois auparavant lors d’un vol domestique de l’aéroport international métropolitain Ocumare del Tuy (SVMP) à Carora (SVCO) le 31 mars qui précédait.  L’ex N927AE  (ci dessous à gauche) de ou de Nashville Eagle, de Wings West Airlines ou CCAir acquis le  le 16 janvier 2007 par Quassar USA Inc, à Sunrise en Floride, et revendu le 11 décembre au Venezuela, une fois ses moteurs remontés et passé intégralement en blanc.


Il y avait eu un mort (Fernando Bejarano Hernandez) et deux blessés légers.  Arrivés sur place, les autorités avaient constaté que le sol autour de l’avion broyé par le choc était jonché de paquets de cocaïne :  il y en avait 1700 kilos à bord !!!  L’avion écrasé est depuis une attraction touristique.. « pour les nuls » qui veulent à tout prix faire le buzz sur le net. 

L’épave de l’avion est bien répertoriée, il n’y a aucun mérite à la retrouver. Inutile d’écrire que « les araignées de la jungle n’étaient pas trop appétissantes non plus … » par exemple.  Ou inutile de faire un selfie à l’intérieur de la carlingue !!!  A noter que plusieurs amateurs sont sur le créneau, ce qui nous permet de voir que l’appareil « difficile d’accès » a déjà perdu pas mal l’aluminium, et ce, pas en raison du seul climat semble-t-il (et encore un selfie de plus !)…

Une livraison ratée en 2010



On en trouve partout, des avions pleins de coke autour de Roatan, l’étape avant le Honduras en venant de l’Apure.  Ce n’est donc pas une surprise non plus quand on découvre la photo d’un modèle P210N, à savoir un Cessna pressurisé (ça se remarque immédiatement à la forme de ses hublots, bien plus petits que sur les autres modèles similaires, et le modèle ne possède pas non plus de montant d’aile de renfort comme sur les autres Cessna).  Il été retrouvé ainsi noyé, le 20 octobre 2010, complètement vide, sur une plage de French Harbour, dans l’île de Roatan, au Honduras.  Il était démuni de toute identification.  Selon les riverains, l’avion se dirigeait vers l’île de Guanaja, où se posent des avions de touristes, l’île étant dotée d’une piste en dur (où se posent aussi parfois des pilotes maladroits).  Un concurrent de plus à la course à la cocaïne, pour sûr, qui avait raté son atterrissage de nuit ou s’était trouvé à cours d’essence.  A noter que l’avion était démuni de radar, qui se fixe sur son aile droite sur ce modèle.  Encore un qui avait mal évalué ses capacités en essence, à coup sûr.  Et qui ne faisait pas du tourisme non plus !!!

Une épave dérangeante 



Il y en a d’autres, encore, décrits parfois par des touristes un peu curieux.  « Quand vous débarquez sur Roatan », indique un visiteur, « sur l’aéroport Juan Manuel Gálvez de Roatan, si vous voyagez sur l’île pour des vacances, regardez à votre gauche lorsque votre avion atterrit.  Il est posé au nord de la piste en face du petit terminal ».  

Vous y verrez une épave, désormais.  Celle d’un gros jet privé toujours entier, semble-t-il (en vue aérienne à droite (1).  C’est ce qui reste du Gulfstream d’Alchemist (c’est encore lisible sur sa queue), une société indienne, avec un appareil souvent croisé à Chandigarh, car il appartenait à un politicien du nom de K.D. Singh, le « roi du poulet » indien, avec sa société Alchemist Foods Ltd (des poulets frais ou rôtis, la société appelée « Republic of Chicken » qui a fait sa fortune).  Singh avait été pris en 2009 dans un aéroport avec des valises pleines de billets.  L’avion datant de 1977 a en fait été carrément abandonné sur place en avril 2014, portant alors l’immatriculation N707KD:



Ses deux pilotes, américains, visiblement venus le livrer sur place, étaient tranquillement repartis par un vol commercial via l’aéroport de San Pedro Sula, au nord du Honduras, après avoir brièvement été interrogés par les autorités.  Ils s’appelaient Luís Felipe Parra, âgé de 34 ans, né en Colombie mais de nationalité américaine, et Hectór Manuel Guerra, le second pilote âgé de… 70 ans, en fait un « flight engineer » habitant Delray Beach en Floride (ici tous deux).  L’avion avait été annoncé comme « vendu » le 2 novembre 2013, mais la vente avait été ensuite annulée, paraît-il.  L’adresse donnée de l’acheteur étant à San Lorenzo Huipulco… au Mexique !!! 



Le 7 mars 2013, on l’avait déjà annoncé comme acheté par American Sky S.A, très certainement donc l’avant dernier vendeur. On indique aussi comme avant dernier détenteur Florida Aviation Service Technology Inc, de West Palm Beach, Floride, représentée par Jack Flinn, au 7 septembre 2013.  Flinn dirigeait aussi Performance Aviation Services Inc, absorbée par la précédente.  Or Flinn est le seul employé de l’entreprise, qui en moyenne depuis 20001 a généré 80 000 dollars seulement de revenu annuel (aux Etats-Unis, le revenu moyen est de 55 000 dollars environ).  Un avion de ce type, aussi âgé, s’achète moins de 250 000 dollars certes, mais bon… (2). 

Les autorités avaient dans un premier temps déclaré rechercher deux autres hommes :  Erick Emanuel Mejia Montes et Darimel Guerrero Ríos présentés comme deux pilotes mexicains.  Pourquoi donc cette confusion, voilà bien la question.  El Chapo venait alors de réintégrer sa prison de l’Altiplano :  il avait été de nouveau arrêté le 22 février 2014.  Prévoyait-on de faire quelque chose pour le délivrer, avec l’appui du jet pour l’expédier au loin ?  Dans un bien étrange texte lisible ici, on raconte que le Gulfstream, en atterrissant, aurait servi de « plastron » radar (pour que les deux avions ne donnent plus qu’une seule image à un « renifleur » type Awacs au-dessus d’eux par exemple) à un petit Cessna 182 qui se serait fort approché de lui (ce qui semble fort délicat à réaliser en vitesses relatives !).  Le Cessna aurait été « descendu » le lendemain par un avion vénézuélien !!! 

En 2014 et en 2017, deux tentatives de revente de l’avion ont échoué.  La première était faite par « Delegación Tlalpan », « une des seize délégations de la Ville de Mexico »… Le Gulfstream, qui aujourd’hui est, hélas, bon pour la ferraille, avait-il quelque chose à voir avec El Chapo ?  Qui d’autre que lui, en tout cas, pouvait se permettre d’abandonner un tel jet en pleine nature ???

La boîte de nuit du pirate


En 2016, on finit (enfin) par découvrir qui se cachait à Roatan, la plus grande des îles de la Baie dans les Caraïbes honduraises :  un narco-trafiquant, un de plus, gérant la coke de Guzman dans l’île.  Un entrepreneur, plutôt fluet, Franco Daniel Lombardi, surnommé  ​​ »El Mago« , alias « El Tano Joel« , ou « The Wizard » inscrit discrètement au registre des sociétés locales depuis 1999 et vivant au Honduras alors qu’il est argentin d’origine.  Si l’homme était discret, ce n’est pas le cas de ses bâtiments.  Il possédait en effet sur place deux discothèques et un complexe touristique, plus des investissements dans des domaines tels que ceux de La Ceiba et de San Pedro Zula.  De l’argent blanchi en fait.


« En 1999, Lombardi avait commencé avec un affaire parmi les plus importantes dans le pays, loin d’un record sur une île des Caraïbes:  un carnage dans sa boîte de nuit sur la Calle San Martín à Quilmes, ouverte en partenariat avec un homme d’affaires de Quintana, Jorge Piozzo, mort depuis ».  Un massacre sur fond de rivalités entre cartels, bien entendu. 

L’une des discothèques récentes, immense, à la forme (plutôt ratée) d’un bateau de pirates, baptisée « Isery », construite à côté de la route qui relie Roatan à José Santos Guardiola, elle possède aussi à proximité un centre commercial (El Boske), édifié  dans le West End, l’un des quartiers les plus fréquentés par les touristes :  le trafiquants sont aussi des gestionnaires du blanchiment d’argent, ne l’oublions pas !!  La boîte de nuit avait ouvert le 25 mars 2016 seulement avec un concert de « reggaeton » offert par le duo venu de Puerto Rico, Jowell & Randy (Joel Muñoz Martínez et Randy Ariel Ortiz Acevedo).  Là encore, les investissements représentent un blanchiment d’argent sale flagrant.

Tout le monde savait, pour El Spiritu


Roatan, ou Copan ?  Il est difficile de penser à ce stade qu’on n’ait pas su où se cachait El Chapo. Ou aurait pu se cacher :  il n’avait pas qu’une seule villa à lui !  Un texte assez saisissant à lire ici nous informe d’un monumental degré de duplicité à l’égard de l’endroit où se nichait El Chapo du temps de sa splendeur ;  « El Spiritu est une forteresse, apparemment sans murs, un village sans loi, contrôlé par une véritable armée civile armée aux dents, près de la frontière avec le Guatemala. 

Une fuite probable de cette « communauté prospère » (des centaines de millions de dollars arrivent hebdomadairement par voie terrestre et par avion) ​​est simple, puisqu’il a un lien avec plusieurs points « aveugles » qui mènent à ce pays voisin.




Partout dans le village, d’innombrables véhicules de luxe circulent dans lesquels les capos de Mafia International, qui payent religieusement le gouvernement de la dictature hondurienne, voyagent pour avoir leur discrétion et leur protection «officielles».  Un chiffre estimé en dizaines de millions de dollars qui sont «blanchis» aux comptes courants aux Bahamas et à Miami, au nom de plusieurs chefs de la DEA des États-Unis, des officiers et des chefs des armées du Mexique, du Guatemala, du Honduras, de la Colombie et d’El Salvador .

Il est habituel de contempler de nombreux compatriotes armés de fusils et de mitrailleuses lourdes et d’équipements de communication modernes.  Le village est considéré comme le centre où le crime organisé opère dans le couloir nord du département de Copán.



Les quartiers luxueux et les maisons de la région sont visibles pour des miles.  Il n’est pas difficile de distinguer à l’avant des bâtiments plusieurs caméras de sécurité, que leurs propriétaires ont installées pour regarder les alentours. Les travailleurs du village, les conducteurs, les paysans, les serveurs, les femmes de ménage, regardent le centre commercial avec une complicité simulée, sachant que les États-Unis ont offert 5 millions de dollars pour des informations fiables sur le sort du capitaine Guzman.  Personne n’ose parler, parce qu’ils jouent la vie elle-même et celle de leurs proches. 

Reynaldo Rubio, qui sert de coordonnateur de la police d’enquête à Copán, se dit ouvertement que dans El Espíritu et El Paraíso, il est normal que les citoyens portent leurs armes en pleine vision du monde.  « C’est une habitude des gens ici.  Les quelques agents ne peuvent rien faire.  Près d’El Espíritu, il existe plusieurs pistes d’atterrissage pour les petits avions et les hélicoptères, appartenant aux «honnêtes habitants» de la région, dont le niveau de vie n’existe pas dans des endroits comme San Antonio Techín, San José de la Frontera, El Guayabo et Los Caribes. ils cachent même les quelques journalistes qui ont abordé ces dernières heures. 

La réponse à la question «Savez-vous que Interpol croit que Guzman pourrait se cacher dans ces endroits»? est un rire fort et un silence absolu.  À Tegucigalpa, Rene Gonzalez, un policier retraité, a déclaré avec un calme étonnant: «Nous savons tous que le chemin est là.  La cachette est située près de la lagune de Villa Hermosa, mais il est interdit d’en parler, parce que vous ne savez pas à quel point les politiciens, les militaires et les millionnaires sont en retard. »  Guzman a en fait toujours cherché à habiter à moins d’1 km d’un aéroport.  Comme il le fera dans la villa dans laquelle il se fera coincer pour la dernière fois en 2014.  Une villa munie d’un tunnel pour s’échapper, débouchant en pleine rue, bien entendu…

 Guzman, encore fugitif, était présent a une fête anniversaire à El Spiritu en 2011 !!!



C’est La Prensa, toujours bien informée, qui rompt le silence en 2015 et sort une nouvelle incroyable :  le 29 octobre 2011, le trafiquant Miguel Arnulfo Valle Valle avait donné une fête pour son anniversaire dans sa villa d’El Espíritu, dans le Copán.  Selon le journal, les autorités honduriennes, qui suivaient la piste des activités de Valle, ainsi que celle d’Héctor Emilio Fernández Rosa, mieux connu sous le nom de « Don H », auraient été au courant de l’événement.  Mais elles ne seraient donc pas intervenues ! 

Une fête très coûteuse, puisque des groupes de musique de renom y avaient assisté : on cite notamment ces soirs là  Los Tigres del Norte, K-Paz de la Sierra, Tucanes de Tijuana, Chapo de Sinaloa et La Sonora Dinamita qui auraient touché chacun entre 100 000 et 250 000 dollars  pour les deux jours de fête ininterrompues !!!  Toute la ville était en fête, puisque toujours selon le journal, des hôtels de luxe, des villas, et même la mairie d’Alexander Ardón, et des stades, des parcs avaient aussi accueilli ces fêtes « somptueuses ». La révélation étant la présence sur place, ce jour-là de l’homme le plus recherché du moment, El Chapo Guzman :  « la présence du capô le plus célèbre a  été révélée aux gens présents, qui ont été prévenus à leur arrivée que les photographies étaient interdites dans la luxueuse résidence.


Au cours de ces célébrations, «de nombreux invités étaient des étrangers, qui ont déménagé sur des vols privés et des voitures blindées».  Les fêtes d’Arnulfo Valle Valle, tout le monde les connaissait !!!  Sur des photos d’une des fiestas du 26 juillet, apparaissait Walberto Chinchilla, un fugitif recherché lui aussi, marié à Ibis Lemus Valle et celle que l’on présentait comme la nouvelle responsable du clan, Maria Lemus Valle, la sœur d’Ibis, qui était aussi adjointe au maire de la Florida dans le Copan !!  Elue grâce à l’argent d’Arnulfo Valle Valle !!!

Les narcos entrent en politique au Honduras


A Spiritu, village de 3000 habitants où toutes les villas ont des systèmes d’alarmes sophistiqués, quand ce ne sont pas des gardes privés devant la porte, il y avait donc aussi une villa d’El Chapo, et tout ce qu’il fallait autour.  Le journal la Prensa qui y a effectué une enquête, avait visité aussi les alentours de San Antonio Techin, de San José de la Frontera, d’El Guayabo et de Los Caribes.  Or sur la route menant à San Antonio Techín ils ont pu facilement distinguer une piste clandestine, visible en plein jour, équipée pour le débarquement de petits avions.  Tout le monde la situait vers la lagune de Villahermosa, selon le journal, autour d’El Guayabo (c’est la Lagune La Machona, ici la Laguna de las Ilusiones).  Un secret de polichinelle pour les villageois, selon le journal, des villageois qui n’en ont pas parlé… de peur des représailles.



La présence aussi à Spiritu de El Chapo était visiblement aussi un secret de polichinelle pendant des années…  Venu de La Entrada, toute proche, c’est le clan des Valle qui a en fait fabriqué de toutes pièces l’étonnant village « blindé » d’El Spiritu.  Depuis, les narcotrafiquants, omniprésents sur place se sont infiltrés dans la société civile :  ainsi, en 2013, Mayra Lemus, épouse de Luis Alonso Valle s’est présentée comme candidate au poste de maire adjoint de la municipalité de la Floride, élue sur la liste dirigée par Rember Cuestas Valle, un cousin du clan Vallée.  Pour ajouter au tableau, la même année, le maire de Yoro, Arnaldo Urbina venait d’être accusé de possession illégale d’armes et de blanchiment d’argent !  La Prensa montrera un cliché de Mayra Lemus en train de faire campagne avec Rember Cuestas Valle, et un autre aux côtés du nouveau maire Rember Cuestas Valle, une fois ce dernier élu.  Le 5 janvier 2016, l’agence AP annonçait que  Miguel Arnulfo Valle Valle, et son frère Luis Alonso étaient reconnus coupables de trafic de drogue.



Lors de leur procès on avait surtout appris qu’un policier hondurien Wilmer Alonzo Carranza Bonilla, chargé des enquêtes sur les drogues auprès de la DEA à l’ambassade de Tegucigalpa avait reçu des pots-de-vin pour avertir le cartel, dès qu’une enquête était menée…  C’était bien un système complet de corruption qui sévissait.  Les frères Valle et leurs adjoints avaient été extradés aux USA via le Beechcraft N472JL (numéro de série FM-50)… appartenant à Freelance Air Inc, ex Heritage Aviation Management (ici à gauche).  Depuis, la société a mis la clé sous la porte.  La firme possédait aussi un Cessna équipé d’un système de surveillance aérienne, le N907RY, un Cessna T210N Turbo Centurion.

Mort suspecte d’un ministre enquêteur


En 2008, un des seconds, associé et complice de Joaquín El Chapo épinglé par la DEA, signe un accord avec un juge américain.  En échange d’informations, non révélées, Héctor El Güero Palma, vieux routier du trafic de coke (du Cartel du Pacifique), arrêté dès 1978, miraculé d’un terrible crash aérien (dans le Learjet immatriculé XA-SWF ex N888PT), n’est condamné « qu’à » 12 années de prison et à une amende ridicule.  L’homme a commencé sa carrière en travaillant pour le Cartel de Guadalajara sous Rafael Caro Quintero, Ernesto Fonseca Carrillo et Miguel Ángel Félix Gallardo, puis Amado Carrillo Fuentes.



Il avait été l’objet d’une vengeance terrible du trafiquant vénézuélien Rafael Enrique Clavel, alias « Bon Mozo », qui avait décapité sa femme et lui avait envoyé la tête par la poste et avait jeté ses deux enfants d’un pont.  Les hangars qu’ils utilisaient étaient ceux-là mêmes d’Olegario Vazquez Rana !!!  Relâché en juin 2016, après 8 années effectuées en prison aux USA, il retourne aussitôt en prison… au Mexique où il a été extradé.  Pourquoi donc, c’est bien là toute la question !!!  L’ancien chef de cartel a son arrivée est transféré dans une prison de haute sécurité, celle-là même d’où s’était échappé El Chapo… Qu’avaient donc appris dès 2008 les USA sur El Chapo Guzman et ses pérégrinations au Honduras ???

Ou sur l’usage de ses avions et de ses hangars ? Difficile d’imaginer qu’ils n’aient pas appris à ce moment où il pouvait se localiser !!! L’année même de l’arrestation de son adjoint, le 4 novembre 2008, une nouvelle relance les soupçons de collusion avec certains hommes politiques ou gens proches du pouvoir et bien placés et les trafiquants.





Ce jour-là, le secrétaire (ministre) de l’intérieur mexicain du President Felipe Calderón, Juan Camilo Mouriño, qui enquêtait sur les cartels est en effet tué dans le crash de son Learjet 45 (XC-VMC, « Víctor-Mike-Charly »), un crash survenu à Mexico même, en pleine ville, provoquant un incendie impressionnant.  Le crash sera attribué à une erreur de pilotage, le Learjet ayant suivi de trop près paraît-il un Boeing 767-300 de chez Mexicana, en entrant dans ses turbulences arrières avec des pilotes insouciants des appels du contrôleur de se tenir à plus de distance du Boeing :  les pilotes auraient mis une minute et demie avant de réagir à l’alerte venue du sol. 

On montrera dans un hangar les reste calcinés patiemment récupérés pour tenter d’effacer la thèse de l’attentat.  A défaut d’une thèse complotiste avant les trafiquants à la manœuvre, le crash révélait surtout  l’usage immodéré d’avions privés (ici affrété par Aviación Ejecutiva SA de CV) par les personnalités gouvernementales, et également le manque d’entraînement flagrant des deux pilotes recrutés sur ce type d’appareil.  Mais pour Anabel Hernandez ( cf : Los Señores del Narco), c’est le ministre Genaro García Luna et son entourage, protégeant le cartel de Sinaloa, qui aurait été responsable, l’évasion de Joaquín Guzmán ayant selon elle organisée par des fonctionnaires du gouvernement Vicente Fox (qui a été président du 1er décembre 2000 au 30 novembre 2006).


Pour la famille de Juan Camilo Mouriño aussi, c’est évident, il ne peut s’agir d’un accident, et ce serait même plutôt d’un attentat, avec l’utilisation d’un explosif militaire comme le C4 pour expliquer la catastrophe.  Selon Anabel Hernandez, plusieurs informateurs de renseignement militaires lui ont dit qu’ils avaient effectivement détectés  des « mouvements non standard » à l’intérieur de l’aéroport de San Luis Potosi, duquel avait décollé lequel le Learjet de Mouriño, aéroport qui avait signé accord de coopération avec l’armée.



(1) à sa gauche, c’est le Hawker 125 N545GM, reconnaissable de loin à son ramage, et qui lui avait oublié en décembre 2013 de freiner sur la piste humide de Juan Manuel Gálvez de Roatán et s’était engouffré dans les frondaisons de bout de piste. Avec à son bord un équipage fort éclectique : Juan Ramón Anariba Martínez, du Honduras, Guillermo Gutiérrez Bolaños un Bolivien et Winston Orlando González Centeno un Guatemaltèque de 19 ans. Visiblement, personne n’a cherché à récupérer l’avion… dont les réacteurs ont été depuis démontés.  Etrangement, le 9 mars de l’année suivante (2014), alors que Juan Ramon Martinez Anariba était au restaurant à faire la fête avec des amis, et qu’un un coup de fil l’appelait  au dehors, un homme était venu tranquillement à à sa hauteur lui loger plusieurs balles en pleine tête. « L’homme était connu comme étant un commerçant » avait dit alors la presse.  Commerçant… et pilote à ses heures. 


Visiblement, d’aucuns n’avaient pas apprécié son atterrissage raté… l’avion avait été vendu le 5 janvier 2012 à une société appelée K.B.H. Aviation SA, dont le siège était au… Panama, à Marbella. On retrouvera l’entreprise à avoir modifié un 727 B727-264C pour la police fédérale du Mexique (l’appareil concerné est le superbe XC-MPF (ici dans son ancienne livrée bien moins chatoyante).

(2) le Gulfstream le N721CN, ex Suresh Maharaj, arrêté pour trafic de cocaïne, de Marc Didier,  peine à être vendu semble-t-il.  Même à 190 000 dollars  (ici à droite) !!!  Plane Logger l’annonce comme N609PA, vendu à Abakan-Avia… les détenteurs désormais, du DC-9 de Mexico devenu XA-UNZ (on en reparlera) !!!

TF121