Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 13 novembre 2017

« El Chapo » et les avions 5


Le terrain d’atterrissage préféré des « narcos » ces vingt dernières années est non pas le Mexique, mais le Honduras.  C’est une vieille histoire… que celle du Honduras, car c’est là que tout a démarré.

Le trafic de cocaïne y a en effet été initié par la CIA, durant la période des Contras.  C’est là qu’a sévi un organisateur hors pair, pilote lui-même de Cessna, un homme qui n’aura jamais été inquiété de toute sa vie, malgré les accusations contre lui, dont celle de meurtre.

C’est là aussi qu’ont été expérimentés un temps des avions rapides, juste avant l’arrivée des jets, des appareils vite tombés aux mains des trafiquants ravis de l’aubaine.  Et c’est de là aussi qu’un autre organisateur a expédié par bateau des tonnes de cocaïne vers les USA ou l’Europe, déjà :  décidément, ce Honduras avait tout pour plaire à El Chapo, tant on lui avait préparé le terrain…

Celui par qui tout avait commencé

Je ne reviens pas sur le cas de Barry Seal, que je viens d’exposer récemment.  Seal, en résumé, transférait des armes vers les Contras et recevait en paiement de la drogue.  Il emmenait aussi celles du Cartel de Medellin et d’Escobar en plein Arkansas, à la Mena, comme j’ai pu l’expliquer.

Mais son avion décollait d’une ferme, dont le propriétaire était américain, et qui lui aussi était un pilote chevronné.  Il s’appelait John Hull, et son appareil préféré… un petit Cessna (il pose devant ici).  Selon un très bon article lisible ici de Greg Guma de Global Research, le film sur Barry Seal est à jeter.  Je pense la même chose, car il est passé à côté non seulement du personnage mais surtout du contexte et du rôle véritable de la CIA.



Selon Guma, ce n’est pas nécessairement le Cartel qui a exécuté Seal pour avoir filmé Escobar de mèche avec les sandinistes, ce qui avait grandement aidé Reagan.


« C’est une façon de le voir. Un autre a paru dans un rapport du Centre international pour la politique de développement, dirigé par l’ancien ambassadeur des Nations Unies au Salvador, Robert White. Pour eux, Seal était un pion dangereux qui en savait trop. Par exemple, je savais que le cartel de Medellin en Colombie utilisait un ranch possédé par John Hull comme point d’expédition.


Hull était un citoyen américain avec des connexions de la CIA et du Conseil de sécurité nationale, et son ranch était également une base pour les expéditions d’armes et les recrues. »  Bref, Hull était la véritable tête de pont du réseau.  Il avait recruté comme lieutenants deux anciens de la Baie des Cochons :  René Corvo (Lorenzo, qui était aussi parachutiste,  Il est ici au milieu d’une équipe civile et là en armes) et Felipe Vidal.  Et ceux-là étaient déjà en train de doubler Seal, avant sa mort, en travaillant à leur profit, avec Hull, directement avec les colombiens et en doublant la CIA (ci-dessous la piste d’atterrissage de Potrero Grande, dans le Guanacaste).  « Hull et les Cubains anti-Castro avaient commencé à travailler ensemble en 1983, fournissant des services de ravitaillement et d’emballage dans leur ranch costaricain, en échange de 25 000 dollars par expédition des Colombiens.



Selon Dan Sheehan, dont le centre interconfessionnel de droit et de politique a creusé profondément dans le réseau privé qui a alimenté les Contras, la même équipe a continué de faire entrer clandestinement de la cocaïne aux États-Unis chaque semaine pendant encore plusieurs années. Sa valeur de rue était de 25 millions de dollars par expédition.

Sheehan a également affirmé que certains des bénéfices ont été déposés à Miami et dans les banques d’Amérique centrale, puis retirés plus tard pour acheter des armes« . C’est tout simplement ce circuit qui est à l’origine de tout.  Daniel Sheehan, du Christic Institute, nommera le premier tous les responsables de ce réseau :  il s’agissait de John Hull, de Ted Shackley (de la CIA), de Thomas G. Clines (lui aussi de la CIA), de Richard V. Secord (de l’US Air Force, section opérations spéciales), de John K. Singlaub (ancien de l’OSS et un des fondateurs de la CIA !), de Robert W. Owen (l’homme de tous les coups tordus) de Rafael Quintero (narco trafiquant né dans le village de La Noria, dans la commune de Badiraguato), d’Albert Hakim (businessman irano-américain mêlé aux Contras), d’Adolfo Calero (un homme d’affaires et leader politique des Contras), de Pablo Escobar, de Jorge Ochoa (qu’on ne présente plus ici) plus 18 autres responsables encore.



Hunt touchait une somme colossale à l’époque, pour ses services : en dehors des bénéfices de la coke, il recevait 10 000 dollars par mois de la CIA (ci-dessus la piste en herbe de son ranch).  Chez la banque Nugan, en Australie, on découvrira le rôle que jouait l’armée américaine et du pouvoir politique américain dans la fourniture d’armes en Angola.  L’équipe secrète de Nugan, décrite par le Major Général Secord, lors de son témoignage dans l’affaire des Contras, avait importé pour pas moins de 3 milliards de dollars avant 1976 en provenance de Thaïlande et de Bangkok prioritairement, via ce qui qui restait de la flotte importante des avions d’Air America.  Un programme né au Laos en 1969 sous la direction du directeur de la CIA en personne, Theodore Shackley et de son adjoint Thomas Cline, Secord étant le coordinateur des vols. 



Selon Spartacus, le comité de John Kerry a publié un rapport de 1 200 pages intitulé Drugs, Law Enforcement and Foreign Policy (en avril 1989, ci-dessus).  Ce rapport comprenait des témoignages selon lesquels le ranch de Hull était utilisé pour des opérations de contrebande d’armes à feu et de drogue.

L’année suivante, Hull fut inculpé de meurtre au Costa Rica.  En mai 1990, Carlos Lehder, un personnage clé dans le cartel de la cocaïne de Medellin, avait annoncé devant Diane Sawyer, de la chaîne ABC, que John Hull était effectivement un trafiquant de cocaïne majeur et même confirmé qu’il effectuait une contrebande 30 tonnes (?) de cocaïne par an aux États-Unis !!!

À la demande du procureur spécial costaricien Jorge Chaverria, John Hull a alors été ajouté à la liste des «fugitifs» les plus recherchés par Interpol.  John Floyd Hull a finalement été découvert vivant dans la ville isolée de Juigalpa au Nicaragua.  Le Costa Rica a demandé son extradition au gouvernement nicaraguayen.  Cependant, avant d’être arrêté, il s’est échappé aux États-Unis.  En avril 1991, le Costa Rica a présenté une demande officielle a du Département d’Etat US d’extrader Hull.  Cette requête a été bloquée par le président George W. Bush…  Hull n’aura donc jamais été inquiété de toute sa vie !!!

Avions, coke, protections en haut lieu et dépôts bancaires.  Le système d’El Chapo, successeur d’Escobar.  Ils n’avaient rien inventé.  Le Cessna de Hull était vite devenu trop petit… et c’est plutôt le Honduras qui a remplacé ensuite le Nicaragua…

Une vieille histoire en effet



Roatan est l’île située en face du Honduras.  Comme je l’ai déjà écrit ailleurs et ici, l’affaire du trafic de drogue passant de la Colombie au Mexique puis les Etats-Unis par ce pays est une vieille histoire, qui a démarré avec un gros coup de pouce… des USA.  « Car au Honduras, ça ne date pas vraiment d’hier non plus, le trafic et les assassinats (ci-dessous un C-46 du CAT, autre transport paravent de la CIA).




L’histoire est bien documentée : c’est en 1983 déjà qu’un rapport des narcotiques américains, « l’US Customs Investigative Report » de 144 pages décrivait l’usage de C-47 (Dakotas) et de C-54 (DC-6) volant du Honduras vers les Etats-Unis, liés à un trafiquant redoutable du cartel de Medellin, Juan Matta Ballesteros, et sous le nom de SETCO Aviation. Juan Ramón Matta Ballesteros, était un agent du DFS mexicain, qui avait travaillé avec Cubain Alberto Sicilia Falcón, devenu agent de la CIA mexicain (ci-dessous un DC-3 de la SETCO au Honduras en 1991)..



Ballesteros s’occupait de deux marchés à la fois : celui de l’opium de Guadalajara, dans le réseau de Miguel Angel Félix Gallardo, et celui de la cocaïne, comme représentant du cartel de Medellín. Il étaient tous le soutien du général Policarpo Paz García, le dernier général à avoir dirigé le pays, et financèrent donc son coup d’état de 1978. Leur plus grand soutien n’étant autre que Gustavo Álvarez Martínez, l’homme à la tête du Public Security Forces (FUSEP), les forces spéciales de police secrète hondurienne.

Il sera abattu en 1989, après avoir été consultant pour Rand Corporation. Paz Garcia restera lui célèbre pour son infamant Battalion 316, entraîné par la CIA, un des groupes paramilitaires parmi les pires qu’ait connu le continent. »  Or Guzman était chez les trafiquants, on l’a dit, le successeur de Gallardo !!!

De nouveaux avions à la place des vieux Dakotas



C’est donc un vieille histoire qui recommence. Initiée au départ… par les USA !  « Déjà aussi à l’époque, la drogue était cachée dans des expéditions de poisson séché. En 1994, un second rapport, celui du DOD (-Department of Defense-) et un supplémentaire de la CIA de l’Office of the Inspector General and Investigations affirmait que c’était désormais des Antonov 32 ukrainiens qui étaient utilisés en remplacement des C-47 « (ci-dessous un des Antonov 32, vestige de l’opération, photographié à Panama City – Tocumen International (PTY / MPTO),  au Panama en 2007).  « Le département de la justice US en avait identifié 15, tous vendus au Panama et la Colombie entre 1993 et 1996 !

Une enquête de la justice ukrainienne, saisie après l’arrestation de pilotes ukrainiens, avait conclu à un vaste trafic en provenance du Panama et de la Colombie.  Tout le travail d’investigation, remarquable, du Sénat US avait été mené par le sénateur John Kerry, futur candidat à la présidence US.  Les avions avaient été achetés à un broker, DIACSA, présidé par Alfredo Caballero, qui était en cheville avec Floyd Carlton, un trafiquant lié à Manuel Noriega. SETCO avait importé 410 kilos pour une valeur de 2,6 millions de dollars de l'époque.


L’autre firme impliquée était Vortex, installée à Miami, qui deviendra Universal Air Leasing. Son président, Michael Palmer, avouera avoir fait entrer 120 000 livres (54 tonnes !) de cocaïne en 1977 aux USA !!!  L’avion utilisé servait aussi au transport de marijuana : cétait le N22VX (ancien N3434F et cédé ensuite à World Air Leasing Corp), suspecté d’avoir débarqué en une seule fois 8,6 tonnes de marijuana au Nouveau-Mexique en septembre 1986.

L’avion avait été acheté 125 000 dollars, en cash ! (comme quoi les narco-trafiquants d’aujourd’hui n’ont rien inventé !).  Le 4 avril 1987, CBS news révélait toute l’histoire.  En 1985, un des pilotes des Contras, Frank Moss, avait créé sa propre entreprise, Hondu Carib, pour livrer lui aussi les Contras. En mai 87, son avion est inspecté à Charlotte en Louisiane : on y découvre des traces de marijuana et il est alors saisi.



Trois ans avant, il avait en fait créé une autre compagnie, Atlas Aviation, avec laquelle il avait aussitôt après repris ces trafics.  Le 28 avril 1987, un fax est envoyé par Moss à deux agents de la CIA : dans le dossier de Kerry sur les contras ce sera une des preuves de l’implication directe de l’agence dans le trafic de drogue.

L’avion alors utilisé par Moss était le fort discret N50314 « (ci-dessus c’est un Dakota).  « Un des meilleurs agents anti-drogue, Celerino Castillo III,a reçu un jour l’ordre de Bush père de ne pas conduire plus loin son enquête sur les cartels et les liens avec Oliver North.  Il a raconté l’histoire dans son livre « Powderburns : Cocaine, Contras, and the Drug War » (chez Mosaic Press, 1994). »

Les bimoteurs rapides pour VIPs transformés en porteurs de coke



Avant de renouveler cette flotte qui vieillissait et qui s’écrasait parfois dans les Kays, au large de la Floride, d’autres appareils, plus rapides, sont arrivés sur le marché.  Avant encore l’arrivée des turbopropulseurs dans l’aviation civile avec le moteur Dart, celui du premier Gulfstream ou les Aero Turbo Commander 680FL/P munis de Garrett TPE331-43 apparu en 1965.

Ces avions, c’étaient les surprenants B-26 modifiés de main de maître par On Mark Marksman et inscrits chez Intermountain Aviation, autre société paravent de la CIA.  L’immense parc de la CIA géré par un autre très grand organisateur, Georges Dole (ci-dessous, et lire ici ses multiples talents) qui passait son temps à changer les immatriculations de ses avions au sein des compagnies paravents telles que Air America, Civil Air Transport, Southern Air Transport, Air Asia avant de créer la sienne, Evergreen, ce parc donc comprenait toutes sortes d’appareils dont des STOLS comme le Twin Otter, le Pilatus ou le Helo Courrier.


Parmi ces appareils, un bien étrange engin en effet avais-je écrit ici : le Blue Goose. Un B-26 modifié par Mark Marksman, construit à 8 exemplaires seulement (ici l’un d’entre eux à la longue carrière perdu en opération de trafic de drogue vers 2002, et celui-ci, arrêté et saisi en 1983 dans un trafic de Marijuana).

L’engin, un petit bombardier rapide utilisé par les français en Indochine et en Algérie, et présenté comme avion de « contre insurrection » avait été grandement et habilement modifié pour en faire une cabine arrière présentable : à l’origine, son aile traversait l’avion.  Grâce à un ingénieux arceau en acier, l’espace central était libéré, permettant une hauteur d’1,85 m, idéal pour les paras, dans un environnement pressurisé permettant de voler à 21 000 pieds (6 100 m). La cabine de pilotage avait une allure de DC-3 (sur le Marksman et non sur le Markeeter), et l’avion pouvait emporter entre 6 et 8 passagers, et une porte oléo-pneumatique sur le côté avait été installée… une fois la cabine depréssurisée, en dehors du cockpit étanche, on pouvait larguer les fameux parachutistes en altitude !



Le bombardier pour Vips sera en fait un échec complet.  A noter que ce sont les ateliers Marskman qui feront le premier Guppy.  Un échec, mais récupéré par les narco-trafiquants qui appréciaient sa vitesse et n’avaient aucune peine à recruter des aviateurs, tous anciens de la CIA, ou appartenant encore à la CIA ».  Dans le parc, on trouve ainsi avais-je écrit « le N115RG de R.G. Letourneau Inc, Longview, TX (la société de forage de Nouvelle-Orleans), découvert en 1975 au Brésil , à Brasilia avec de la drogue à bord le 21 juin 1975. L’HK-1247P de J. R. Acosta & L. C. H. Lizcano, crashé au décollage à Bogota-El Dorado, le 21 septembre 1988.  Le N202PP, ancien français de l’Armée de l’Air 44-34568, 1955. vendu à Purolator Products puis devenu pakistanais pour M. Anwar Khan, Karachi, et pris lui aussi dans un trafic de drogue à Karachi en 1985.  Et encore le N240P, d’Aircraft Holdings, Miami, en 1976 et d’Earl Parks, Amarillo, (Texas), en 1976, pris avec de la drogue par le shérif T.L. Baker de Potter Co. Sheriffs Dept à Amarillo le 10 janvier 1977… dans d’étranges circonstances… ».  Et ici en photo ce qu’il restait en février 1998 du modèle N71Y, celui du début de ce chapitre retrouvé  abandonné à… Bogota Eldorado en Colombie… d’où il trafiquait !

Mr Hyde, le docteur Jekyll du trafic par bateau


Mais il n’y a pas eu que des avions dans l’histoire.  Celle-ci avait été révélée en 1996 par une formidable enquête menée par le San Jose Mercury News.  Certains en avaient douté.  Mais deux ans plus tard, 450 pages de la CIA publiées sous le regard attentif de Fredrick Hitz, ancien de la Firme… l’ont confirmé.  Une « route d’essai » maritime de transfert de drogue du Honduras jusque Miami ayant pour bénéficiaire la Nicaraguan Revolutionary Democratic Alliance (ADREN) avait bien été ouverte… dès 1981 !!!

Et développée après, bien entendu !  Dans le même rapport, on avait noté ce « détail » oublié :  « le rapport mentionnait également l’utilisation d’un homme d’affaires hondurien, Alan Hyde, pour le soutien logistique aux Contras, malgré l’identification de Hyde en 1984  au sein de l’ U.S. Defense Department, qui déclarait alors qu’il était «un homme d’affaires qui gagne beaucoup d’argent en« or blanc », c’est-à-dire avec la cocaïne ».  Tout y était déjà, et c’est bien ça le plus étonnant…  on y apprenait par exemple « qu’Alan Hyde est un citoyen et homme d’affaires hondurien dont la compagnie, Mariscos Hybur (Hybrid Seafood), a fourni un soutien logistique aux Contras du milieu de 1987 à la fin de 1988 ou au début de 1989.  Un rapport de septembre 1984 des Etats-Unis Bureau de la Défense Attaché (USDAO) à Tegucigalpa a déclaré que « M. Hyde », qui « possède soi-disant quelque 15 bateaux et une usine de transformation du poisson dans le French Port (à Roatan, ah tiens !) » dit qu’il  fait beaucoup d’argent portant en or blanc , « c.-à-d. de la cocaïne ».  Des commentaires sur Hyde, et ses activités délictueuses, on en trouvait de 1985 à 1987 : cela n’a pas empêché la CIA de le recruter.  Ce qu’il y a de plus sidérant c’était la méthode utilisée (le bon vieux coup des poissons posés au-dessus des boîtes de coke pour leurrer les chiens renifleurs) et l’emplacement, car son usine de poisson, paravent de son trafic, était installée… sur l’île de Roatan, comme on vient de le dire le futur fief d’El Chapo !!!

« Le 27 février 1985, un câble du siège de L’USDAO a résumé les traces reçues concernant le trafic de stupéfiants dans les Caraïbes (…) Le 30 octobre 1985, le télégramme envoyé au quartier général indiquait que Hyde s’était vanté à la mi-octobre que Hyde avait deux États-Unis. Agents des douanes « dans sa poche. » Hyde aurait également dit qu’il avait des amis dans le « Cosa Nostra ». Un rapport de décembre 1986 des États-Unis Le bureau de Miami de la garde côtière a déclaré que l’activité criminelle sur l’île de Roatan avait augmenté au cours des deux années précédentes, selon deux sources fiables. Le rapport de la Garde côtière a cité des «rumeurs» selon lesquelles la cocaïne était entreposée à Roatan pour être expédiée sur des cargos côtiers et des navires de pêche à destination du sud de la Floride.


Nommés parmi les associés de «l’organisation criminelle organisée» il y avait Hyde, propriétaire de Hyde Shipping de Miami, et les membres de sa famille.  La garde côtière a également cité des sources qui ont nommé Hyde comme capitaine du navire F / V Bobby en 1985 naviguant en faveur de Pablo Escobar, un important trafiquant de cocaïne colombien. Hyde a également été répandu pour être impliqué dans le chargement de la cocaïne dans des marchandises conteneurisées à Puerto Cortez, au Honduras.

Le 31 décembre 1986, la Garde côtière américaine de Miami a publié un rapport à la CIA indiquant que le beau-frère de Hyde avait vendu jusqu’à six kilogrammes de cocaïne entre février et octobre 1986. des navires de pêche à Brownsville, au Texas, en 1986 qui ont transité par le canal de Panama, mais ont plutôt navigué directement à Cartegena, en Colombie, pour être envoyés pour la contrebande de drogue.


Le 22 avril 1987, le câble du quartier général a déclaré que les États-Unis Les organismes d’application de la loi gouvernementaux étaient «très familiers» avec Hyde et d’autres sur l’île Roatan. Ces personnes, selon le câble, seraient impliquées dans le trafic international de drogue ».  La presse s’était inquiétée du trafic à l’annonce en 1987 du meurtre du constructeur de bateaux rapides Donald Aronow, alors âgé de 59 ans, gérant de cinq compagnies de bateaux à moteur et surtout le concepteur du catamaran à grande vitesse utilisé par le Service des douanes et le « Cigarette », le « fast-runner » de l’époque, fort prisé des trafiquants.  L’homme (ci-dessus dans une pub pour le cognac !) n’avait rien à voir avec le trafic, mais il a semblait bien avoir été éliminé pour avoir conçu et fourni aux douanes un bateau aussi rapide que les leurs !!!

Aronow avait vendu un bateau à George H. W. Bush (le père), et L.B. Johnson en personne possédait aussi un « Donzi » de 16 pieds.  A l’origine du meurtre, c’était en fait une rivalité commerciale avec le concurrent d’Apache Power Boats, associé à Ben Kramer, le gagnant de 1986 de l’American Power Boat Association Offshore Championship.


L’homme a été condamné à vie.  Hyde utilisait lui des engins plus rustiques à vrai dire :  « selon un mémorandum de 1985;  les inspecteur s’estiment «fortement convaincu», que le Hybur Clipper, un navire exploité par Hyde Shipping (c’est un petit porte-container devenu ensuite le Island Clipper, ici en photo), «est ou a été utilisé pour transporter de la cocaïne à Miami».


On a noté que  le « Hybur Transport « aurait été utilisé pour le transport de la cocaïne dès 1976. » (à droite le Hybur Transport sous la forme du Miller Lite, c’était un vieux cargo réfrigéré construit en 1957 qui est devenu un récif artificiel, une fois coulé au large de Miami en 1987). « Le mémorandum a cité trois tentatives infructueuses de la garde côtière – un en 1976 et deux en 1985 – pour capturer Hybur qu’on croyait alors être en cours de transfert de drogue des navires, et ajouté qu’un dénommé « Luis Hyde » de Roatan avait été arrêté en janvier 1985 par la Garde côtière par les États-Unis  à bord de cargo transportant 200 livres de cocaïne. Des cartes de visite pour Hyde Shipping auraient été trouvées à bord. Le mémorandum n’indiquait pas si Luis Hyde était un parent d’Alan Hyde ».



On notera le lieu d’habitation de « Luis » : Roatan, dont on va reparler ici à coup sûr, je le sens bien…  Ne croyez pas non plus que El Chapo ait oublié depuis la filière maritime.  Désormais, ce sont les remorqueurs ou les bateaux d’assistance pétrolières qui semblent avoir sa préférence.  Le 30 avril 2015 la Royal Navy arraisonnait le MH Hamal, ici à gauche surveillé par caméra des douanes, un navire de ce type, sous pavillon … tanzanien (?, aujourd’hui devenu italien) avec à bord 3 tonnes de coke à bord, valant 500 millions de livres, le fait d‘un gang de turcs, selon la presse.


La drogue « proviendrait d’Amérique du Sud et aurait été chargée dans les Iles Canaries » selon les garde-côtes espagnols, et les douaniers français auraient participé au « tracking » du bateau :  ce sont eux qui avaient prévenu leurs collègues espagnols d’une importante quantité de coke en train d’arriver .  La destination première indiquée du remorqueur devant être Reykjavik, une fausse route notée sur le long book notant Dakar comme arrêt (à l’aller ?).

Un mail avait été envoyé à l’équipage peu de temps après la saisie et un appel téléphonique, des appels de Turquie et de Guyana étant relevés auparavant.


Rebelote en 2017 avec le même type exactement de bateau, le Thoran (appelé aussi parfois Thor Server), battant pavillon des Comores, cette fois, intercepté le 7 octobre 2017 (c’est tout récent) entre le Portugal et les îles Canaries, avec 3,8 tonnes de coke à bord  (dans 165 paquets de 23 kg chacun bien dissimulé sous le carrelage du plancher des cuisines, cf la photo) : le même type de navire, et un équipage à nouveau entièrement turc… et la même région d’embarquement de la drogue, à savoir les Iles Canaries… étonnante et troublante coïncidence..

Les signes d’une organisation sous-jacente utilisant les même codes et les mêmes routes de fonctionnement !  « Le bateau avait déjà été repéré par les autorités à la mi-septembre, alors qu’il se situait à 360 milles nautiques (660 km) des côtes guyaniennes, et grâce à « la collaboration de plusieurs agences internationales ». Il reliait alors la Colombie à l’Espagne » a-t-on pu lire.  Ci-dessous les arrêts successifs du Hamal, parti de Turquie direction les Canaries puis la Mauritanie, vers le Guyana ensuite et retour toujours vers les Canaries avant de longer les côtes portugaises et espagnoles et de remonter vers le nord en contournant l’Angleterre :


De la drogue… mais aussi des armes


The Independent, en novembre 1998 avait très clairement établi ce qui se passait : « de nombreuses allégations concernant les pilotes qui ont transporté des fournitures militaires aux Contras » (un C-123 au Nicaragua : on notera ses immatriculations dissimulées…). « Ils auraient pris « des armes à feu, des drogues en place » – remplissant leur avion avec de la cocaïne lors du voyage de retour aux États-Unis. Carlos Amador, par exemple, faisait volait des vivres depuis la base aérienne d’Ilopango au Salvador.

En avril 1986, un câble de la CIA a signalé qu’une source (d’administration de la drogue) avait déclaré qu’Amador allait probablement prendre de la cocaïne à San Salvador pour se rendre à Grand Cayman [sic], puis dans le sud de la Floride. Il a été averti que « (la DEA) demandera que la police de San Salvador enquête sur Amador et toute personne associée au Hangar 4″, une partie de l’installation militaire utilisée pour fournir les Contras.  La réponse de la CIA fut directe: «J’apprécierais que le service de la station (de la DEA) ne fasse aucune enquête sur le hangar n ° 4 à Ilopango, puisque seules des opérations légitimes … ont été menées à partir de cette installation ».

Ci-dessous un des vestiges de ces transferts en gros Provider C-123, le double de celui de Barry Seal, devenu un restaurant au Honduras :


« L’opération du Hangar 4 était dirigée par le lieutenant-colonel North et ses «bienfaiteurs privés», qui ont financé une guerre secrète après que le Congrès américain eut coupé le financement des Contras. Il est prouvé que le lieutenant-colonel North connaissait aussi des allégations selon lesquelles, dans le cadre de son opération, il était impliqué dans la contrebande de drogues. Dans une note de journal, j’ai écrit: «Le DC-6 hondurien qui est utilisé pour les vols de la Nouvelle-Orléans est probablement utilisé pour les vols de drogue aux États-Unis. L’agent d’achat des Contras à la Nouvelle-Orléans était Mario Calero, le frère d’un chef aîné de Contras. En février 1986, la CIA a été informée que Mario Calero était impliqué dans le trafic de drogue (l’un des pilotes étant Frank Moss, le roi du Carvair).


Mais « aucune information n’a été trouvée pour indiquer que la CIA a pris des mesures en réponse », note le signataire du rapport. L’ancien agent de la DEA, Celerino Castillo, a déclaré dans son livre « Powderburn » qu’il avait pris conscience de la contrebande de drogue à travers Ilopango. En août 1986, j’ai rencontré Jack McCavett, « le chef de la CIA au El Salvador », qui a dit « nous n’avons rien à voir avec cette opération ». Trois jours plus tard, il a appelé M. Castle à son bureau et a retiré 45 000 dollars de son tiroir de bureau. « J’ai encore de l’argent sur mon budget », a-t-il dit. « Prenez ceci pour votre groupe anti-narcotiques. Allez leur acheter des voitures ». Le rapport Hitz insiste sur le fait que la CIA elle-même ne s’est pas livrée à la contrebande de cocaïne pour soutenir les opérations des Contras ». « Aucune information n’a été trouvée pour indiquer que la CIA est une organisation ou ses employés ont conspiré, ou aidé, contre-organisation ou des individus dans le trafic de drogue pour recueillir des fonds pour les inconvénients à toute autre fin », ajoute-t-il.  Pas vu, pas pris !

Frank Moss, pilier du système de la CIA


Le fameux Frank Moss, on le retrouvera en Afrique, aux commandes d’un C-130 fort particulier.  « Les livraisons d’armes vers l’Afrique mouillaient la secrétaire d’État adjoint aux affaires africaines, Susan Rice, et Roger Winter, le directeur exécutif du Comité américain pour les réfugiés.  Les armes ont été livrées à l’Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) de John Garang, au Soudan en 1983, l’autre étant une aide logistique militaire secrète aux rebelles opposés à Laurent Kabila en République démocratique du Congo. En Angola, en 1989, de la même manière, c’est un Lockheed Hercules L-100 appartenant à la compagnie écran de la CIA Tepper Aviation qui sera l’objet d’interrogations.


« Le vice-président de Lomax International Inc était le pilote Michael Palmer, et l’autre pilote qui a émergé dans la lueur des audiences du Congrès était son partenaire Frank Moss, à l’aéroport du comté de Charlotte. Les deux hommes ont été répertoriés dans le journal de bord de Rob Owen, l’assistant d’Oliver North.»   Selon la déposition de la propre femme de Barry Seal, Deborah, l’avion (un DC-4) mis en cause à la Nouvelle-Orléans accusé d’envoyer des explosifs à des Cubains anti-Castro opérant au Mexique était en fait utilisé par Hondu Carib, propriété de Frank Moss.  Selon elle, Moss avait déjà été  auparavant pilote de Setco; la principale ligne aérienne des Contras en Amérique centrale (ici un autre Setco plus discret resté à Tegucigalpa-Toncontin International au Honduras, qui vole encore après restauration).

Un crash à 50 millions de dollars, déjà, en 2006


Très tôt, donc, de plus gros avions ont été mis en place.  Et très tôt aussi ils ont choisi la voie du Venezuela et de la Colombie (pour y décoller) et du Honduras (pour y atterrir). Avant l’arrivée des jets à réaction, ce sont donc les bimoteurs de type Gulfstream I que l’on rencontre le plus comme « gros porteurs » ainsi que des Let410, apparu en 1969, des avions aux capacités STOL bien présents dans les lignes aériennes touristiques du pays.  Certains Gulfstream disparaissent, sans qu’on sache s’ils faisaient parti du trafic. 


Le 12 février 2006, un Grumman  Gulfstream G-I59, n° de série: G-159-173, datant de 1967, immatriculé YV-903CP, parti de l’aéroport Arturo Michelana à destination de Barinas est déclaré « manquant ».  Le 9 juin 2006, c’est un appel de détresse d’un Grumman G-159, N° de série: 38, datant de 1960 qui est reçu.  Là encore, rien de concret pouvant relier sa disparition à un trafic.  En revanche, un Let 410 blanc immatriculé YV-867CP, fait un atterrissage forcé en Apure a 78 miles nautiques de Puerto Ayacucho, dans l’Etat d’Amazonas, au Venezuela le 5 août 2006 (ci-dessus).  Il a tenté de se poser sur une piste clandestine près de Vichada appelée La Venturosa.


Et lui faisait bien dans le trafic !!!  Il avait été précédé dès le 29 septembre 2005 sur une piste clandestine de San Andres, Municipalité de Montes de Maria, Département de Bolivar, en Colombie, par un Grumman Gulfstream, Modèle:  G159, datant de 1964 (c’est le 106 eme produit).

L’avion était l’ancien N64CG qui avait été ensuite vendu au Canada pour devenir C-FAWG, puis qui a volé plus tard au Rwanda avec le code 9XR-WR.  Il avait été découvert, détruit, arborant l’enregistrement vénézuélien YV1029.  Pendant des mois, il était resté stationné à l’aéroport Francisco García de Hevia International Airport, au Venezuela, mais juste au bord de la frontière avec la Colombie, dans l’Etat de Táchira puis s’était rendu à celui de El Vigia près de, Merida d’où il avait décollé pour la piste clandestine, à San Andres, Municipalité de Montes de Maria, dans le département de. Bolivar, en Colombie :  il avait en fait été abattu par des appareils de la l’Air Force Colombiana (FAC).



Deux Cessna A-37 et un hélicoptère avaient commis l’interception.  « L’avion est un Gulfstream qui a été détecté lundi à 18h30 par des avions envoyés par le Commandement aérien Combat de n ° 3, basé à Malambo, conformément à une mission d’interdiction aérienne réalisée en coordination avec d’infanterie de marine à Bolivar. « L’appareil qui transportait la drogue a été désactivé avec des roquettes tirées de nos avions », a déclaré hier soir le commandant de la base aérienne Malambo, le colonel Guillermo Leon Leon. À côté de l’avion, il y avait un tracteur dans lequel la drogue avait été apportée sur la piste d’atterrissage, qui a également été détruit par des roquettes ». L’avion avait réussi à se poser, mais touché par les roquettes et déclaré hors d’état de vol, il avait été incendié par les colombiens.


L’avion transportait deux tonnes de cocaïne, déjà, à cette époque !!!  « Les rapports de l’enquête indiquent que la drogue appartenait aux trafiquants de la côte caribéenne et devait d’abord être emmenée au Guatemala, puis envoyée aux États-Unis. ou en Europe.  Le prix de la cocaïne emportée avait été estimé par les autorités à 50 millions de dollars.  En tout cas, ce n’était pas celui indiqué comme tombé au Guatemala dans l’article XXVII de ma saga (mais d’où vient alors la confusion sur la photo du moteur Dart, montré à deux endroits différents ?

Les vols, en tout cas, continueront au point qu’en Au total, en 2009 au Honduras, sur une seule année, on constatera 12 crashs ou atterrissages, ayant provoqué 10 morts parmi les pilotes ou les trafiquants, 6 arrestations et… 3,48 tonnes de drogue saisies.  N’oublions pas en effet que la filière du Honduras est ancienne : c’est là, on le rappelle encore une fois, que Barry Seal avait été arrêté en 1979 pour la première fois, en transportant une arme et là aussi où il avait rencontré son second, Emile Camp, de Slidell (en Louisiane).





(1) On en était déjà à plus de 4 tonnes de coke par vol : « le 15 septembre 1995, les agents des narcotiques prouvaient le lien entre la ville de La Paz, en Bolivie et Mexicali (en Basse Californie), et à Lima, au Pérou, où ce DC-6 d’Aerobol a été capturé transportant 4,1 tonnes de cocaïne dissimulés dans des bijoux d’artisanat et des meubles.  Il y avait à ma connaissance, au moins quatre vols qui avaient traversé la moitié de la Bolivie et le continent précédent pour rejoindre les aéroports de La Paz et de Mexicali. Les vols charters de la compagnie aérienne nationale Lloyd Aereo Boliviano (en 727), transportent également de la cocaïne sur le marché américain« .  Dans tous ces opérations identifiées comme étant signées d’Amado Carrillo, plus connu comme « Le Seigneur du Ciel », dont le surnom vient, à l’ origine, de sa flotte aérienne et de ses compagnies d’aviation. « La drogue avait été saisie sous la pression de la DEA. L’avion saisi par les autorités péruviennes a êté identifié provisoirement comme étant le PNP-236. En Février 1996, l’avion a été transféré à la Force aérienne du Pérou, au Groupe 8, qui l’ enregistré comme FAP-381, mais elle n’avait ni la technicité et ni les équipages formés pour répondre aux besoins de la machine. L’un des leaders de l’unité ci-dessus, a décidé, à une date non précisée vers 2003 d’orner les jardins de la base avec quelques avions, dont ce fameux DC-6. » Aerobol était pionnière d’un autre genre : elle utilisait aussi des Antonov-2…



Article d’analyse sur le trafic en Amérique Centrale

http://elordenmundial.com/2014/02/05/el-camino-de-la-droga/

Stephen Sackur BBC`

ici le dossier de Insight Crime

https://www.justice.gov/eoir/file/861076/download

sur John Hull